Sur un troisième album engagé, Katie Stelmanis, la force créative d’Austra, fait souffler des bourrasques electro sur des appels à la résistance et à l’espoir.
Elle a l’élégance de se cacher derrière un nom de groupe, mais personne n’est dupe : Katie Stelmanis incarne à elle seule Austra, dont elle écrit et produit toutes les chansons. Austra, c’est d’ailleurs son deuxième prénom, emprunté à la déesse de la lumière dans la mythologie lettone. En écoutant sa musique, baignée d’une clarté crue et éclatante, on reconnaît que son pseudo lui va à merveille.
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Du classique à la musique électronique
Elevée à Toronto par une mère fan de Kate Bush et un père passionné par Frank Zappa, elle a très tôt un déclic pour la musique classique.
“Je me souviens bien de la première fois où je me suis sentie transportée par la musique. C’était l’aria de la Reine de la nuit, dans La Flûte enchantée de Mozart. A 10 ans, j’ai commencé à prendre des cours de piano, à chanter dans un chœur et à jouer dans un orchestre. J’y consacrais tout mon temps libre.”
Elle pousse sa fascination pour l’opéra jusqu’à y consacrer ses études, puis bifurque vers la composition de musiques de films. Cette tête chercheuse se découvre alors une nouvelle passion pour l’electro et sort deux albums très remarqués, portés par une voix monumentale.
“Le classique est tellement enraciné dans mon esprit que j’ai du mal à savoir ce que j’en tire, mais si je me compare à quelqu’un qui a étudié le jazz, je dois reconnaître que j’ai une approche très disciplinée quand je compose. J’ai toujours l’impression de me battre contre une certaine rigidité dont j’aimerais bien me libérer.”
Traduits en musique, ses conflits internes créent une electro à la fois cérébrale et dansante, puissante et vulnérable, dans des ambiances troublantes qui rappellent Liz Fraser, Ladytron ou Fever Ray.
De Montréal au Mexique, la métamorphose
Après le radical Olympia en 2013 et la longue tournée qui s’ensuivit, Katie a décidé de s’installer à Montréal. Elle n’y connaissait personne et ne parlait pas le français.
“C’était essentiel pour moi de me retrouver seule, au calme. J’y ai vécu un an et demi et c’est là que j’ai écrit la moitié du nouvel album. C’était une période de tristesse et de solitude, donc c’est assez facile de deviner quels morceaux viennent de là – Gaia, par exemple, qui est comme une lettre d’amour à la Terre.”
Pour créer la seconde moitié, elle s’envole pour le Mexique et y reste six mois : un choc thermique et visuel, palpable sur la photo de la pochette.
“Je me suis tout de suite sentie entourée de chaleur et de couleurs. Mon état d’esprit a complètement changé en un clin d’œil. Sur place, j’ai beaucoup lu d’essais sur les liens entre capitalisme et environnement, sur les utopies du futur par des économistes, des philosophes ou même des écrivains de science-fiction.”
Toujours dans un esprit d’ouverture, elle profite aussi de ces voyages pour s’initier au français et à l’espagnol.
Un troisième album (très) engagé
Porté par un morceau éponyme à la mélodie irrésistible, ce troisième album, Future Politics, empoigne dans son titre deux mots que beaucoup d’artistes n’osent pas aborder. Si Katie a toujours affiché ses convictions (notamment son homosexualité et son féminisme), c’est de loin l’œuvre la plus engagée de sa carrière – à ses débuts, elle affirmait que les paroles étaient secondaires, mais ce n’est plus du tout le cas.
Sur un écrin de beats verglacés et de synthés majestueux, sa voix se déploie vers des hauteurs vertigineuses pour appeler à l’espoir, à un monde sans frontières et sans quête de profit, soit l’exact opposé des valeurs prônées par Donald Trump.
Hasard ironique du calendrier : Future Politics sort le 20 janvier, jour de l’investiture du nouveau président des Etats-Unis.
“Je suis encore sous le choc de cette élection. Je crois qu’il n’y avait pas d’alternative convaincante contre lui. Partout dans le monde, il y a des gens qui se sentent incompris, pas entendus. On m’a dit que c’était pareil en France, qu’il n’y avait pas de candidat fort pour représenter les progressistes. Il faut que ça change. C’est quand la situation devient grave que les artistes expriment leurs idées politiques. La seule chose positive, c’est que beaucoup de grandes œuvres vont surgir de tout ça.”
Future Politics donne le coup d’envoi comme une boule de neige reçue en pleine figure : glacial et vivifiant.
concerts le 28 mars à Tourcoing, le 29 à Metz, le 31 à Paris (Trianon), le 1er avril à Toulouse, le 12 à Lyon, le 13 à La Rochelle et le 15 à Rouen
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