The Mysterious Production of Eggs, le nouvel album de l’américain Andrew Bird, n’en finit plus de fasciner. C’est donc avec un grand plaisir que nous l’avons rencontré et que nous vous proposons d’écouter cette semaine trois titres live de ce performer hors pair, dont un à télécharger au format MP3.
De son propre aveu, Andrew Bird est un personnage un peu atypique. Ca tombe bien, sa musique aussi : sur son nouvel album, The Mysterious Production of Eggs, le musicien de formation classique traite violon et guitare pas classiquement du tout, mais toujours avec une virtuosité décapante. Et rien qu’à ce nom, on imaginerait bien Andrew Bird compter fleurette aux oiseaux et lapins qui peuplent la campagne américaine au milieu de laquelle il vit. Ses instruments seraient un peu comme la lyre d’Orphée : ils charmeraient sans effort les dieux, les animaux de la forêt et même nous tous, mortels que nous sommes.
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A l’occasion d’une rencontre parisienne, quelques heures avant de rejoindre sur la scène du Trabendo sa collègue Ani DiFranco, Andrew Bird, ce ménestrel du troisième millénaire, a répondu à nos questions avec un grand sérieux. Il en a profité pour nous donner quelques enregistrements live, captés un peu partout autour du monde, pour en faire profiter les internautes des inrocks.com. Découvrez ainsi 3 titres live, dont un à télécharger au format MP3, afin de vous familiariser avec l’univers envoûtant de ce songwriter avant son concert à la Cigale (Paris) le 30 avril prochain.
Titres live :
– Master fade (enregistré au Crocodile Café à Seattle, Etats Unis)
– Sovay (enregistré avec My Morning Jacket au Fox Theather à Boulder, Etats Unis)
– MP3 : Sweetbreads (enregistré à Tilburg en Hollande en compagnie de Nora O’Connor)
(à découvrir en passant le curseur de la souris sur le bouton AUDIO/VIDEO en haut de page)
Pourquoi avoir appelé cet album The Mysterious Production of Eggs ?
En fait, je possède des poules. Et plus je les observe, plus je les trouve mystérieuses ! Par exemple, personne ne semble vraiment savoir à quel stade l’œuf est fécondé : j’ai observé mon coq et jamais il ne saute sur la poule dans un acte d’amour ! J’ai donc des théories sur cette fécondation, mais pas de réponse définitive. Parallèlement, rien ne pourra lever le voile sur le mystère de la formation des idées et le mystère de la musicalité, par exemple. Le titre de l’album évoque donc cette force. J’aime les choses sans réponses : ça les rend plus vivantes.
Tu as travaillé sur The Mysterious Production of Eggs pendant trois ans, comment ça s’est passé ?
J’ai déménagé à la campagne, dans une ferme où j’ai construit un studio pour faire mon album. J’ai essayé une première fois, mais la musique que j’ai produit n’avait plus de sens, elle sentait trop la ville : ça ne correspondait plus à mon nouveau style de vie, la paix, la solitude. Donc j’ai tout jeté.
La pression devait monter
Oui, c’est d’ailleurs pour cette raison qu’à ce stade, j’ai fait l’EP Weather Systems. Puis j’ai réessayé de faire un long format, mais mes morceaux manquaient de punch alors je les ai encore jetés. A cette époque, j’étais souvent en tournée solo, et tous les soirs, je me sentais hyper inspiré, hyper créatif. Mais ça ne se traduisait pas en studio, où au contraire, je manquais complètement d’inspiration. C’était l’échec total. J’ai donc sorti quelques CD live, en attendant
Et finalement ?
J’ai trouvé David Boucher, un super ingénieur du son qui m a aidé à trouver mon chemin, à comprendre qu’il ne faut aller en studio que lorsque je me sens inspiré, en paix avec moi-même. Ensemble, on a fait ce disque.
Tu as enregistré cet album aux quatre coins des Etats-Unis. Que cherchais-tu dans ces villes ?
Je ne les ai pas vraiment choisies, je cherchais plutôt la commodité : il fallait vraiment désacraliser tout ça, sinon je n’y serai jamais arrivé. Je voulais pouvoir entrer en studio quand je me sentais inspiré. Comme j’ai un appartement à Chicago, enregistrer là-bas me permettait d’y aller en vélo, de rester quelques heures et de rentrer pour dîner. Ensuite, j’ai trouvé mon ingénieur du son à Los Angeles, etc.
Tu es au milieu d’une longue tournée européenne, comment fais-tu pour trouver de nouvelles idées chaque soir ?
