En 2005, Arcade Fire nous reçoit à Montréal. Récit d’une année folle avec (presque) tous les membres du groupe.
Alors que « Funeral » s’est imposé sur la concurrence en 2005, entretien sur l’année folle que vient de vivre le groupe.
Montréal, août 2005. Un an après la sortie de l’inusable album Funeral sur ses terres, The Arcade Fire nous a donné rendez-vous dans son quartier du Mile End pour une interview à laquelle participera tout le groupe. A l’exception de Tim Kingsbury, absent pour répétition avec un autre groupe, ils arrivent, les un après les autres, dans ce petit café qu’on nomme l’Olympic, sorte de PMU local où le groupe a visiblement ses habitudes.
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Jeremy Gara, batteur, et Sarah Neufeld, violoniste, sont là les premiers. Richard Parry, le grand roux multi-instrumentiste, les rejoint, vite bousculé par Will Butler, le petit frère de Win, qui déboule en vélo, avec un gros casque sur sa bonne tête. Puis c’est Régine Chassagne qui surgit, avec des paquets à la main et une faim de loup, juste avant que son Win Butler de mari n’arrive le dernier, parce qu’il lui a fallu lancer une lessive dans la laverie qui jouxte l’Olympic, à quelques jours d’une série de concerts au Japon, les quasi dernières d’une tournée 2005 aussi passionnante qu’épuisante.
Alors que la lessive est en route et que tout le monde se relaie pour aller mettre des pièces, c’est tout Arcade Fire qui revient sur son année folle, avec lucidité et humour.
Comment avez-vous réagi au concert d’éloges qui a suivi la sortie de “Funeral” ?
Win – Je me suis méfié, de la même façon que je me méfiais quand cela est arrivé à d’autres groupes. “Arcade Fire, le groupe qu’il vous faut.” “Arcade Fire, le groupe qui va changer votre vie.” J’ai lu des trucs comme ça qui m’ont fait peur, je comprends très bien que des gens aient refusé d’écouter notre disque après être tombés sur ce genre de choses. Je comprends aussi que des gens détestent notre musique. Mais, en général, je n’écoute pas les avis des autres, ni ceux de la presse ; c’est la meilleure façon de continuer à faire des choses.
Richard – J’ai lu dans un journal un article titré : “Arcade Fire, le groupe qui fait tout à la perfection”. J’ai trouvé ça à la fois ridicule et terrifiant.
Etes-vous fébriles à l’idée d’enregistrer un deuxième album ?
Win – Non, pas du tout. Quand il faudra aller en studio, nous serons prêts, je peux le garantir (quelques semaines plus tard, ils devaient annuler leur prestation au festival Les Inrocks Black XS, justement pour enregistrer – ndlr).
Régine – Nous avons déjà commencé à y réfléchir, nous avons déjà écrit quelques chansons, qui sont assez différentes de ce que nous avons pu faire jusqu’ici. Pour le moment, c’est plus dépouillé, plus intimiste, plus acoustique. Pour le moment, je dis bien…
Vous l’enregistrerez à Montréal ?
Win – Oui, le disque sera entièrement conçu et enregistré dans une ancienne église que nous avons transformée en studio : The Church. L’argent gagné avec Funeral a servi à ça, à nous offrir un lieu qui nous permettra de concevoir et d’enregistrer à l’avenir notre musique loin de l’agitation, un endroit qui sera à notre entière disposition 24 heures sur 24, 7 jours sur 7… Nous avons passé une bonne partie de notre été à aménager ce studio, c’est du travail…
Régine – D’ailleurs, je viens juste d’aller choisir la couleur du papier peint (rires)…
Ce studio, c’est le symbole de votre indépendance ?
Win – C’est absolument ça.
Votre premier album a été signé et distribué par Merge Records, un label indépendant. En sera-t-il de même pour le second ?
Win – Il est trop tôt pour le dire. Nous avons reçu des tas de propositions, venant de presque toutes les majors, que notre avocat a toutes regroupées dans un gros dossier. Nous verrons ça en temps voulu. D’abord, il nous faut écrire et enregistrer un second album, le reste viendra après.
Sur son blog, David Byrne vous a conseillé de signer avec un label indépendant plutôt que de vous engager avec une major. Qu’en avez-vous pensé ?
