Grande et belle surprise au sein de Big Bang?, le nouvel accrochage des collections du musée national d’Art moderne du Centre Pompidou : les plissés du célèbre couturier japonais Issey Miyake.
C’est très exactement dans la deuxième section, intitulée Construction/déconstruction’, du redéploiement des collections du Mnam (musée national d’Art moderne) au travers d’un accrochage pluridisciplinaire et thématique, et non plus chronologique, que l’on découvre, là, exposée, la ligne de vêtement Pleats Please d’Issey Miyake.
Depuis les années 90, le plissage systématique du tissu chez ce grand couturier japonais (né en 1938) montré ici comme procédure artistique inédite qui spécule sur la forme et déconstruit positivement le processus créatif au même titre que les artistes Claes Oldenburg, Kurt Schwitters, Buren ou les designers Alessandro Mendini, Ingo Maurer, Gatti-Paolini-Teodoro, est une grande et belle première. La mode est donc rentrée à Beaubourg ; ou, plutôt, certaines recherches vestimentaires et notamment celles d’Issey Miyake sont bel et bien reconnues comme artistiques. Chez le Japonais, elle mélange même tradition et nouvelles technologies, à la fois radicales et pratiques.
Pour Issey Miyake en effet, il est question, en cherchant la simplicité et l’universel, de vêtir le corps de manière aussi fonctionnelle que ludique, avec un choix infini de multiples combinaisons de formes et de couleurs. Pour cela, fi de la conception du vêtement occidental qui, tel un beau packaging, s’adapte à la tridimensionnalité du corps : Issey Miyake expérimente diverses techniques de coupe à plat (comme dans la tradition du kimono) qui laisse libres de leur mouvement les parties excédentaires du tissu, le tout dans la mise au point de nouvelles structures via ampleur et gestuelle du corps. Sa technique du plissé va dans ce sens. En reprenant les méthodes de plissage de l’Antiquité (plier le tissu, le découper, le découdre, puis le coudre), le couturier rend le plissé permanent : La pièce est découpée, cousue dans des dimensions deux à trois fois plus grande que ses dimensions réelles. Ensuite le tissu est plié, repassé, surfilé afin que les lignes restent en place. Enfin, le vêtement est introduit dans une presse sous hautes températures entre deux feuilles de papier d’où il ressort avec un plissage permanent.?
Le résultat est sculptural, emprunt de philosophie nippone : Issey Miyake rend au défaut (le plissé, le froissé, le plié) ses lettres de noblesse, quelque part indissociable du wabi-sabi , esthétique de l’inachevé, de l’impermanence, du temps qui passe.
Big Bang , c’est donc bel et bien un exercice ultra périlleux : un saut dans la confrontation systématique des disciplines (art plastique, mode, littérature, vidéo, design, cinéma, sculpture, peinture ) via thèmes, rapprochements formels et autres résonances. Au final, tout se révèle brillant, vivant, intellectuellement jubilatoire, et à l’image de la problématique du couturier Japonais met le corps du visiteur sous le mode de la réaction.