Après deux premiers albums étincelants, Altin Gün a frôlé la panne créative. C’est en revenant à ses fondamentaux que la formation basée à Amsterdam parvient à retrouver de sa superbe. Et fait de ce cinquième album un merveilleux cabinet de curiosités.
À l’évidence, les sept comparses d’Altin Gün sont très attaché·es aux traditions, revenant régulièrement pointer leur tête dans les bacs (Aşk est le cinquième LP depuis 2018), aiment jouer presque chaque année dans les mêmes salles (le public d’Eurosonic en sait quelque chose) et ne peuvent décemment pas envisager leur musique autrement que comme une relecture pop et synthétique d’airs folkloriques turcs traditionnels. En studio, c’est le même procédé, le même attachement à un processus de création que l’on pourrait aisément considérer comme vintage : de vieux instruments, des bandes magnétiques, les conditions du live, etc.
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Retour aux fondamentaux
Aşk défend la même approche, celle qui a fait tout le charme de On (2018) et Gece (2019), probablement les deux meilleurs albums du sextet basé à Amsterdam, avant que ce dernier ne tourne le dos à cette formule pour s’orienter vers des contrées plus électroniques. Parce que la crainte de se faire enfermer à jamais dans la case “psychédélique” se faisait de plus en plus pesante ? Parce que l’envie de s’imposer définitivement comme un groupe hors du temps se faisait toujours plus pressante ?
Dans le doute, parlons plutôt d’une parenthèse de deux ans au cours de laquelle Altin Gün a perdu un peu de sa magie, s’est tenu à l’écart de ce qui fait sa force : cette connexion presque télépathique avec les grands esprits du paysage musical turc, ce dialogue fécond entamé avec Neşet Ertaş, Erkin Koray, Barış Manço et tant d’autres, précisément dans l’idée de développer une musique joueuse, empreinte d’une candeur et d’une bonhommie bienfaitrices.
Aşk, avec sa myriade de synthétiseurs, de saz électriques, de guitares slide, de percussions et de mélodies qui tourbillonnent autour de voix mixtes, ressemble effectivement moins à un vieux béguin passéiste qu’à une œuvre fantasmatique.
Il n’est pas question ici de faire style, ni de verser dans la simple citation : les dix chansons réunies sur ce cinquième long format sont autant de pépites pop imparables, mouvantes et incroyablement jouissives, y compris lorsqu’elles se moquent avec insolence de nos états d’âme, passant allégrement d’un spleen contagieux (Güzelliğin On Para Etmez) à un groove psychédélique (Doktor Civanim) voué à rassembler les foules autour d’une piste de danse.
Aşk (Glitterbeat/Modulor). Sortie le 31 mars. Concert le 15 avril à Paris (Trianon).
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