Alors qu’elle vient (enfin !) présenter en France son deuxième et excellent album, “Change”, paru en 2021, la Britannique Anika nous parle de Bowie, de création et de politique.
Annika Henderson, 35 ans, a ce genre de voix spectrale obsédante. Un spoken word fantomatique, une scansion avec quelques envolées roucoulantes, qui hypnotise, quelque part du côté de Nico, à laquelle on la compare (certainement trop). Onze ans après son premier album solo, Anika, la Britannique immigrée à Berlin a fait un très beau retour en 2021 avec Change. Moins de brume, moins d’expérimentations, une voix plus claire, mais toujours cette même inspiration electro-dub délassante et entêtante.
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Onze ans au cours desquels Anika a enregistré avec Exploded View, l’un de ses autres groupes. Onze ans au cours desquels Anika s’est posé pas mal de questions, a senti le monde dans toute sa lutte et son angoisse.
Alors qu’elle s’apprête à donner des concerts en France, à La Route du Rock (collection hiver) ce samedi 12 mars et à Petit Bain (Paris 13e) ce dimanche 14, on l’a rencontrée sur Zoom.
Pourquoi avoir attendu onze ans entre ton premier album solo Anika, et le second, Change ?
Anika – J’ai fait beaucoup de choses entretemps, avec mes autres projets. J’ai essayé d’écrire un nouvel album avec le projet Anika mais ça ne sonnait jamais juste, ça ne disait jamais ce que je voulais dire. C’est en écrivant Change que j’ai commencé à trouver ma voix, que j’avais quelque chose à dire. Je ne voulais pas sortir de musique avant de trouver le bon truc, avant de parvenir à trouver ce que je voulais dire. Il y avait tellement de choses qui se passaient à ce moment-là…
Comme quoi ?
Tant de choses dans le monde et dans ma vie personnelle. Beaucoup d’épreuves. La vie politique m’embrouillait complètement, la crise climatique… Je vivais aux alentours de Berlin dans une réserve pour les oiseaux. On y voit vraiment l’impact de la crise climatique… Et puis les mouvements Me Too et Black Lives Matter… Il y avait tant de révoltes dans le monde, tant de gens se levant pour dire “stop, ça ne peut plus continuer comme ça” et tant de gens faisant des choses que je ne comprenais pas du tout. La musique pour moi sert à donner du sens au monde, à ce qui s’y passe.
Comment écris-tu tes morceaux ? J’ai lu que tu tenais tous les jours des journaux.
Oui, pendant le confinement, tous les jours. Je ne comprenais pas la situation que nous vivions. C’était si étrange d’être confinée dans cette maison, au milieu de nulle part. J’ai commencé à écrire pour comprendre ce qui se passait. Je me documentais par les journaux et Internet. Mais je ne comprenais pas réellement. Quand j’ai enregistré en studio, j’ai apporté mes journaux et j’ai commencé à les relire. J’ai freestylé avec cette matière. Des choses sont sorties de mon cerveau, que je ne connaissais même pas.
Comment les fais-tu ressortir ?
Il faut que la musique soit la bonne, l’environnement aussi. D’où l’importance du groupe. Je ne peux y parvenir sans le groupe. Ça a marché avec Beak> et Exploded View. Ça marche avec quelques autres personnes. Je crée cela moi-même. Je mets des boucles de batterie comme base et je commence à enregistrer. Si je me sens à l’aise, je me lâche. Ça va chercher dans l’inconscient ou le subconscient.
Tu as recours à des substances légales ou illégales ?
Bizarrement, non. Pendant longtemps, je recherchais cela, justement. La musique est une substance en elle-même. Quand j’ai écrit avec Exploded View, je me suis perdue. Certains textes parlaient du groupe, ou de problématiques que je ne m’étais pas formulées. Je ne les ai découvertes qu’en réécoutant les enregistrements. J’ai beaucoup lu d’études sur les acides, sur le fait de se laisser emporter. Je me suis intéressée à ces techniques. Quand tu es sur scène, ça peut aussi t’élever ailleurs. Tu n’as pas toujours besoin d’ingérer une substance pour aller ailleurs. La musique a un effet très étrange sur le cerveau, elle a été utilisée par la médecine par le passé. Je ne veux pas reposer mon écriture sur l’ingestion de substances, car c’est une pente glissante. L’écriture, c’est difficile. Si on repose son écriture sur des substances, on ne va cesser d’en prendre de plus en plus et penser en avoir besoin pour écrire… mais non, on a juste besoin de se détendre.