Win – Pourquoi nous dire ça ? Les Talking Heads étaient plutôt sur une major, à ce que je sache… Pourquoi nous, aujourd’hui, les jeunes groupes, devrions-nous être plus indépendants que ne l’étaient nos prédécesseurs… Gagner de l’argent, même beaucoup d’argent, n’est pas quelque chose qui nous effraie… Après, effectivement, il faut voir ce qu’on fait de l’argent. Je crois que nous saurions gérer même un très gros contrat, que nous ne dépenserions pas notre argent inconsidérément, ce n’est pas du tout notre genre… Björk est signée sur une major et jamais l’argent qu’elle a gagné n’a influencé sa création artistique (The Arcade Fire vient d’ailleurs d’engager le manager de l’Islandaise – ndlr).
Est-ce que le titre glacial de ce premier album, Funeral, n’a pas en quelque sorte contribué à vous donner une image beaucoup plus sombre que ce que vous êtes en réalité ?
Régine – Oui, bien sûr. Mais nous ne changerions pour rien au monde le titre de cet album. Ce titre, c’est une photo de ce que nous vivions au moment précis où nous enregistrions le disque. Ce n’était pas une période très drôle pour nous, nous allions d’enterrement en enterrement.
Win – Ça nous a un peu enfermés dans une certaine image qui n’est pas vraiment la nôtre. Combien de journaux nous ont proposé de nous prendre en photo dans des cercueils ou tous alignés sur un banc d’église !
Vos concerts à Paris cette année, c’est un souvenir particulier ?
Win – C’était très excitant, oui. Nous venions tous jouer à Paris pour la première fois et on nous avait dit que le public était assez différent de partout ailleurs. Je me souviens d’un type au concert du Nouveau Casino : il était au premier rang, et sur My Heart Is an Apple, une chanson pas très connue, il chantait les paroles et se tapait très fort sur le coeur, c’était assez étrange mais plutôt plaisant…
Régine – Je me souviens aussi qu’au Nouveau Casino, à la fin d’In the Backseat, on est sortis de la salle pour finir le morceau dans la rue, et on a marché, loin, très loin, dans la rue Oberkampf… Tellement loin qu’on a eu du mal à retrouver le chemin de la salle et qu’on a dû frapper à une fenêtre pour demander la route… C’est un homme qui nous a ouvert, il finissait de dîner avec sa femme dans la cuisine, et il faut voir la tête qu’ils ont fait tous les deux lorsqu’ils ont vu un groupe avec plein d’instruments leur demander où se trouvait le Nouveau Casino…
L’idée de fendre le public et de sortir de la salle, elle vous est venue comment ?
Régine – On n’a jamais planifié ça, je crois que c’est Win qui est descendu dans la salle et on l’a tous suivi…
Win – Je me souviens que le public était terrifié (rires)… Les gens se demandaient ce que je leur voulais.
Sarah – On a aussi tous eu tellement l’habitude de jouer dans des petites salles, d’être en contact avec le public, qu’on n’a pas du tout peur de communiquer, de serrer la louche au public. Il faut en finir avec ces concerts où vingt types de la sécurité sont devant la scène, ça ne rime à rien.
Win – Je pense que si, un jour, vingt types sont entre nous et le public, il sera temps de se poser des questions et d’arrêter. A l’avenir, on devrait plutôt vous croiser dans de grandes salles. Ça va changer quelque chose ?
Win – Je me souviens d’avoir vu d’excellents concerts dans des stades de football, et d’autres nuls dans de toutes petites salles… Il ne faut pas se poser ce genre de questions, mais simplement penser à écrire de bonnes chansons. Dylan est aussi bon dans une salle immense que dans un club.
Après vos premiers concerts en France, vous avez pris un peu de repos dans le Sud, à Cassis ?
Win – Ça a a été un moment important pour nous. Nous ne sommes pas et ne serons jamais un groupe qui enchaîne six mois de tournée sans jamais s’arrêter. La semaine que nous avons passée à Cassis constituait un break important pour nous. Nous venions de finir notre tournée américaine et nous voulions nous reposer, passer du temps à flâner, à rire, à manger, à boire. Régine connaissait un peu l’endroit, et puis c’est agréable de voir autre chose d’un pays que la salle de concerts, l’aéroport et l’hôtel. Cette semaine en France a été parfaite pour nous, vraiment très tranquille. Elle a été essentielle pour que l’on garde de cette tournée plus que des images “clichés” qui s’enchaînent à toute vitesse, comme dans un clip pour une compagnie aérienne : la tour Eiffel en France, une assiette de sushis au Japon, une corrida en Espagne, la statue de la Liberté à New York…
Vos performances sont très physiques. Pensez-vous que ce soit ce que le public apprécie chez vous ?
