Il y a cinq ans disparaissait Amy Winehouse. Reportage sur l’île de Sainte-Lucie dans les Antilles, où l’Anglaise est souvent venue oublier ses démons, en vivant libre et heureuse parmi des insulaires qui n’ont rien oublié.
“Amy serait toujours en vie si elle était restée ici.” Catégorique, la femme qui prononce ces mots, Marjorie Lambert, a bien connu Amy Winehouse à Sainte-Lucie, une petite île des Caraïbes. Flash-back. En décembre 2008, la chanteuse est au pied du mur. Son mari Blake Fielder-Civil est incarcéré pour plusieurs mois et sa maison de disques veut la remettre au travail. Après le succès immense rencontré par son deuxième album Back To Black, Amy Winehouse part se mettre au vert là où elle a passé sa lune de miel en 2007. Dans l’ancienne colonie britannique bercée par le reggae, elle peut se reconstruire et écrire, voire enregistrer, des morceaux pour un album à venir.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
A Sainte-Lucie, véritable paradis sur terre, baigné d’eaux pures et à la nature exubérante, Amy se redécouvre, comme le confirme sa mère, Janis Winehouse-Collins. “Elle est tombée amoureuse de l’île et de ses habitants, et réciproquement.” Durant cette période, Amy décroche de la drogue, qui pourtant est disponible. Ça n’empêche pas les excès. De l’alcool, elle en boit, oui, beaucoup. Des tabloïds anglais la traquent là-bas, ils espèrent probablement la trouver fidèle à sa réputation sulfureuse. Aubaine : la jeune artiste, qui ne s’est pas produite depuis des mois, accepte de jouer au Jazz Festival de Sainte-Lucie, en mai 2009, sous l’insistance des sollicitations. Selon son amie Elena Rastelli, une Italienne installée sur l’île:
“Amy n’aurait jamais dû accepter, elle n’était pas prête à chanter, mais le promoteur et son père l’ont convaincue. Elle m’a demandé d’être présente à ses côtés. Amy est montée sur scène, ivre, le concert a été très mauvais. C’était plutôt triste à voir, surtout que les gens l’ont huée.”
« A Sainte-Lucie, elle passait incognito »
Pendant tous ces mois, l’absence de pression médiatique réussit bien à Amy. Elena Rastelli affirme :
“Elle vivait très mal sa célébrité, elle se demandait souvent si les gens lui parlaient parce qu’elle était connue. Mais à Sainte-Lucie, à part dans les lieux touristiques, où les badauds la reconnaissaient, elle passait incognito, et pouvait être elle-même.”
La mère d’Amy, Janis, confirme :
“Mon mari Mitch et moi sommes allés rendre visite à Amy plusieurs fois, et j’y suis retournée après son décès. Nous avons été frappés par la chaleur et l’amour que les gens portaient à Amy. Libérée de la pression, elle profitait de la vie de l’île.”
Amy loue une villa dans un lieu un peu isolé, Cotton Bay. Marjorie Lambert, 62 ans, est la patronne du bar-restaurant de la plage qui jouxte la résidence.
“La première fois que je l’ai vue, je ne la connaissais pas. Elle est arrivée et a voulu commander des verres. Je lui ai dit : ‘On dirait que tu as déjà bu. Tu vas commencer par manger et alors seulement je te servirai un verre’.”
A partir de ce moment, Amy aurait passé deux semaines sans boire d’alcool. Entre les deux femmes s’établit un lien fort, au point qu’Amy appelle Marjorie “mama”. La copine Elena devient elle aussi une maman de substitution :
“Ma maison était toute proche de Cotton Bay, du coup Amy se pointait souvent à l’improviste chez moi et nous passions de bons moments ensemble. A la seule condition qu’elle ne soit pas saoule quand elle voyait mes enfants.”
Les deux femmes énumèrent les plaisirs simples qu’Amy appréciait : se balader à cheval, jouer avec les enfants du coin, leur chanter des chansons. Marjorie se souvient : “Amy venait tous les jours, elle s’asseyait en face de moi et on discutait de tout. Je lui disais : “Tu es une lionne, Amy, tu es belle”, mais elle me répondait : “Tu dis ça pour me faire plaisir”. Elle manquait surtout d’amour. Ici elle vivait simplement. Parfois elle venait avec sa guitare, et se mettait à chanter. Sa voix était d’une puissance…”
Fiers d’être associés à la chanteuse disparue
Wendell Bertrande a souvent croisé Amy Winehouse sur la plage et aux streets parties de Gros-Islet, le village de pêcheurs tout proche. Il témoigne de l’amour de la chanteuse pour les enfants : “Elle aimait être à leur contact, elle s’amusait avec eux, leur achetait des glaces, elle faisait partie de la communauté, c’était une des nôtres.” La générosité d’Amy ne se limitait pas à offrir des glaces. Marjorie Lambert se souvient qu’Amy a “plusieurs fois proposé de me donner de l’argent, pour m’aider. J’ai toujours dit non. Un jour, elle a donné 2 000 euros à un pêcheur pour qu’il puisse se faire opérer. En 2011, elle est revenue à Sainte-Lucie une semaine. Quelques mois plus tôt, il y avait eu l’ouragan Tomas qui avait fait des dégâts, et elle voulait s’assurer que nous, ses amis, allions bien. Elle est partie un peu fâchée car j’ai refusé son argent. Elle disait “C’est mon argent, mama” !”
L’argent d’Amy a fini par arriver à Sainte-Lucie, par l’intermédiaire de la Fondation Amy Winehouse, que ses parents ont créée le 14 septembre 2011, le jour où elle aurait eu 28 ans. L’antenne locale, “Amy’s gift to St. Lucia”, soutient deux organismes : une école publique pour enfants aux besoins spécifiques, la Dunnottar School, et le Boys Training Centre (BTC), qui vient en aide à vingt-cinq garçons orphelins ou qui ont flirté avec la délinquance.
Les dons de la Fondation ces deux dernières années (près de 38 000 euros en tout) financent thérapie musicale, cours de musique, achat d’instruments, de vêtements de scène aussi, car chaque école a son groupe, composé d’une dizaine d’enfants chacun. Le prof de musique à Dunnottar, John Kenneth Polius, un musicien de l’île, constate l’effet bénéfique sur les enfants:
“Ça améliore leur confiance et leur permet de s’exprimer. On vient d’acquérir un piano, les enfants vont pouvoir apprendre le solfège, c’est génial !”
Janis Winehouse-Collins voit cela comme “une modeste façon de dire merci, avec l’espoir de toucher des vies de manière positive et enrichissante.” Au BTC, les garçons suivent d’ailleurs un programme de prévention contre les drogues et l’abus d’alcool. Les deux groupes se produisent régulièrement sur scène. Fiers d’être associés à la chanteuse disparue, ils reprennent parfois des chansons d’Amy Winehouse.
{"type":"Banniere-Basse"}