Afel Bocoum, Amadou de son vrai nom, ingénieur agronome, neveu du vénérable Ali Farka Touré, caressait le rêve d’abandonner à d’autres le soin d’enseigner les techniques de fertilisation aux paysans de Niafunké pour se consacrer pleinement à l’art simple et convivial du segalare, mode rythmique spécifique à la musique des Sonraïs, les Négro-Berbères du Nord, […]
Afel Bocoum, Amadou de son vrai nom, ingénieur agronome, neveu du vénérable Ali Farka Touré, caressait le rêve d’abandonner à d’autres le soin d’enseigner les techniques de fertilisation aux paysans de Niafunké pour se consacrer pleinement à l’art simple et convivial du segalare, mode rythmique spécifique à la musique des Sonraïs, les Négro-Berbères du Nord, dont il fait partie. Voilà qui est fait. Ce premier album, enregistré dans la continuité du dernier volume façonné par son oncle, en est également une sorte d’appendice. L’instrumentation faite de guitare acoustique, de djembés caressés de la paume, de calebasses délicatement martelées, mais aussi des njarka et djerkel, incontournables monocordes aux pouvoirs magiques et aux subtiles échancrures, croisent leurs tons, font résonner leurs fibres, portent les voix avec cette beauté économe propre à une région où vivre est un difficile processus de maintien d’équilibre. Ainsi Dofana II, d’après le nom de ce campement nomade sauvé de l’aridité des sables par la bonne volonté et le courage de quelques Touaregs, met-il en avant les vertus de ténacité et d’ardeur sans lesquelles l’existence en région sahélienne est tout bonnement impossible. On y rend hommage au chef Mohammed qui était « chimiquement et maraboutiquement fort, qui possédait un tel pouvoir sur les animaux sauvages que ni lion ni panthère n’osaient approcher le troupeau ». Les chansons d’Afel sont souvent prétextes à honorer l’honorable et à respecter ce qui force le respect : les anciens, le travail, la nature, la convivialité entre les différentes composantes ethniques du pays. Mais cette soumission volontaire aux lois traditionnelles ne lui ôte nullement l’envie d’épingler certaines aberrations comme le mariage forcé, coutume dont notre homme a personnellement souffert. Au final, Alkibar est un disque qui atteint son objectif premier : être à la hauteur des espoirs que l’oncle Ali avait placés en son cher neveu. Il communique ce que le vertigineux espace de cette région sans indulgence envers ceux qui persistent à vouloir y habiter ne saurait en aucun cas révéler à l’oeil nu : les richesses intérieures de l’humain.
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