Au pays de Johnny, de Goldman et d’Obispo, on aura peut-être un peu de mal à imaginer que Caetano Veloso puisse être à la fois un chanteur à succès étourdissant de génie, un compositeur digne de figurer aux côtés de Tom Jobim et João Gilberto et une figure majeure de la vie intellectuelle brésilienne. C’est […]
Au pays de Johnny, de Goldman et d’Obispo, on aura peut-être un peu de mal à imaginer que Caetano Veloso puisse être à la fois un chanteur à succès étourdissant de génie, un compositeur digne de figurer aux côtés de Tom Jobim et João Gilberto et une figure majeure de la vie intellectuelle brésilienne. C’est pourtant le destin que ce natif de Santo Amaro, petite ville située à quelques encablures de Salvador de Bahia, a su embrasser. Il est aujourd’hui la démonstration vivante que la musique populaire n’est pas nécessairement obligée de se conformer à la laideur de ce temps, et qu’elle a même le droit ? voire le voluptueux devoir ? d’accéder à des sommets de raffinement. Veloso estime que le plus grand nombre a droit au meilleur ; ce simple parti pris suffit à faire de lui une sorte de bienfaiteur de l’humanité doublé d’un empêcheur de tourner en rond.
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Veloso a construit son œuvre sur les fondations du mouvement tropicaliste, dont il a été à la fin des années 60 l’un des membres éminents avec Gilberto Gil, Gal Costa, Os Mutantes, Nara Leão et Tom Zé. En jetant les emblèmes de la culture pop anglo-saxonne dans le grand chaudron des musiques brésiliennes, ce groupuscule d’élégants cannibales aura initié l’un des tourbillons esthétiques les plus ébouriffants de la deuxième moitié du XXe siècle. A une époque où le mélange des genres n’était pas une mode mais un mode de pensée et d’action, une façon d’exercer son sens critique et de préciser ses goûts, un outil pour mieux lire le chaos du monde, les tropicalistes ont élaboré une charte musicale qui, plus de trente ans après, reste d’une troublante actualité. Une charte aux résonances si explosives que le pouvoir militaire de l’époque jettera Veloso et Gil en prison avant de les contraindre à l’exil pendant plusieurs mois. Depuis, Veloso n’a jamais cessé d’affiner et de développer son propos, jusqu’à signer ces dernières années des albums généralement prodigieux, où il exprime avec une limpidité confondante son attirance pour les formes les plus aventureuses comme pour les mélodies les plus intemporelles. Les parutions simultanées d’une compilation (Antologia), d’un plantureux coffret de 50 CD (Todo Caetano) et d’une autobiographie captivante retraçant l’aventure tropicaliste (Pop tropicale et Révolution) permettent d’évaluer l’importance d’un authentique passeur et découvreur, dont toute l’œuvre est placée sous le double signe de la transmission et de l’invention.
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