Comment ?
Avec la musique. Ça me capture. Ça me ramène à une conscience de moi-même. Ce qui est difficile dans notre société actuelle car on est entouré de personnes prenant la parole avec Instagram et tout ça. Il faut donc s’entraîner à couper et à lâcher prise.
La musique est-elle là pour apaiser ou, également, pour procurer une angoisse, cathartique ou non ?
Aujourd’hui, je veux écrire de la nouvelle musique avec une nouvelle atmosphère. La musique reflète ce que tu traverses. Je suis très angoissée donc à l’époque de Change, j’avais besoin de musique pour m’apaiser. Donc beaucoup de mes morceaux parlent de périodes que j’ai traversées et dont je suis désormais sortie. Aujourd’hui, je suis ailleurs. J’aimerais écrire de nouveaux morceaux. Je joue plus de guitare, ça sera peut-être plus direct.
Comment savoir qu’un morceau est partageable avec un public ?
Ça doit sonner juste. C’est indescriptible. J’ai écrit beaucoup de démos les années passées. Mais cet album, bizarrement, je savais que je devais le sortir. Invada (son label, ndlr.) était surpris, me demandait : “Pourquoi tu veux sortir ça maintenant ?” Je répondais : “Je ne sais pas ! Je dois le faire.” C’est une situation très risquée dans laquelle se mettre. Tu dois convaincre des gens de te suivre. C’est le truc quand tu es solo… Tu dois persuader les gens. Ou pas, car peut-être que la musique parle d’elle-même. Mais les gens doivent tout de même te faire confiance… C’est un risque.
Comment les convaincs-tu ?
Je ne sais pas ! Avec la musique certainement. c’est bizarre. Mon label me donne une liberté totale. Avec cet album, j’ai fait quasiment tout toute seule, puis j’ai demandé à mon très bon ami Martin Thulin de le coproduire pour l’emmener à un certain endroit. Si tu es signée dans un gros label, je suppose que tout le monde donne son avis, essaie de façonner ton album. Il y a beaucoup d’artistes par le passé qui ont pris beaucoup de risques comme Madonna, Bowie… Il y avait beaucoup de variations d’un album à l’autre. C’est cool de prendre des risques et les labels devraient suivre, dire : “OK, si tu es sûr·e de toi, alors allons-y.” Et puis il ne faut pas avoir trop d’attentes. Je n’en avais pas avec Change. Je me suis dit que si personne n’aimait, ça serait ainsi. Ça doit juste te paraître juste, à toi-même. Tu ne peux pas contrôler la réception des gens. Surtout en ces temps de coronavirus… on ne sait plus rien. Mais justement, la musique est un bon moyen de communication, surtout quand on ne pouvait plus jouer. J’ai conçu Change comme un dialogue entre le public et moi. Je ne pensais pas le jouer… Mais je me suis entourée d’un groupe qui emmène l’album ailleurs. Le live est très différent du disque, je crois.
Comment as-tu rencontré Geoff Barrow de Portishead, qui t’a, à l’origine, demandé de chanter pour son autre projet, Beak> ?
À Bristol, par accident. J’organisais des concerts à Cardiff quand j’étais étudiante là-bas. C’est à côté de Bristol. Un ami était aussi ami avec Geoff. Je jouais un peu de guitare et je chantais. Mais je ne jouais pas devant des gens. C’était de l’automédication, voilà tout. Bizarrement, Geoff cherchait une chanteuse pour Beak>. Mon ami lui a parlé de moi. Il m’a appelée quand j’étais au boulot. Il m’a proposé de passer au studio à Bristol. C’était le jour où je quittais, justement, mon boulot. Bizarre. Je ne savais pas que c’était Geoff Barrow, que c’était Beak>. Je me suis rendue au studio et j’ai enregistré des voix. Ce n’est qu’une fois dans leur studio que j’ai vu un Brit Award et que je me suis demandé si c’était in faux ! Mon ami ma dit : “Mais tu n’as pas réalisé que c’était le mec de Portishead ?” J’ai répondu : “Quoi ???!” Ils portaient des t-shirts, des barbes, les cheveux longs, des tasses de thé, très relax. Le studio est planté sur un parking, au milieu de nulle part. Et voilà !
