Avec un nouvel album dada et maboul, les Américains continuent, quinze ans après leurs débuts, de dessiner des futurs inédits à la pop music.
La tâche est devenue vitale. Elle l’a toujours été pour Animal Collective : ce groupe kaléidoscopique ne peut survivre s’il ne se projette pas en permanence dix ans en avance sur lui-même, chacun de ses albums tranchant franchement et brutalement avec le précédent. Pour le monde, également : la dépression universelle plane comme une menace de moisissure créative, et il semble urgent de regarder à nouveau vers l’avant, de s’exciter pour le concept d’avenir.
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La solution se nomme “tabula rasa” : l’un des objectifs du manifeste dada, de l’avant-garde européenne du XXe siècle, influence avouée des Américains. Il ne s’agit pas de démonter, de déconstruire puis de rebâtir sur les mêmes fondations. Il faut tout dynamiter, puis repartir de zéro. Et si Animal Collective, pour donner une suite à son âpre, complexe et ultrapensé Centipede Hz (2012), n’a pas cherché à faire un “album rupestre”, c’est initialement aux hommes des cavernes, aux premiers moments de l’art, aux premiers rythmes païens frappés avec n’importe quel objet sur n’importe quel support que les trois garçons (Deakin n’étant cette fois pas de la partie) ont pensé quand il s’est agi de dessiner les horizons inédits de Painting with.
On a souvent envisagé Panda Bear comme un Brian Wilson du futur. C’est cette fois Animal Collective dans son ensemble qui ressemble à ce que les Beach Boys auraient été s’ils avaient conçu Pet Sounds au XXVIe siècle et s’ils n’avaient pas surfé sur les plages californiennes mais sur les anneaux de Saturne.
Frénétique, maboul, pop, électronique, modulaire, d’une densité démente, Painting with reprend l’une des techniques préférées des dadaïstes comme de Brian Wilson, le collage, pour éclater sa pop en puzzles de 10 000 pièces.
L’incroyable FloriDada, dialogue-scoubidou tourneboulant et tube à la beauté tarée, la claire, obscure et passionnante Hocus Pocus, l’insensée The Burglars, portée par le flow speedé d’Avey Tare auquel répondent les envolées magiques de Panda Bear, le hip-pop timbré de Bagels in Kiev, l’electro en very fast forward de la magnifique On Delay : il se dévoile, sur chacun des titres de Painting with, plus de nouveauté que dans la carrière entière de 99 % des groupes ordinaires. Animal Collective ? Toujours “un grand pas pour l’humanité”, comme dirait l’autre.
Concert le 1er avril à Bruxelles, le 9 à Paris (Cigale)
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