Eloquence, variété des flows, soin maniaque apporté à l’écriture : avec Une main lave l’autre, Alpha Wann impose son rap flamboyant et inventif.
Dans vingt ou trente ans, on pourra fanfaronner, se dire que revoir un bon Kechiche devrait faire le job si l’on souhaite se replonger dans l’ambiance des années 2010. On pourra également avancer que, sans une écoute approfondie des projets d’Alpha Wann, ce n’est même pas la peine d’essayer de comprendre ce qu’était cette période.
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De cette histoire, on retiendra ses performances lors des Rap Contenders, la façon qu’il avait de faire la différence à chaque couplet au sein du collectif L’Entourage ou encore ses trois ep en solitaire, intrigants mais finalement peu mémorables. Il restera surtout ce premier album, Une main lave l’autre, impressionnant de technicité, de morgue, d’imprudence, de cohérence et de rimes noircies par des remords intimes.
Plus de deux ans pour finaliser l’album
“J’ai mis deux ans et demi à finaliser ce disque, précise-t-il, comme pour dissiper d’emblée la crainte d’être confronté à une œuvre inachevée. Non seulement parce que j’ai jeté pas mal de titres et que j’en ai perdu à cause d’un accident d’ordi, mais surtout parce que je ne savais pas comment formuler mes idées. Je voulais trouver le bon mélange entre les morceaux à thèmes et les titres plus légers.” L’intérêt des dix-sept morceaux – conscients ou non, vantards ou pas – produits par Hologram Lo’, Seezy ou VM The Don sur Une main lave l’autre est ailleurs : il est dans cette diction impeccable, dans ce verbe riche, parfois rugueux et toujours nourri d’images fêlées, mais également dans ce rap systématiquement technique, dont Alpha Wann semble être l’un des plus flamboyants porte-parole.
“Tous les jours, j’entends des phrases ou des punchlines qui me donnent envie d’aller encore plus loin dans mon écriture. Ça ne vient pas forcément des rappeurs, ça m’arrive même d’utiliser des expressions que mon père utilisait quand j’étais gamin. Pareil, l’autre jour, un pote m’a dit : ‘Comme Leroy Merlin, j’aimerais que mes envies prennent vie.’ J’ai fini par la lui piquer.”
Perfectionniste dans l’écriture
Alpha Wann a beau sourire au moment de balancer cette anecdote, on sent chez lui une vraie précision dans l’écriture, de la maniaquerie même ; il a passé plus de trois mois à écrire la première partie de Ça va ensemble. A l’écoute de ce titre, long de presque sept minutes, rien d’étonnant : tout témoigne ici de l’immense talent de l’ex-rappeur de 1995, de son bagout, de sa faculté à varier les flows et à inventer constamment de nouveaux schémas de rimes. Sans jamais chercher à coller à des formats pop ou radiodiffusables : “Si beaucoup de rappeurs à l’heure actuelle ne faisaient pas ce type de sons, pourquoi pas, mais ça ne m’intéresse pas de coller à une tendance. Au final, les modes passent, mais le style, lui, est intemporel.” A travers des titres comme Stupéfiant et noir, Langage crypté ou Le Piège, merveille d’ego trip intelligemment placé en introduction, on comprend alors qu’Alpha Wann, comme d’autres MC l’ont rappé en leur temps, est conçu pour durer.
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