Qu’as-tu appris à leurs côtés ?
J’ai appris beaucoup ! Même pour cet album, Change, je lui ai écrit quelques fois, pour lui demander comment obtenir un son de caisse claire par exemple. Tu peux tant apprendre en regardant les gens faire. Je suis la plus jeune de ma famille, donc je devais être rapide pour suivre. Et j’y parvenais en regardant les autres. Je n’avais pas beaucoup d’expérience en musique donc c’est ainsi que j’ai tout appris, en regardant les autres.
C’est la seule façon dont tu as appris la musique ?
Quasiment. J’ai appris la musique à dix ans. J’avais les bases. Début 2020, j’ai pris des cours de solfège pendant trois mois. J’avais besoin d’une vue d’ensemble. Je me souviens que Genesis P-Orridge disait : “Ne perds pas ton temps en cours d’art, quand tu as besoin d’apprendre quelque chose, apprends-le et applique-le.” J’aime cet état d’esprit. C’est bien, de temps à autre, de reconnaître qu’il faut apprendre pour avancer, ne pas être obstinée et refuser d’apprendre ce que tu ne connais pas. Ça m’a beaucoup aidé pour cet album.
Quel instrument as-tu appris à dix ans ?
Le piano. Assez mal. Et un peu de guitare. Je n’étais pas très douée pour l’apprentissage.
Quand as-tu décidé de consacrer ta vie à la musique ?
Ça a été difficile. Après avoir enregistré des morceaux avec Beak>, j’ai obtenu un stage dans un journal politique à Berlin. J’avais enregistré avec Beak> parce que j’étais au chômage, je n’étais pas dans une très bonne situation, j’avais beaucoup de colère à lâcher… Je suis allée à Berlin et j’ai eu le travail. Geoff m’a rappelé en me demandant si j’étais d’accord pour sortir les morceaux que nous avions enregistrés ensemble. Je me suis dit que j’avais encore des choses à dire dans la musique… Ça a été un choix très difficile à faire. Geoff m’a proposé d’emprunter les musiciens de Beak> pour mon album Anika, mais bien entendu, il fallait les payer… J’ai commencé ainsi.
Quels sons restent associés à ton enfance ?
Ma sœur aînée était à fond dans la jungle et Mary J. Blige. Mon frère aîné, c’était la drum and bass, le UK garage, le hip-hop. Et secrètement, j’écoutais des trucs cheesy. Nous avions aussi un locataire avec nous, qui était DJ de house. Ma mère adorait Janis Joplin et mon père David Bowie. Il y avait beaucoup d’influences ! Je me contentais d’observer, d’écouter. J’emmagasinais les informations. Il y avait tellement de musiques en Angleterre dans mon enfance. C’était vraiment spécial. C’est important de préserver cela. De préserver toutes ces musiques, de préserver les concerts. Ça joue un rôle très important, surtout auprès des enfants, des adolescents. Ça permet de comprendre des mondes en-dehors du sien.
Quels ont été tes premiers concerts ?
Je me souviens de Lady Dynamite. Sa façon de rapper était hyper solide. Amy Winehouse. J’étais très impressionnée. Patti Smith aussi, vers 13 ans.. Les Cardigans. Nina Persson (la chanteuse du groupe, ndlr.) avait une voix incroyable.
Beaucoup de femmes artistes, c’est intentionnel ?
C’est un mélange des deux. Je respecte beaucoup Nina Persson des Cardigans, parce qu’elle était timide, tranquille et qu’elle avait une énorme voix. C’était une façon de surmonter sa timidité, une plateforme pour dire ce qu’elle voulait dire mais qu’elle ne pouvait pas dire dans une conversation normale. C’était très inspirant. Il y a aussi des garçons, comme Bowie. Je suis une énorme fan, même si c’est très cliché de dire ça ! Mon père ne m’a pas trop fait écouter ses disques de Bowie, mais j’ai trouvé une encyclopédie académique CD en ligne. J’ai trouvé des vidéos de Bowie sur les CD, c’était avant YouTube. J’étais fascinée, notamment par Changes. L’une de mes préférées. Il ne restait pas dans la case dans laquelle on lui avait dit de rester. Quand tu grandis en Angleterre, on te dit de correspondre aux stéréotypes de genre. Mais lui non, il agissait différemment, il brouillait les frontières. C’était très libérateur.
