D’Avatar à Era, les musiciens se plaisent à préserver la nature. Pas nos oreilles : entre Holiday on Ice, Kirikou et la sorcière, Deep Forest et une salade de tofu, la bande-son du carton de la décennie méritait son coup de griffe, signé Johanna Seban.
Parce que cette colonne ouvre les pages musique, le scénario d’Avatar ne sera pas évoqué ici : avant James Cameron d’ailleurs, le sommet de Copenhague, Nicolas Hulot, Yann Arthus-Bertrand et Pocahontas s’étaient déjà gentiment chargés de rappeler à tous que la nature est reine, que les hommes sont fous, que la guerre nous tuera et qu’il faut sauver, sinon le soldat Ryan, du moins le géant vert. Mais parce que cette colonne ouvre les pages musique justement, on évoquera la BO d’Avatar – mieux qu’une bande originale, on devrait dire une bande organique, 100% bio, complètement tofu, avec des antioxydants…
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Tout le monde a encore en tête le naufrage de Titanic et la complainte de Céline Dion. On ne s’attendait donc pas à découvrir, comme hymne officiel de la planète Pandora, un inédit de Nick Drake ou un live de The Left Banke en 67. Mais quand même. Que plus de dix millions de spectateurs français se disent “tiens, je vais les mettre ces lunettes, c’est marrant, comme au Futuroscope en 94 avec Thierry tu te souviens, allez viens on prend une photo”, passe encore.
Mais que plus de dix millions de spectateurs français se déplacent pour aller contempler un clip de trois heures de Deep Forest, ça ne passe pas. On ne pense même pas ici au générique de fin, un I See You signé Leona Lewis qui semble résumer, en trois minutes, quatre-vingts tournées de Holiday on Ice en Russie et soixante saisons musicales à Las Vegas. On parle de tous les extraits musicaux qui viennent égayer le film façon générique de Koh Lanta, et, par leur intermédiaire, de cette terrible manie qui consiste à se vautrer dans les clichés les plus consternants dès qu’il s’agit de mettre la nature en musique.
Ça passe encore pour Kirikou et la sorcière, c’est pour les enfants. Mais pour Avatar, c’est pénible : ces chants qui se veulent célestes parce que l’homme comprend que l’arbre est plus sincère qu’un troupeau de militaires en marcel, ces instruments à la con pour raconter les fougères, ces bruits de fontaine en toc, ces musiques de gens qui dansent avec la terre…
La bande-son résume ainsi tout l’art de ces groupes au nom un peu pareil (Enya, Era, Enigma), qui pourraient d’ailleurs aussi bien être des noms d’huiles essentielles, et qui font de la musique 100% chocottes – mi-new-age, mi-chant grégorien. Autant de raisons d’être navré quand on sait que la nature, parce qu’elle mérite justement l’amour, se raconte merveilleusement ailleurs.
Parce que le tri sélectif, le Vélib’, les transports en commun, on est tous d’accord. Mais s’il s’agit de chercher la véritable musique des bois, celle qui n’entrera jamais au billboard US, c’est dans les contrées sauvages de Piers Faccini, Fairport Convention ou Tim Buckley qu’il faut aller planter sa tente pop-up.
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