Après son sacre aux César pour la musique de « 120 battements par minute », Arnaud Rebotini a fait escale au festival Calvi on the rocks organisé en partenariat avec la Villa Schweppes. Quelques heures avant son set, le DJ à la moustache la plus célèbre de France s’est épanché sur les conséquences de ce succès et sur ses futurs projets.
Vous avez récemment confié à Greenroom : « Ma chance, c’est de ne pas avoir eu d’énorme succès, ça m’a permis de rester libre. A partir du moment où tu incarnes un tube, c’est vraiment la merde ». Est-ce que votre César récompensant la meilleure musique originale pour 120 Battements par minute est-il venu changer cette routine ?
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Arnaud Rebotini – Le succès de 120 Nattements par minutes n’a pas trop affecté mon travail car ça reste une BO, pas un disque en soi. Je n’incarne pas personnellement à 100 % cette musique car elle fait partie d’un film et c’est un travail de commande finalement. Mais ça me ramène pas mal de tournées qui me permettent de faire mon live.
Vous ne craigniez pas qu’on vous réduise à ce titre ?
Non, c’est le dernier disque que j’ai sorti donc on m’en parle beaucoup mais ça me gêne pas. Et mon parcours est assez long et éclectique.
En 2014, vous assuriez déjà la bande originale du précédent long métrage de Campillo, Eastern Boys. Vous souvenez-vous de votre rencontre ?
C’est lui qui est venu me chercher car il aimait ma musique. Il avait particulièrement apprécié un album que j’ai fait en 2000 qui s’appelle Zend Avesta, un disque pop, de musique classique et de jazz avec pas mal de harpe, de flute, de clarinette et un peu de synthé. Il l’avait adoré et il m’a demandé de reprendre ça avec des morceaux électros pour Eastern Boys.
Avant de vous proposer de faire la BO de 120 Battements par minute, Robin Campillo connaissait-il votre engagement auprès du milieu LGBT ?
Non car je n’avais pas vraiment d’engagement militant. J’ai toujours été proche de ce milieu car j’ai toujours joué dans des clubs gays. J’ai touché mes premiers cachets au Carré noir, un backroom gay dont les gérants étaient vos voisins, rue Lamarck. C’est là que j’ai joué mes premiers sets live. Ensuite, j’ai pas mal joué au Pulp sur les Grands Boulevards, une boite de filles qui faisait des soirées ouvertes et tous les jeudis, j’y animais des soirées baptisées « Sometimes Funky People Are Dressed In Black ». J’ai découvert la house et la techno au Boy’s, au 6 rue Caumartin, sur les Grands Boulevards toujours, à deux pas de l’Olympia. C’est un milieu dans lequel je me suis toujours senti bien. Aujourd’hui avec le succès du film, on m’interroge davantage sur le sujet et j’essaye d’expliquer qu’au-delà du cinéma, il y a aussi un drame humain, le sida, qui continue de tuer beaucoup de gens encore aujourd’hui. C’est pour ça qu’un festival comme Solidays est important car c’est au moment où l’on boit des coups et où l’on fait la fête qu’il faut faire particulièrement attention aux rapports non protégés.
https://www.youtube.com/watch?v=DU-yXAXz4DI&t=118s
Le remix de “Smalltown Boy” de Bronski Beat a-t-elle été une étape compliquée de la BO ?
Au début, je dois reconnaître que ça m’a un peu effrayé mais finalement ça n’a pas été trop compliqué à réaliser. L’idée est venue de Robin lors d’un concert de soutien de Jimmy Sommerville à Act-Up avec son groupe de l’époque qui s’appelait The Communards. Il a toujours soutenu l’association, il a payé leur loyer durant un an. Robin Campillo se rappelle que lors de ce fameux concert, il aurait joué une version un peu modernisée de ”Smalltown Boy” et il m’a demandé de faire un remix dans cet esprit de la deep house des années 90.
Votre remix lui a donné une empreinte plus sombre et mélancolique…
Ah peut-être. Je ne voudrais pas comparer les deux versions. Pour moi, la version originale de neuf minutes est quelque chose d’intouchable. C’est un grand moment de la musique pop et électro donc personnellement je n’aurais jamais osé m’y attaquer si on ne me l’avait pas demandé. J’ai essayé d’être très respectueux du titre original. J’ai un peu ralenti le morceau et j’ai gardé la même harmonie. Ma femme qui écoute souvent “Smalltown Boy” était très fière d’entendre mon remix.
Vous êtes une figure la nuit parisienne ? Quel regard portez-vous sur son évolution depuis 20 ans ?
Je n’ai pas l’impression que ça a changé tant que ça. La seule différence, c’est que je suis plus vieux (rires). Il y a plein de soirées hyper bien et j’ai le sentiment que le nuit parisienne s’est largement démocratisée. Ce n’est plus l’apanage de quelques uns et tant mieux.
Etes-vous parfois nostalgique de l’époque où vous étiez disquaire chez Rough Trade et où la musique pointue était réservée aux orpailleurs ?
A l’époque, le disquaire, c’était le lieu où était compilé le savoir. Nous étions YouTube avant l’heure (rires). C’était surtout une époque où il fallait gérer la rareté. Aujourd’hui, il faut gérer l’abondance mais il y a plein de labels de qualité qui continuent de faire un travail de curation et d’éditorialisation.
Ça représente quoi de venir jouer dans un festival aussi pointu que Calvi on the rocks pour vous ?
J’adore ce festival, c’est la troisième fois que je viens. Au-delà d’être un festival pointu, c’est aussi un moment dans l’année qui est synonyme de vacances vu le cadre. Je suis d’ailleurs venu en famille.
Vous êtes connu pour être un grand stakhanoviste. Est-ce que vous parvenez à ne rien faire l’espace d’un été ?
Avec l’âge et la pression familiale, je suis obligé (rires).
Vous avez d’autres projets de BO de films ?
Je vais prochainement faire la bande originale d’un film réalisé par Bettina Oberli avec Mélanie Thierry et Pierre Deladonchamps. C’est une sorte de Madame Bovary moderne, un couple écolo moderne qui s’ennuie. Et j’ai aussi assuré la bande originale du prochain film de la réalisatrice Lou Jeunet.
Tout au long de votre carrière, vous avez aimé surprendre les gens. Vous pensez toujours pourvoir le faire ?
Oui, j’ai encore quelques cordes à mon arc (rires).
D’ailleurs en matière de surprise, si on est champions du monde, est-e que vous vous engagez solennellement à raser votre moustache ?
Je regarde la Coupe du monde avec passion mais je ne peux pas prendre cet engagement parce que j’ai rasé ma moustache une fois lors du second album de Black Strobe et j’ai eu tellement de plaintes que j’ai promis de ne pas recommencer. Et en plus, je pense que les Bleus n’ont pas besoin de moi pour être champions du monde.
Propos recueillis par David Doucet
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