Ado, tu te disais déjà féministe ?
Non. Les filles les plus fortes autour de moi disaient: “Non, je ne suis pas féministe.” Le féminisme avait une réputation terrible en Angleterre. Ce qui a donné une situation très étrange, car j’étais entourée de femmes fortes, comme ma mère, mais qui ne se revendiquaient pas du féminisme. C’était un mot, un concept impopulaire, ce qui est triste. Mais en vérité, je préfère être entourée de véritables féministes qui n’ont pas conscience de l’être ou qui ne le proclament pas, plutôt que de gens qui ne le sont pas mais qui le proclament !
Fonctionnes-tu au doute ou conserves-tu, au contraire, une confiance en toi assez inébranlable ?
Je doute tous les jours. J’ai essayé de tout arrêter environ quatre fois. À chaque fois, quelque chose me retient. Une fois, j’ai voulu tout arrêter et je me suis enfuie au Mexique. Je me disais que je ne pouvais plus subir tout ça. J’ai arrêté de jouer avec le groupe à Berlin. Un ami m’a proposé de le rejoindre au Mexique. Je ne pouvais me payer le billet d’avion. Donc mon ami m’a proposé de me caler un concert afin que je puisse me le payer. On l’a fait. Je suis allée à Mexico. Je devais donc jouer mais je n’avais pas de groupe… J’ai trouvé des musiciens mexicains sur place. On jouait et soudain je me suis dit que c’était exactement ça que j’avais essayé de faire, durant trois ans, à Berlin. Vivre cette expérience. Puis j’ai poursuivi la musique car on a bossé sur des albums avec Exploded View. J’ai essayé de tout arrêter plusieurs fois. Mais à chaque fois, la musique me rattrape. C’est étrange, c’est comme de marcher dans l’obscurité sans savoir ce qui va se produire…
Sur l’un de tes singles, Finger Pies, tu t’adresses à toi-même ou à une tierce personne ?
Je m’adresse en partie à moi-même, en partie à quelqu’un que je connais, en partie à quelqu’un d’autre que je connais, en partie à des inconnu·es. Mes morceaux comportent souvent plusieurs niveaux de lecture, car mon esprit rumine des pensées, souvent entremêlées avec les voix d’autres gens. Souvent, le doute vient des autres. “Tu n’y arriveras jamais”, “tu n’es pas assez douée”… ça tourne dans ma tête. Mes morceaux parlent également du monde dans sa globalité, de problématiques importantes.
Quel est ton rapport quotidien à la musique ?
Je fonctionne par phases. Il y a des moments où j’en écoute énormément. J’écoute beaucoup la radio. Et de la musique quand je me balade dans la rue. J’adore la musique, en écouter est très inspirant, cela transmet différentes atmosphères. La musique peut te consoler lorsque tu en as besoin ou t’apporter une oreille lorsque personne ne t’écoute. Le souci avec la musique mainstream, c’est qu’elle n’apporte souvent qu’une seule émotion…
Le dernier morceau qui t’a frappé ?
J’aime beaucoup Yugen Blakrok. Une rappeuse sud-africaine. Sa façon de rapper est hyper forte et ses textes incroyables. Je n’ai pas vu un truc pareil depuis des années. Peut-être même depuis les MC avec lesquels j’ai grandi. Je suis assez mauvaise en name dropping… c’est pour ça que j’ai longtemps collectionné des vinyles. Ça m’aide à me souvenir des noms, des pochettes…
Ta musique est-elle politique ?
Tout est politique. Même un morceau qui ne semble pas prendre de position politique l’est de facto puisqu’il occupe une certaine place dans le monde.
Il y a une grande influence dub dans ta musique, cela te vient de ton enfance ?
Mon grand-frère était à fond dedans, dans les débuts du dubstep, pas le côté Skrillex de la chose. C’est un rythme assez lent, à mon image. Je suis lente, j’ai besoin de temps. J’aime le fait que le dub protège cette lenteur. Le rock est plus ferme. Il repose davantage sur le beat. Le jamming et la basse apportent une expérience différente… Une amie de ma mère adore le reggae, qui est lié au dub. J’ai donc découvert Lee Scratch Perry. La société attend souvent de nous d’être direct·e. J’aime le dub car il apporte de l’indirect. Il te donne la place de prendre ton temps.