Win – Chaque membre du groupe est libre de s’impliquer absolument comme il veut sur scène, nous n’avons pas encore de chorégraphe (rires)… Ce qui est drôle, c’est que tout le monde le fait avec assez d’engouement au final, et à sa façon. Richard et Will se cognent dessus, Owen (Owen Pallett, violoniste – ndlr) se colle des petites claques, Sarah danse… J’ai vu récemment des images de nous en concert. Le tout est assez cohérent, je trouve, on ne s’en sort pas si mal…
Richard – Au fait, pourquoi on se cogne dessus sur scène, Will ?
Will – Parce que tu es roux (rires)… En tout cas, je prends beaucoup de plaisir à te taper dessus…
Régine – Je pense toujours aux gens qui sont loin de la scène. L’idée d’un groupe en mouvement perpétuel permet de sentir les choses du fond de la salle : c’est important le fond de la salle. Combien de concerts j’ai vus du fond de la salle sans rien sentir ! Mais attention : il faut veiller à faire ça sans que ça vire au grand guignol et qu’on finisse par se dire : “Régine, c’est là, c’est le moment où tu es censée tombée par terre, à la fin d’In the backseat, vite !” Notre façon de bouger, de remuer ensemble, est assez spontanée.
The Arcade Fire sur scène, ça me rappelle une équipe de football hollandaise des années 70, l’Ajax d’Amsterdam, avec le grand Johan Cruyff. C’était une équipe où tout le monde attaquait et où tout le monde défendait en meme temps. Ça vous dit quelque chose ?
Win – Johan comment ? Cruyff ? Non, je crois que personne ici ne connaît… Par contre, l’idée m’intéresse : “tout le monde attaque, tout le monde défend”, c’est assez vrai pour The Arcade Fire… Je crois que tout ça nous vient des innombrables premières parties que nous avons pu faire, surtout à Montréal, où elles ont longtemps été dures à trouver. On avait trente minutes pour s’imposer, pour attraper l’oreille de types qui vident des bières en attendant que “les vrais” arrivent… Dans ce cas de figure, pour attirer l’attention, il faut rentrer dans le tas… L’idée de chanter tous ensemble nous est venue comme ça, on s’est dit qu’en se donnant tous ensemble, on aurait plus d’impact sur les gens…
Régine – Tout au long de la tournée, on s’est serré les coudes. Certains soirs, j’étais crevée, épuisée avant de monter sur scène. Sarah ou Richard venaient me voir pour me dire : “Allez, Régine, on y va ce soir, tous ensemble, encore un effort”… Et puis le concert commence, tout le monde se met en route, donne le meilleur de soi-même, et c’est reparti comme la veille…
Quels sont les musiciens actuels qui vous intéressent ?
Régine – Nous avons récemment été très impressionnés par Joanna Newsom, toute seule avec sa harpe, c’est vraiment très beau. Caribou aussi, un groupe qui auparavant s’appelait Manitoba : c’est génial, à la fois sur disque et en concert. On les a vus jouer à Montréal il y a quelques semaines. Et puis Wolf Parade bien sûr, un groupe d’ici. Wolf Parade sur scène, c’est vraiment très impressionnant, très fort. On les a d’ailleurs invités à jouer avec nous à plusieurs reprises.
D’ailleurs, beaucoup de journaux parlent déjà de Wolf Parade comme du “nouvel Arcade Fire”. On dit ça aussi de Clap Your Hands Say Yeah…
Win – C’est dommage, et en même temps, pourquoi pas ? Un groupe comme Wolf Parade est sans cesse comparé à nous, parce qu’on les ainvités en première partie. Clap Your Hands Say Yeah, l’engouement sur Internet leur a fait du bien, comme à nous… Ça ne me choque pas, ces associations, si ça fait avancer les choses pour d’autres groupes – et que ça reste des bons groupes (rires)… J’ai découvert Brian Eno parce qu’il avait produit The Joshua Tree de U2, et puis ensuite j’ai écouté ses disques, je me suis intéressé à lui, et j’ai vu qu’il avait travaillé avec Bowie. C’est comme ça que j’ai découvert Bowie, sa période Berlin, et après j’ai découvert Lou Reed. Je crois que la musique se découvre un peu comme ça, par association, par raccourci… Si des jeunes découvrent aujourd’hui les Talking Heads parce que nous avons fait la première partie de David Byrne, pourquoi pas ?
