Vingt-quatre ans après la sortie du classique de Plastikman, le pianiste ajoute son toucher magique à « Consumed », quitte à s’attirer les foudres des puristes.
Le pari était osé : revisiter l’album Consumed, chef-d’œuvre du Canadien Richie Hawtin, alias Plastikman, paru en 1998. Face à ce monument de techno froide, minimale, obsessionnelle et hantée, il n’y avait que le démiurge du piano pour mettre son grain de noires et de blanches à ce monolithe anthracite des musiques électroniques.
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L’histoire raconte que Gonzales, peu réputé pour son amour de la techno, a découvert pour la première fois Consumed lors de l’anniversaire des vingt ans de ce classique. Si Chilly s’est alors exclamé que le disque était pour lui de l’ordre de “la science-fiction jazz”, il est ressorti troublé et contrarié de l’écoute. L’aridité des mélodies et l’aménagement des silences, conçus comme des points de suspension, le mettaient mal à l’aise. “Écouter Consumed la première fois, prendre conscience du degré de liberté et de confiance nécessaire pour faire un disque avec si peu d’éléments, était comme une menace à laquelle je me devais de répondre”, commente Chilly Gonzales, avec son sens de l’ironie et de la démesure qui n’appartient qu’à lui, dans le dossier de presse.
Un disque diaboliquement hybride
En 2020, pandémie et confinements successifs obligent, le projet de combler ces espaces arides qui le gênent aux entournures par ses ponctuations mélodiques au piano se remet à hanter Gonzales. Il en ressort une poignée de démos que le pianiste envoie à Tiga, un ami de longue date qui a vu sa vie bousculée à 18 ans la première fois où il a entendu un set de Richie Hawtin. Enthousiaste, le DJ et producteur les transmet au principal intéressé, qui encourage le Canadien à persévérer sur chacun des onze morceaux originaux tout en posant ses conditions : Chilly Gonzales proposera son interprétation, puis le génie méché de la minimale finalisera le mixage final.
Le résultat, intitulé Consumed in Key, n’appartient ni à l’univers du remix, ni à celui de la reprise ou de la réinterprétation, mais se rapproche davantage de l’art moderne comme la collusion surréaliste de l’univers de deux musiciens fantasques. Ce disque est un objet diaboliquement hybride. Aussi fascinant que profane, déconcertant qu’agaçant, comme si tous les morceaux de Consumed ne se prêtaient pas à cet exercice périlleux. Pour un résultat, qui, au final, révulsera certains fans horrifiés qu’on ose toucher à la magie et à l’aridité de Consumed tandis que d’autres se pâmeront devant ce Consumed in Key qui troque la noirceur et le pessimisme de l’original pour un élan de poésie, de mélancolie et de douceur.
Consumed in Key (Turbo Recordings). Sortie le 1er avril.
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