Immersion en terre bretonne à l’occasion de la 34e édition du festival Art Rock, qui consacre une place essentielle à la nouvelle scène musicale sous toutes formes, et séduit tous les publics.
En trente-quatre années, le festival breton a bien grandi. Le Art Rock, situé à Saint-Brieuc, a lieu chaque weekend précédent la Pentecôte depuis 1983. Et il ne se résume pas à une simple fête organisée pour animer la ville, trois jours par an.
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A première vue, tout porte à croire que l’événement a été monté pour attirer les familles et enfants du coin, venus se détendre et pas s’initier au punk féministe ou découvrir les nouveau talents du rap francophone. D’abord, le cadre peu dépaysant : en plein centre ville, entouré de bars et de magasins, l’accès s’effectue facilement. Mais fermé aux voitures pour l’occasion, Saint-Brieuc prend une forme inédite et excitante. Ensuite, quelques noms sur l’affiche en aurait laisser plus d’un perplexe. Grossière erreur. Et cette 34e édition, la programmation fait la part belle aux groupes et artistes alternatifs pour le plus grand bonheur des mélomanes initiés, ou de passionnés curieux.
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Dès vendredi, les festivités débutent en fin d’après-midi. Une multitude de concerts amateurs se préparent dans les bars à proximité pendant que les festivaliers se rameutent à l’entrée du site divisé en deux scènes principales : la Grande Scène et la scène B installée derrière l’église. La troisième salle, la Passerelle (ou Forum), se trouve sur la place de Saint-Brieuc, elle-même occupée par des tentes de l’organisation et des stands de restauration rapide. Au loin, résonnent déjà les morceaux des Naive New Beaters, coqueluches des pré-adolescents venus en masse découvrir notamment le dernier single du groupe Words Hurt. Mais déjà, la programmation fait preuve d’un bon goût étonnant, avec la présence de Jagwar Ma. Les trois Australiens assurent un set irréprochable devant une foule festive et enthousiaste. Le concert se termine à peine que des jeunes se ruent vers la plus petite scène de peur de manquer Roméo Elvis, (bien qu’elle ne se situe qu’à trois minutes montre en main de la grande). Le rappeur belge se montre tellement chaud qu’on hésite à se bouger pour La Femme. Le groupe français vaut le détour malgré tout, et prouve qu’il ne s’adresse pas seulement à un public de niche parisien. Pendant que la voix soul de la chanteuse belge Coely accompagne la nuit naissante, The Kills déboule sur la plus grande des estrades. Le duo garage américain joue de son magnétisme et la magie s’opère sans efforts.
Une autre jeune rockeuse s’époumone au Forum : la chanteuse de Sløtface, entourée de trois garçons aux instruments. Le groupe féministe norvégien ne se laisse pas démonter par le peu de personnes présentes et conclut un show bruyant, digne du genre qu’il défend. Las Aves remplira un peu plus la salle mais les clubbers dans l’âme préféreront aller danser au son du set de Cassius, dans la nuit qui se refroidit.
Pluie bretonne et musiques solaires
Les soirées à Saint-Brieuc se font fraîches, et le samedi souffre de la météo capricieuse de Bretagne partir de 21h. Le soleil s’est montré clément deux heures durant au dessus de la Grande Scène sûrement grâce au virtuose guitariste Bombino, originaire du Niger, et de la performance euphorique d’Ibibio Sound Machine, forte de son incroyable chanteuse anglo-nigérienne. Cléa Vincent échappe de peu à la pluie et profite des derniers rayons pour se dévoiler timidement avant de lâcher prise, se nourrissant de la ferveur du public briochin. Paradis, très attendu au sein d’une audience qui ne dépasse les 20 ans d’âge moyen, a l’air plus absent mais l’efficacité des chansons suffit à combler cette baisse de régime. Du duo parisien au musicien français Clément Bazin, la transition est parfaite. Muni de ses Steelpan, il pousse une foule vêtus d’imper humides à se mouvoir au rythme de ses compositions estivales.
On oublie Julien Doré et Deluxe pour jeter une oreille au Forum, à l’abri de l’averse. La formation féminine The Big Moon représente la scène indé londonienne actuelle à coups de riffs acérés et de mélodies qui se moquent gentiment de la pop. En attendant l’arrivée de Parcels, qui promet un concert emplit de bonnes ondes, les festivaliers contemplent l’exposition de pochettes d’albums triées par thème dans la salle d’à côté. Les cinq Australiens entrent en scène dans une ambiance club de jazz à la lumière tamisée : les voilà qu’ils agitent le public en tapotant sur un triangle ou une bouteille de bière. Choix cornélien à faire entre la fin du set de Parcels et celui d’Acid Arab, qui nous donne rendez-vous sur la Grande Scène. Finalement, les deux DJs auront quinze minutes de retard, mais l’attente n’aura pas été vaine à en croire les mines épuisées mais ravies des festivaliers. Les plus motivés iront voir les jeunes rockeurs français de Last Train, que l’on connaît bien chez les Inrocks, et qui ne nous ont pas déçus.
Dimanche. Le calme règne dans les rues de Saint-Brieuc. C’est le dernier moment (et le plus opportun) pour visiter l’exposition Fantastic Elements organisée par le festival dans le musée de la ville. En milieu d’après-midi, la sensation rock français Radio Elvis et le poète Bertrand Belin montent le son à la Passerelle, tandis que les fêtards de la veille émergent tranquillement. Ce dernier soir débute sous un ciel menaçant. La programmation représente à merveille le parti pris du festival pour la scène alternative. Comme Abra, par exemple qui souffre malheureusement d’un public peu nombreux et de basses bien trop fortes. On délaisse la Grande Scène qu’on retrouve plus tard pour des Black Angels, groupe de rock psyché un peu trop sérieux. Sur l’estrade derrière l’église, un ovni du rap français encore méconnu met le feu au public : KillASon. Il accomplit l’exploit de maintenir les spectateurs enthousiastes, totalement seul sur scène. Agar Agar relève aussi le défi et le single Prettiest Virgin suffit à garder l’attention des festivaliers.
Sur la Grande Scène, Metronomy entonne son entêtant Love Letter mais ceux à la recherche de sensations fortes sont aller former un pogo devant Nova Twins suivi des Anglais de Shame. Ces derniers arrosent la foule de bière et le chanteur embrasse un fan dans la fosse à pleine bouche. Dehors, la pluie a cessé tandis que les notes des tubes d’Archive résonne dans le centre-ville encore animé.
Plus une goutte de pluie n’est à déplorer en ce dimanche qui s’éteint peu à peu. Alors que certains sont partis se coucher depuis quelques heures pour reprendre la vie normale, les derniers festivaliers prolongent le weekend et s’en vont danser à la Passerelle, sur les mélodies funk de No Zu, jusqu’au milieu de la nuit. Demain pourra toujours attendre.
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