La force de l’album Funeral, c’est, je pense, d’être parvenu à mobiliser de nombreuses influences assez évidentes, sans que l’on sache vraiment lesquelles se détachent, sans que les coutures se voient…
Win – C’est assez plaisant de voir les groupes que les critiques mobilisent pour parler de notre musique : Radiohead, Pixies, Talking Heads… Ce sont des groupes que nous respectons énormément, à qui nous devons certainement beaucoup, mais je n’ai pas le sentiment que notre musique ressemble à la leur… Et notre musique, et ça se voit moins, doit aussi beaucoup à des gens comme Dylan, Bowie ou Neil Young : j’ai écouté les disques de ces types pendant des heures, ils ont écrit des chansons proches de la perfection et c’est ça qui me fascine plus qu’autre chose : parvenir à atteindre cet état de grâce, cette sérénité créatrice…
Jeremy – A Londres, avec Régine, nous avons fait des tonnes de magasins de disques ensemble, mais pas forcément ceux dans lesquels les gens s’attendraient à nous voir entrer : on est allés dans des trucs où l’on vendait des chants indiens, de la musique vietnamienne.
Will – Nous sommes aujourd’hui arrivés à un certain degré d’intimité – artistique, tout du moins (rires)… – qui nous permet de comprendre pourquoi l’un d’entre nous aime ou n’aime pas un morceau, c’est ça qui est assez intéressant. Personne ne se fera jeter s’il arrive avec un disque, même très bizarre, sur lequel il adore un morceau. On l’écoutera dans le bus…
C’est cette année passée ensemble qui a favorisé cette tolérance et cettte complicité ?
Will – C’est le fait de dormir tous les soirs dans la même chambre d’hôtel… Win – De prendre tous les soirs notre bain ensemble aussi…
Jeremy – C’est un sacré petit miracle de finir cette année sans s’être trop s’engueulé… Je crois que tout ça est dû au fait que nous n’hésitons pas à partir nous balader chacun de notre côté avant que le concert débute… On n’est pas du genre à être les uns sur les autres comme dans beaucoup de groupes. Dans les festivals, je suis souvent frappé de voir comme certains groupes ne se déplacent qu’en meute !
Régine – Un jour, on a même eu peur que Richard ait disparu, c’était à Birmingham, en Alabama. Il était parti se balader tout seul, je ne sais plus où, et on ne le voyait pas revenir. Finalement, il est arrivé deux minutes avant le concert, en nous racontant qu’il s’était perdu dans un coin sordide de la ville et qu’il ne retrouvait plus son chemin.
A vous entendre, on dirait que vous formez une sorte de famille ?
Will – Ben, comme Régine et Win sont mariés, ça aide un peu à ce qu’on forme une sorte de famille… Et puis, comme Win et moi sommes plutôt frères… On peut dire qu’on est un peu une sorte de famille, encore que non, sauf pour Richard qui est roux…
Jeremy – Tout le monde est heureux et attentif à sa vie hors du groupe. C’est un problème, ça, dans le rock, la vie hors du groupe : les gens ont toujours du mal à faire la part des choses, à séparer. Les types de notre génération ont lu tous ces trucs sordides sur les grands groupes et je ne sais pas s’ils ont encore envie de ça… Aujourd’hui, on ne peut plus être rock toute la journée, ce n’est pas sérieux.
Régine – J’espère que tout le monde a vraiment fini de croire que le rock est un truc qui doit encore “choquer le bourgeois”, bouleverser l’ordre établi. Le rock, c’est vieux de plus de cinquante ans, c’est devenu une norme. Il y a des musées du rock aujourd’hui, l’industrie a mis la main dessus…
C’est un discours assez sage ?
Win – Je suis persuadé que la plupart des gens qui viennent nous voir en concert ont une vie plus intéressante que la nôtre.