Où trouves-tu de l’optimisme aujourd’hui ?
L’optimisme ? Il faut le chercher. Parfois c’est difficile. Si tu sors de chez toi dans un esprit positif, tu peux trouver de l’optimisme partout. Si tu es dans de bonnes dispositions, tu peux partager ton optimisme à ton tour. Berlin est un endroit rigolo. Les gens peuvent être un peu rudes dans les bars, dans les magasins. On te lance : “Pourquoi t’es là ?” Paris a la même chose. C’est assez étrange, mais ça a son charme. À cause du confinement, je suis restée bloquée à Berlin pendant deux ans, dans un Berlin assez vide. Mais j’ai trouvé de l’inspiration dans la campagne, dans la nature… Mais cela suffisait. Je ne suis pas prête du tout pour cette vie. J’y retournerai à 60 ans ! J’ai besoin du buzz de la vie ! Ma musique est une conversation avec les gens. C’est ce que je recherche sur scène. Ce que j’ai perdu… J’aime me produire seule car tu peux parler à plein de gens après le concert. Je vends toujours mon merch et je discute avec des gens du monde entier. Les gens viennent me raconter leurs histoires. Parfois c’est politique, parfois c’est “Je viens de casser avec ma copine”. Il y a une interaction humaine qui est vraiment agréable. La musique n’a pas vraiment à voir avec l’artiste ou le public, mais avec la communication.
Tu as un compte Instagram préféré ?
Je ne me souviens jamais des noms… mais je regarde pas mal de vidéos drôles, avec des animaux notamment. L’humour me paraît primordial en ce moment… il faut garder un peu de légèreté.
Qu’est-ce qui t’excite ?
On joue avec Shame à La Route du Rock et je les trouve très bons ! À Lévitation, on a joué avec Los Bitchos, qui avaient une super énergie ! C’est cool de voir d’autres groupes. Excitation… Hmm… Hier je suis allée voir un film.
Lequel ?
Bon, dans la vie, il faut voir des films indépendants et des blockbusters. Hier, je suis allée voir The Batman ! (Rires.)
Alors ?
Mes sentiments sont partagés. C’était un peu étrange. Je n’ai pas trop saisi le personnage de Batman qui m’a paru assez curieux. Une sorte de reflet, je suppose, de ce moment mélancolico-emo que nous vivons. Houdini disait souvent qu’une grosse partie de son truc lorsqu’il allait dans l’eau et retirait ses menottes était de commencer habillé d’un costume et de dire au public : “Je vais vous emmener dans une aventure.” Puis il l’entraînait dans cette situation folle dont il devait s’échapper. Enfin, il devait le ramener à la réalité et renfilait donc son costume du début. C’est ce qui m’a manqué. Dans ce Batman, Batman est le même que Bruce Wayne. Donc tu perds toute la transformation… S’échapper ne consiste pas uniquement à s’échapper. Parfois, pour apprécier un voyage, il faut avoir la réalité et son échappatoire. Il faut apprécier le contraste.
Qu’est-ce qui t’obsède ?
Je suis obsédée par le monde. Je trouve les gens fascinants. Je trouve la nature fascinante. J’adore apprendre des choses par hasard. J’adore écouter. Parler, c’est surfait. Aujourd’hui, il faut parler afin de devenir une personne puissante. Débarquer dans une pièce et dire : “Hey, c’est moi ! Écoutez moi !” Mais en écoutant, on apprend beaucoup. Le monde est très inspirant. Sinon, je suis hyper impatiente de jouer en France. Ça fait longtemps. On a joué deux fois à La Route du Rock déjà, une fois avec Exploded View et une fois avec Anika ou Beak>, je ne sais plus… À chaque fois, c’était fou. Avec Exploded View, c’était affreux. C’était l’un de nos premiers concerts. Notre van est tombé en panne. Il était hyper tard quand on est arrivés. Le groupe d’avant nous a laissé son matos sur scène, prêt à être emprunté. Je me suis changée dans le van. On l’a garé en vitesse sur le côté de la salle et on a sauté sur scène directement. Un journaliste présent a dit que nous étions défoncés à l’héroïne, que nous étions drogués. Mais non ! On était hyper soulagés de jouer, mais complètement stressés. Ensuite, on a pris une énorme cuite.
Propos recueillis par Carole Boinet.
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