Sur son cinquième album comme sur scène, le Portugais António Zambujo continue sans faillir à rénover le fado. Critique et écoute.
Puisque tout le monde en parle, pourquoi ne pas l’évoquer avec lui, ce fameux renouveau du fado ? Amusé, le Portugais António Zambujo opine et cite quelques noms d’artistes “très originaux et talentueux” : “Camané, Mariza, Ana Moura, Ricardo Ribeiro, Carminho et… Zambujo !” Le tout est dit sans hésitation ni forfanterie. Pourquoi la jouerait-il modeste ? Le chanteur trentenaire a sorti en octobre un cinquième album, Quinto, salué une nouvelle fois par la critique, et il n’a aucun mal à remplir ses salles au Portugal, au Brésil et en France. Il est ainsi l’invité, le 8 février, de l’excellent festival parisien Au fil des voix.
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Néofadiste donc ? C’est à voir. Car l’homme est soucieux de ne pas se laisser enfermer et s’inspire autant de l’icône Amália Rodrigues, disparue il y a déjà quatorze ans, que de Tom Waits, Caetano Veloso ou Chet Baker. Des références pas très énervées, mais logiques chez cet artiste dont la musique madrée et chaleureuse pourfend les clichés d’un fado grandiloquent et irrémédiablement tragique. Il n’en fait pas non plus une farce mais laisse vibrer, d’une voix gracile et sereine, une poésie des plus actuelle. À contre-courant de certains gardiens de la tradition (pour lesquels d’ailleurs il ne cache pas son indifférence), António Zambujo évoque dans ses chansons le Portugal d’aujourd’hui. Ressasser des images écornées d’une époque révolue et fantasmée, très peu pour lui : “La vendeuse de poissons qui harangue les hommes qui veillent dans la rue, avec la mer pour horizon, ça n’existe plus et tout le monde s’en fout !”, assène-t-il.
Autre entorse aux coutumes de la scène fadiste, António Zambujo ne rechigne pas à parler politique. En interview et sur les réseaux sociaux, il s’exprime sur la crise économique que traverse son pays, en se montrant volontiers acerbe envers le gouvernement. Mais pour ce qui est de la chanson engagée, cet interprète, qui n’écrit pas mais sait s’entourer, laisse ça aux autres. “Il est évident que je suis inquiet et concerné, mais je n’éprouve pas le besoin de mettre cela en musique. Au contraire, si beaucoup de gens souffrent autour de moi, il me semble important, en tant qu’artiste, de faire la balance, de donner matière à rêver.”
Pour ça, le chanteur s’est enfermé dans un théâtre vide, à Sines, dans le sud du pays, afin d’enregistrer Quinto avec ses compagnons de tournée, dans les conditions du live. Captation intimiste, arrangements soignés, ce disque est tiré à quatre épingles, d’une clarté insolente. “Mon premier album en groupe, mon premier enregistrement de ce type. Après ce que nous avions partagé en tournée, on ne pouvait faire cet album autrement.”
Avec contrebasse, clarinette, guitares classique et portugaise, mais également cavaquinho, la petite quatre-cordes si populaire au Brésil et au Cap-Vert… António Zambujo appelle cela son “chaos maîtrisé”, un univers sensible où les musiciens improvisent sur “ce que l’autre ne joue pas” et restent au service des mots. Une limpidité instrumentale qui fait mouche. Là-dessus, le chanteur est formel : peu importe le nombre d’instruments, du soliste au grand orchestre, tout n’est que question de respiration. Car “l’essentiel dans la musique, c’est le silence”.
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