Régine – Une fois, j’ai parlé à des filles, je leur ai demandé leur nom, d’où elles venaient, ce qu’elles faisaient, et le seul truc qu’elles m’ont répondu, c’est qu’elles voulaient me prendre en photo : c’est absurde, non ?
Win – J’aime beaucoup rencontrer les gens après les shows, mais pas pour me faire prendre en photo, ni pour signer des autographes. Je suis prêt à discuter avec qui veut, mais si c’est pour me faire prendre en photo comme Mickey Mouse, ça ne m’intéresse pas. Souvent, les gens sont étonnés qu’après le concert, on vienne boire des coups dans la salle. Je trouve ça plutôt normal, au contraire. C’est tous ces types qui se sont longtemps barricadés en backstage pour fuir par la porte de derrière qui sont à l’origine de ça, de cette hystérie. Nous, on est plutôt du genre à sortir par la porte de devant, avec tout le monde.
Vous portez systématiquement les mêmes costumes sur scène. Pourquoi ?
Régine – Les costumes, c’est par respect pour notre public, c’est tout. Un concert, c’est une soirée particulière, comme quand on est invité chez quelqu’un : nous, on fait des efforts pour s’habiller correctement quand les gens nous reçoivent chez eux. Un concert, c’est un peu une autre façon d’aller chez les gens.
Win – Quand nous étions plus jeunes, les gens qu’on voyait sur scène, que ce soit Neil Young ou Nirvana, arrivaient complètement débraillés : tout ça parce qu’avant eux, le déguisement – que ce soit avec le glam, le punk ou le hip-hop – avait été porté à l’extrême. Bien s’habiller, c’est sans doute une réaction à tous ces types débraillés qu’on a vus sur scène.
Toute l’expérience Funeral a été gérée directement par vous, sans aucun manager : en avez-vous ressenti les limites à un moment donné ?
Régine – Oui, parfois tout ça a été extrêmement compliqué, nous devions tout organiser : trouver les hôtels, louer des véhicules pour transporter nos instruments, les rendre à temps, mais c’était plutôt sympathique au final, même si nous avons vécu des situations épuisantes : comme rapatrier un véhicule de Boston à Houston, ça fait du chemin quand même…
Win – Je crois que nous avons fait l’inverse de ce qui se fait souvent aujourd’hui : nous avons pris un manager plus d’un an après notre formation, alors que beaucoup de groupes sont formés par un manager. Je préfère avoir fait comme ça, quitte à souffrir un peu avec quelques voitures de location : c’est beaucoup plus sain et beaucoup plus satisfaisant finalement.
Jeremy – Tout le monde a participé, tout le monde s’est occupé à un moment ou à un autre de gérer un bout de la tournée, d’accepter ou de refuser une interview, de prendre telle ou telle décision, ou d’aller frapper à toutes les portes de l’hôtel pour réveiller ceux qui ne voulaient pas sortir de leur lit. Le fait d’avoir partagé tout ça nous a rendus plus forts, nous a impliqués dans une relation assez forte aux autres, qui a été bénéfique, je pense, pour notre musique… Mais bon, je ne dis pas que je n’ai pas eu envie d’en claquer un ou deux à un moment donné.
Vous semblez avoir vécu cette année avec beaucoup de recul ?
Win – Oui, le fait d’être un groupe assez nombreux nous a obligés à beaucoup discuter des choses, à les mettre à plat ; ça permet de ne pas tout prendre trop au sérieux, de garder la distance nécessaire. Et puis, nous avons pas mal d’humour : le rock, ça ne doit pas être un truc trop sérieux. Les Anglais prennent ça très au sérieux. Certaines personnes aussi en Amérique. Je pense que c’est un tort. Début 2005, alors qu’on tournait dans l’ouest du Canada, je suis parti me balader dans un énorme centre commercial de Winnipeg pour aller acheter un truc à manger, une sorte de burger. Mon portable sonne, je décroche. “Allo, Win Butler, c’est David Bowie à l’appareil.” Et c’était vraiment lui. Moi, j’étais à l’autre bout du fil, je finissais mon sandwich, et je parlais à Bowie, au milieu d’un centre commercial de Winnipeg. “Oui, David, je suis dans un centre commercial de Winnipeg, merci de votre soutien.” Je pense que ce genre de trucs, le mieux, c’est d’en rire. D’ailleurs, si Bowie avait été à ma place dans ce truc à Winnipeg, je suis sûr qu’il se serait marré aussi.
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