Un album de pop qui rit qui pleure mais qui ne joue pas la comédie. Critique et écoute.
Pendant longtemps, Arthur Beatrice a été un fantasme, un pari sur le futur à peine documenté par une poignée de chansons disséminées sur un site opaque. Ceux qui avaient accès à leur musique en parlaient avec des airs de conspirateur mais aussi militantisme : leur discours sur la musique du groupe brightono-londonien était tellement confus, alignant aussi bien les noms de Radiohead que de The xx, qu’il donnait de furieuses envies de voir le mystère sur scène.
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On les invita donc au Festival des Inrocks mais ils annulèrent à la dernière minute, trop occupés par les réglages minutieux de leur premier album. C’était en novembre 2012, et cet album ne sort qu’aujourd’hui. On rêverait d’en avoir suivi l’enregistrement sur les mois, voire les années, nécessaires à son élaboration.
En connaître les versions successives, tout le travail maniaque d’arrangements, d’ornement, qui peu à peu s’est effacé, éclipsé, ne laissant à l’arrivée qu’une écume de son énormité. Ainsi va la pop qui compte : elle additionne pour mieux soustraire, tente toutes les pistes pour n’en garder qu’une esquisse, peut-être parfois la première.
Un perfectionnisme entre mélancolie et extase
Si les chansons de Working out évoquent autant l’esprit de Prefab Sprout que de London Grammar, tout un pan hautain, mixte et méticuleux de la pop britannique, c’est parce que, comme pour ces groupes obsessifs, elles ont été pensées, discutées, triturées dans les moindres détails. Elles ont intégré le studio comme un membre à part entière, un esclave plutôt, qui n’encombre jamais la musique mais offre juste à cette pop la majesté sans la pompe, la ferveur sans l’exaltation cul-bénit.
Ces pop-songs partagent, dans ces entrelacs de voix livides, dans ces dentelles de guitares, dans ces grooves crayeux, le même arbitrage très souple entre mélancolie et extase. Un goût du clair-obscur qui fait toute la force de Late, Midland ou Grand Union, chansons aux formes fuyantes, presque irréelles mais à l’impact, lui, bien tangible. Arthur Beatrice, ou l’art de faire de la pop avec des vapeurs, des humeurs.
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