Bouillonnant et bordélique, le rock de Surfer Blood est la meilleure nouvelle venue de Floride depuis le jus d’orange.
Parfois, des noms arrivent sur le net portés par une vaguelette, qui devient au fil des mois raz-de-marée : avec ces Américains, ça a été d’entrée de jeu un tsunami, parti il y a un an tout juste d’Austin, Texas, où le groupe avait donné de fougueux concerts lors du festival South by Southwest. Pour surfer aussi habilement et patiemment sur ce genre de grosses vagues, il fallait garder son sang froid : on ne dira jamais assez à quel point le nom Surfer Blood est idéal.
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Surprise : c’est d’une des zones les plus sinistr(é)es sur la carte du rock américain – la Floride – que sont venus ces dernières années quelques- uns des groupes indie les plus passionnants et imprévisibles : Black Kids, puis The Drums et aujourd’hui Surfer Blood. Tous trois sentent la réaction épidermique, tremblante, au désoeuvrement des suburbias blanchâtres, au conservatisme ambiant, à la dictature des jocks, ces athlètes décérébrés qui polluent les vagues floridiennes : originaires de West Palm Beach, les quatre garçons de Surfer Blood n’ont visiblement jamais surfé, préférant garder la plage pour la nuit, les feux de bois flotté, l’ivrognerie mélancolique et pisser aux étoiles.
Mais Surfer Blood a mis en scène sa frustration, sa rage, avec un mélange intriguant de nonchalance et de flamboyance, transformant chaque refrain en concours épique, chaque guitare en une savante aiguille à canevas – les textures de ces dix chansons disent tout haut que le studio est le cinquième membre du groupe.
Surfer Blood a visiblement beaucoup écouté Pavement et Weezer : c’est avec la même insolence slacker, la même ironie de sale gosse qu’il traite ses tubes éblouissants. Certains ne se remettent pas, c’est dommage, de ce petit sadisme gratuit et jouisseur, mais la plupart sortent indemnes – grandis même, comme les euphorisants Floating Vibes ou Swim – de cette machine à sagouiner, à pervertir.
Car malgré tous ses efforts pour paraître le plus cancre, irrespectueux et branleur possible, le groupe est à l’évidence studieux, méticuleux, bâtissant avec du sable fin des cathédrales soniques, un bien séduisant mur du son, nettement plus granuleux, salopé que celui, immaculé, envisagé pas loin de là par The Drums.
Comme eux, comme chez mille groupes actuels, l’équation de départ du groupe est simple, efficace : Phil Spector + Beach Boys + shoegazing = The Jesus And Mary Chain 2. Mais sur sa plage, Surfer Blood met plein de grains de sable dans cette mécanique rodée : des arrangements gorgés de soleil à la Vampire Weekend là où les autres convoqueraient le ténébreux, des refrains exaltés là où tant de groupes à frange les noieraient dans les échos, des harmonies entrelacées là où le monotone/ monocorde reste souvent de rigueur dans le genre… Petit groupe, grand disque.
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