J’essaie de me promener dans toutes les villes où je fais escale. Quand je marche, il y a toujours pleins de choses qui m interpellent. Ca m inspire, et souvent le soir, on retrouve dans mon set des choses que j’ai entendues la journée. Des fois, je présente des chansons en cours d’écriture et je demande au public si je dois plutôt faire ceci ou cela. Le public aime qu’on l’implique dans la création et c’est le but de mes concerts solo. C’est pour ça que je travaille avec des sons en boucles : les premières couches sont toujours « chorégraphiées », mais les autres sont de pures expérimentations.
Ca me fait penser au travail de Joseph Arthur sur scène
Oui, on utilise sans doute les mêmes techniques, mais on n’a jamais collaboré ! Ma seule règle sur scène, c’est que tout doit être live. Jouer avec des sons préenregistrés, c’est comme faire du karaoké. Et mon but sur scène n’a jamais été de recréer mon album : ça serait vraiment ennuyeux. J’aime bien la précarité de l’expérimentation : des fois, ça peut cafouiller, mais pourquoi pas ! C’est étrange, mais d’une certaine manière, l’échec est intéressant !
Tu rejoins Ani DiFranco ce soir sur la scène du Trabendo
Oui, je la connais bien. Elle s’occupe du label sur lequel je suis signé aux Etats-Unis. C’est la première à avoir entendu Weather Systems et à l’avoir sorti, presque un an avant qu’il ne sorte en Europe. Après, elle a voulu que je tourne avec elle, que je joue sur ses albums’ Elle est très populaire aux Etats-Unis, elle joue devant 3000-4000 fanatiques chaque soir ! Personne ne m a jamais autant soutenu qu’elle, je lui suis très reconnaissant !
T intéresses-tu aux scènes pop et rock d’aujourd’hui ?
J’essaie C’est important pour trouver des gens avec lesquels collaborer et monter des tournées ! Ces derniers temps, j’ai tourné avec My Morning Jacket et j’ai hâte de jouer sur leur prochain album. J’ai proposé à M. Ward de tourner avec lui. J’ai aussi rencontré Dominique A hier soir, on a parlé musique autour de verres de bières.
Tu connaissais sa musique ?
Un ami m a fait écouter ses disques aux Etats-Unis. J’ai entendu son dernier album lors de ma venue en France, je l’ai acheté et donné à mon manager. J’ai écouté Remué? récemment et j’ai adoré ! Quand je viens en France, on me compare souvent à lui.
Il paraît que tu es prof de musique à Chicago…
Oui mais j’ai arrêté il y a huit ou neuf ans : je n’aimais pas ça, ça m obligeait à analyser tous mes mouvements. Et puis c’est difficile de vouloir transmettre sa passion, ça me rendait très tendu et c’était sans doute mauvais pour les étudiants. Mais j’y reviendrai peut-être un jour
Dans la chanson Measuring Cups, tu multiplie les phrases cinglantes sur le système éducatif (« Assieds toi, je vais mesurer ton cerveau et te donner un complexe auquel je donnerai un nom »). Tu as de si mauvais souvenir de tes années passées sur les bancs de l’école ?
Oui ! Pour moi, nous avons tous les mêmes aptitudes, mais l’école est obligée de créer une hiérarchie : il n’y a pas de génies s’il n’y a pas, de l’autre côté de l’échelle, de gens stupides. Et ça, l’école le décide pour nous en manipulant arbitrairement notre confiance. Quand j’étais enfant, je prenais mon temps pour faire les choses. Or on m a dit que j’étais lent comme si c’était grave et que j’avais un problème au cerveau. A mon frère, on a dit que c’était un artiste. Du coup, j’ai longtemps été hyper complexé par rapport à tout ça. On est très influençable quand on est enfant
Quels sont tes projets ?
En fait, c’est dur de faire huit ou neuf interviews dans la même journée ! On me pose des tas de questions sur moi et mes intentions, et des fois, ce sont des choses auxquelles je n’ai jamais réfléchi avant. Après tout ça, il va vraiment falloir que j’aille me reposer dans la nature ! Je dois tenir jusqu’à juin, après quoi je vais donc faire une pause pour reprendre mon souffle. Puis je vais bosser sur mon prochain album.
Ca te fait peur ?
Non, j’aime beaucoup les idées que j’ai eues jusqu’ici ! Elles sont très différentes du dernier album. Je veux juste faire quelque chose de simple et honnête
– www.bowloffire.com (site officiel)
Avec l’aimable autorisation de FARGO
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