Leur album dingo Centipede HZ ne sort que le 3 septembre, mais Animal Collective le met en écoute dès aujourd’hui : l’occasion, aussi, de publier l’interview intégrale du groupe.
Il vous faut faire avec un public plus large… Je me souviens vous avoir vu dans une grande salle, la Grande Halle de la Villette, vous n’aviez joué presque que des nouveaux titres, et la réaction du public était mitigée…
Je crois que notre idée de la scène est peut-être ce qui a le plus changé chez nous ces dernières années. Notre situation est très différente de celle d’il y a 4 ou 5 ans, on commence à comprendre ce que les gens attendent, ce qu’ils aiment, on peut comprendre qu’ils soient déçus qu’on ne joue qu’un ou deux vieux morceaux, ou qu’on ne joue qu’un ou deux morceaux de Merriweather, qu’ils soient perdus si on ne joue que des morceaux qui ne sont pas encore parus. Je crois que nous sommes plus conscients de notre responsabilité de performers, d’entertainers. L’équilibre n’est pas toujours facile à trouver mais on veut la meilleur chose pour tout le monde, pour nous comme pour le public. Mais on ne peut pas non plus tout faire en fonction de ça : quand on a bouclé Centipede HZ, on était bien conscient qu’il n’y avait aucun My Girls ou Brothersport, et de l’autre côté, il y a toujours des fans qui aimeraient qu’on revienne vers des jams furieux de 10 minutes… On veut que les gens s’amusent, on a toujours voulu que les gens s’amusent : que les gens qui viennent nous voir se laissent aller, qu’ils vivent une certaine expérience. On ne fait pas ça que pour nous-mêmes, même si notre propre plaisir, notre propre excitation reste primordiale ; on doit savoir où on en est, et on doit faire correspondre nos sets à cet état, à cette progression. Sinon c’est l’ennui pour tout le monde.
Brian : On commence peut-être à comprendre un peu plus finement qu’il y a plusieurs opinions sur ce qui est fun et excitant, que notre opinion n’est pas forcément celle de tout le monde.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Pouvez-vous préciser un peu la méthode collective utilisée pour Centipede HZ ?
Dave : L’idée de travailler sur l’instrumentation est venue assez tôt, en 2010. Noah a décidé de jouer de la batterie, Brian s’est chargé de la majeure partie des synthés et des basses… L’une des choses les plus difficiles, dans Animal Collective, est d’attribuer à chacun ou de s’attribuer naturellement les différentes gammes de fréquences ; les basses, les médiums, les aigus. On a parfois des idées folles, les choses entrent en collision, ça ne va pas et les premières idées qui sortent ne sont pas forcément celles qui fonctionnent. Les choses étaient sans doute plus simples avec Merriweather, il est d’une certaine manière plus simple, les chansons étaient plus minimales. Mais pour Centipede HZ, le fait d’être à nouveau quatre et de le faire en jammant a provoqué une avalanche d’idées, de sons, dans tous les sens : il fallait maîtriser tout ça, donner un sens aux chansons. L’album a été coproduit par Ben Allen : le fait de l’avoir avec nous en studio nous a beaucoup aidés, car il est très bon pour faire le tri, pour nous dire ce qui va et ne va pas, ce qu’on pourrait modifier, sans pour autant être trop intrusif.
Pose-t-il des limites à ce foisonnement ?
Brian : Nous conservons, quoi qu’il arrive, le dernier mot. Mais il a l’oreille, il peut suggérer quelles sont nos limites, et surtout il peut aider à mettre un terme à certaines discussions sans fin sur tel ou tel élément, à nous pousser à, justement, prendre la décision finale. Et la plupart du temps, je suis d’accord avec lui, et il n’existe aucun regret.
Dave : Il a beaucoup travaillé avec des gens qui sont très basé sur le songwriting, sur les mélodies ; les aspects soniques sont moins importants pour lui que pour nous… Il veut juste que nos chansons sonnent bien, c’est tout. Et qu’elles soient des chansons. Je me rappelle d’Applesauce : lors du premier mixage, on mettait tout, trop, une masse énorme de sons et d’énergie, mais il nous a dit « Les gars, je veux simplement pouvoir entendre la chanson, je veux pouvoir la comprendre. » Et il avait raison, on a un peu élagué…
L’album est dur, dense et noisy, mais il est aussi assez pop…
Brian : Oui, et ça tient justement à notre relation à Ben. On lui balance des tonnes de choses, et on compte sur son oreille pour que la chanson puisse s’extraire de ce chaos.
Dave : S’il n’était pas là, certaines des chansons de l’album seraient sans doute beaucoup plus minimales.
Ce mot, « chaos », est important ?
Brian : Sans doute, oui, mais c’est là que le mixage est important : il permet justement de le limiter. Nous avons, dans le passé, été beaucoup plus chaotiques en termes de production. Même en termes de songwriting : sur certains de nos disques ou de nos morceaux, même les mélodies centrales étaient presque subliminales, cachées derrière des textures infinies. Mais nous ne voulons plus trop de ça. Quelqu’un au Japon nous a dit que cet album lui semblait très « free », mais bien au contraire, il est extrêmement maîtrisé, d’un bout à l’autre.
C’est aussi un album incroyablement énergique, sans véritable pause. D’où cela vient-il ?
Brian : C’est une envie naturelle. Mais elle vient peut-être en partie d’un souvenir. Nous avons fait un DJ Set à Belfast, en Irlande du Nord, et nous avons décidé de ne pas jouer d’électro, mais du garage rock, de la musique turque psychédélique, et le club est devenu fou, il y avait une énergie dingue qui se dégageait de la foule.
Comment pensez-vous que les gens réagiront à Centipede HZ ?
Brian : Je suis conscient du fait que les gens qui ne nous connaissent pas très bien et qui aiment les moments les plus doux de Merriweather Post Pavilion risquent d’être un peu surpris… Mais il y a beaucoup de fans du groupe qui n’ont pas tant aimé Merriweather que cela : peut-être eux se retrouveront plus dans Centipede HZ. Il n’y a de toute façon jamais eu un seul type de fans d’Animal Collective. Pour moi, Centipede HZ combine beaucoup de nos facettes : il sonne un peu comme une combinaison de toutes les substances du groupe. Et il me semble plus proche que Strawberry Jam que de Merriweather Post Pavilion.
{"type":"Banniere-Basse"}