Accompagné par Kaaris, Nekfeu, Infinit’, Deen Burbigo et Kalash Criminel, Alpha Wann sécurise son trône de rappeur le plus technique de France sur don dada mixtape vol1.
“Rap fr, je vais pas l’rater, il est trop à la traîne / Faut plus que l’aprèm pour me rattraper.” L’espace d’une phrase distillée en conclusion de mitsubishi, morceau d’ouverture de la première mixtape estampillée du nom de son label Don Dada, l’ancien membre de 1995 rappelle à qui veut l’entendre le nouveau statut dont il jouit depuis la sortie de son acclamé premier album, Une Main Lave L’Autre. Ayant atteint la plénitude de son talent et de sa technique depuis l’ep Alph Lauren 3 paru en 2018, Alpha Wann n’en finit plus d’impressionner. A tel point que l’avalanche d’assonances et d’allitérations, de références et de métriques précises héritées de la fine fleur du rap français et américain, laquelle tournerait à la démonstration de force et de marathon chez 99% de ses contemporains, prend, chez Philly Flingo, l’aisance d’un footing dominical.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
A l’écoute de cette don dada mixtape vol1, attendue de pied ferme depuis l’avènement d’UMLA, les MCs continueront, pour l’heure, de tirer la langue et de cavaler loin derrière le rappeur parisien. A la différence près qu’ayant accumulé plus de confiance qu’il n’en faut, Alpha Wann s’affiche à présent aux côtés de certains des rappeurs les plus techniques de France. Car, à l’instar de Saitama, héros de One Punch Man, après dix ans d’entraînement, Philly Flingo cherche désormais des adversaires à sa mesure.
>> A lire aussi : Comment Damso redéfinit les cadres de sa propre mythologie avec “QALF”
Vrai de vrai
Sur apdl, hypnotique single envoyé en éclaireur et élégamment habillé par un clip de Metanoia, Alpha Wann rappe “certifié disque roro sans entrer dans la playlist de Laulau/Si j’l’ai fait, tu peux l’faire/qualité en guise de promo”. Véritable manifeste à la gloire des rappeurs ayant fait le choix de l’indépendance et de la patience comme PNL, Freeze Corleone (présent sur le disque) ou Laylow (avec qui il a collaboré sur le morceau Vamonos), cette phase entérine la quête d’authenticité d’Alpha Wann amorcée depuis ses débuts en solo. Entre “une Rolls Royce, ça s’fait en six mois et une Toyota, ça s’fait en treize heures” et “tu veux t’faire connaître/Mais t’es plus l’même quand tu t’fais r’connaître/du coup, c’est plus toi qu’est connu, c’est un autre”, cette patiente quête pour “être vrai” s’étale en punchlines sur les morceaux de la don dada mixtape vol1.
Format historique du genre par excellence, la dimension mixtape de don dada vol1 témoigne d’autant plus de la volonté de son auteur d’installer sa vision du rap. Entre les collisions et affrontements attendus face à Kalash Criminel, Kaaris ou Nekfeu, les morceaux dont Alpha est tout bonnement absent (velux de Ratu$, super swishstyle 2 de K.S.A) et la production purement old school de carrelage italien, c’est tout un patchwork de son esthétique, de ses influences, de ses aspirations et du rap qu’il entend promouvoir que convoque Philly Flingo sur ce nouveau terrain de jeu. Puisqu’après la longue maturation de son premier album, c’est bel et bien une expression pure du plaisir de rapper qui transpire sur mitsubishi, aaa, philly flingo ou dirty dancing. De là à espérer la mutation du rap français pour plus de mélanges ou l’importation d’un modèle à la Griselda Records (collectif de Benny The Butcher, Westside Gunn, Conway The Machine, Armani Caesar…), il n’y a qu’un pas qu’on franchirait aisément.
>> A lire aussi : “Pour de vrai”, le premier album d’Ichon est un pur kiff
Trivial Poursuite
“Faut qu’tu prennes des notes quand j’fais un speech.” Exercice de style risqué nécessitant une maîtrise de tous les instants, l’art de la citation est au cœur de ce nouveau projet d’Alpha Wann dont le canevas infuse dans une multitude de références. Découpeur de prods devant l’Eternel, c’est tout un imaginaire technico-technique que met en branle le rappeur parisien sur don dada mixtape vol1. Ingénierie allemande, bushido (la voie du guerrier) japonais, NBA, tous les moyens sont bons pour illustrer la précision industrielle, le sens de la mesure et la beauté de la décomposition de son geste et – par extension – de son verbe.
Nébuleux pour les uns, cet habillage, majoritairement américain dans la forme et l’esprit, rend le jeu de pistes hypnotisant pour les autres. Sur des productions d’un dépouillement méchamment clinique signées Hologram Lo’, JayJay, Richie Beats, 3010, Freakey !, Monomite ou encore Binks Beatz, les références d’Alpha Wann en poursuivent toujours une autre. Entre Chauncey Billups, Alpha Condé, Kriss Kross, Malcolm X, Nigo, Denzel Washington, les Pistons contre les Pacers, c’est tout une attitude qui dégouline dans ce puzzle de citations qui confine à la transe.
>> A lire aussi : Dans son premier album solo « UMLA », Alpha Wann s’affirme au travers d’un rap technique et créatif
Car d’attitude, c’est tout ce dont il est question dans don dada mixtape vol1. Véritable outil de différenciation, ce jeu de références est une arme dans les duels qui l’opposent à VEUST, Kaaris ou Infinit’ ou sur ses morceaux solos qui affirment sa personnalité de rappeur bousillé au rap new-yorkais et aux placements audacieux auxquels ils donnent un souffle nouveau. Et après l’intimité d’UMLA, sorte de classique instantané et présentation définitive de son auteur, voir – et surtout écouter – Alpha Wann exceller et rouler des mécaniques aux côtés de la crème des MCs de l’Hexagone, c’est à peu près tout ce qu’il fallait au rap français avant 2021.
{"type":"Banniere-Basse"}