Ecrit par Christophe Conte et réalisé par Sylvain Bergère, ce nouveau documentaire sur Etienne Daho confirme l’importance du chanteur au sein de la pop culture française.
En 2015, Antoine Carlier réalisait déjà un beau documentaire sur Etienne Daho, Un itinéraire pop moderne. Outre les apparitions du chanteur, de nombreuses personnalités étaient invitées à s’exprimer sur leur ami, collaborateur, idole, ou les trois à la fois. Parmi lesquelles Olivier Assayas, Debbie Harry, Dominique A, Jane Birkin, Richard Dumas, Elli Medeiros, Christophe Conte… Au tour de ce dernier, avec l’aide du réalisateur Sylvain Bergère, de s’attaquer aujourd’hui au format documentaire autour de Daho. « Un nouveau pari« , comme il chante dans Le premier jour du reste de ta vie. D’après Christophe Conte, l’objectif était avant tout de « faire en sorte que non seulement les fans le retrouvent tel qu’ils le connaissent, mais que les néophytes le découvrent aussi » : « Etienne exprime beaucoup dans ses chansons, ses interviews, ses livres, et pourtant on ne connaît pas tout de lui, loin de là… Un bon documentaire, c’est quand un artiste est impliqué tout en gardant sa propre vision. Il fallait donc raconter des histoires inédites, mais qu’il avait envie de montrer, sans être racoleurs. »
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Journaliste aux Inrocks pendant 27 ans et auteur de la seule biographie autorisée sur Daho, Conte maîtrise parfaitement le sujet, et la confiance instaurée entre les deux hommes s’impose sur petit écran. Sans pour autant imiter l’esthétique chic de Carlier déployé sur Un itinéraire pop moderne, Sylvain Bergère a misé sur une photographie à la beauté cristalline. Ce qui sert le point fort du film où, afin d’éviter les redites, on n’entend pas de voix off, ni d’intervention extérieure – sur 1 heure 15, quasi 40 minutes sont consacrées à la parole à Daho, ne gardant que l’essentiel de six heures de rushes tournés en quelques semaines seulement. « Outre le fait de se distinguer du documentaire d’Antoine Carlier, déjà très complet sur sa carrière et son entourage, commente Conte, l’idée était de prendre un point de vue différent en laissant Etienne parler seul. » Tous les entretiens sont réalisés en tête-à-tête, dispositif qui a sans doute permis au chanteur de se livrer à des digressions intimes auxquelles il ne nous avait pas habitués. « La parole de Daho s’est libérée, confirme Conte. Pendant plus de trente ans de carrière, il était très réservé. Mais depuis quelques années, il a changé sa manière d’aborder cet exercice, car il est en confiance avec lui-même, plus prompt à dévoiler des choses. Comme il le dit dans le film, il accepte enfin d’être à sa place. Il ne se sent plus illégitime. »
Une biographie filmée
La chronologie artistique est respectée : les débuts balbutiants, les premiers tubes, la gloire à paillettes, le passage à vide et le retour en force. Ce qui fait de Daho davantage une « biographie filmée« , dixit Conte, qu’un simple documentaire. Les archives d’émissions télévisées des années 80, à la fois kitchs et artisanales, valent absolument le coup d’œil, tout comme des sessions avec Edith Fambuena ou un enregistrement d’Epaule Tattoo à Londres, où il se moque de son propre texte. Est ici éclairci son rapport à l’Angleterre, refuge à la fois personnel et créatif, entre ses heures hindoues et ses attractions désastre, son appartement de Paris et sa garçonnière londonienne, montrées pour la première fois au public. En plongeant dans la richesse de ses influences, en l’observant déambuler dans l’ancien appartement de Syd Barrett, occupé par le peintre Duggie Fields, on se laisse définitivement séduire par celui qui a rompu avec l’image du « jeune homme sautillant avec un perroquet sur l’épaule » immortalisé par Pierre & Gilles, sans pour autant le renier.
On visualisait les grandes lignes de l’enfance en Algérie, où il est né en 1956, la découverte des Beach Boys sur la plage du Cap Falcon, mais pas le visage de son père, qu’il n’avait jamais montré jusqu’ici. Ni la peur suscitée par la guerre, les images cauchemardesques des flammes et d’un appartement familial pillé. On connaissait la rencontre avec Jacno et Elli Medeiros, mais on n’avait pas saisi l’ampleur de son coup de cœur post adolescent pour cette dernière. On savait sa méfiance envers le succès, moins la mélancolie profonde dans lequel son rythme de pop star l’avait plongé… au point de vouloir, un jour de blues intense au Château Marmont, se jeter par la fenêtre : « J’avais l’impression d’être arrivé au bout de quelque chose. J’avais perdu ma trace« . Aucun pathos lorsque Daho raconte cet épisode, comme s’il s’agissait d’un événement plus anecdotique. La distance, toujours, l’extrême prudence de celui qui se sent privilégié, et pour qui l’art, plus qu’une passion, est une bouée de sauvetage.
Daho par Daho, rediffusion samedi à 01h05 sur France 3, disponible en replay jusqu’au 22 avril 2019.
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