Dans son nouveau spectacle, ALIS met en scène, chorégraphie et installe des mots à l’aide de… vermicelles.
La première évocation qui vous vient à l’esprit en regardant les oeuvres d’ALIS est celle du vermicelle. Décliné dans sa version classique, filiforme dans différentes longueurs, mais surtout pour sa nouvelle production … ou 2, dans sa version alphabet. Toutes ces petites lettres qui gonflent dès que l’eau bout et qui permettent bien souvent de faire comprendre à bébé que la soupe peut aussi être un jeu de mots. Il y en a partout. ALIS les dérange, les coupe dans le sens de la longueur, leur fait dire ce qu’elles ne pensaient pas dire. Cette première approche ludique est sans doute la bonne, car vouloir à tout prix enfermer ALIS dans une typologie classique arts plastiques, théâtre ou danse réduirait considérablement son travail, le figerait, alors que son processus est infini et ne se fixe sur aucune discipline en particulier.
On sort toujours de ses spectacles en se demandant pourquoi il y a une fin, et fort heureusement il n’y en a pas, pas plus que de début, puisque après et avant il vous convie à une exposition de ses jouets favoris.
Dominique Soria et Pierre Fourny, les âmes d’ALIS, aiment les mots au-delà du sens. MOT est d’ailleurs le personnage central de … ou 2, puisque, vu de l’autre côté, c’est TOM, un bébé-image qui marche à peine et qui regarde le monde découpé en tranches d’espaces. Car non content de saucissonner les mots, de les faire cracher leur phonétique et de jouer de la lettre bâton, ALIS tire tous les fils de la perspective.
Rois incontestables de la profondeur de champ, les protagonistes vous font croire, avec des personnages en carton d’une vingtaine de centimètres de haut, qu’une foule compacte vient de débouler sur le plateau du théâtre. Grands artistes cybernétiques, les artistes d’ALIS placent l’homme sous un microscope en grossissant outrageusement des images de mains, de tête, le ramenant ainsi dans son rapport au monde à la dimension qu’il n’aurait jamais dû quitter : l’illusion.
C’est là qu’intervient la technique, concoctée de main de maître par Christophe Gonçalvès et Eric Sauvageot qui donnent à ALIS sa touche magique. A l’heure où n’importe quel ordinateur peut vous transformer images et sons, ALIS a bien caché le sien et s’est doté de projecteurs, de diapositives, de découpages, de coloriages. Le couper-coller ne se fait pas en cliquant sur la souris, mais bien avec des ciseaux et de la colle. Les comédiens ne cherchent même pas à cacher leurs manipulations, puisque présents sur scène, ils en sont les ordonnateurs-acteurs bien vivants. ALIS a ainsi cette qualité que l’on pourrait facilement retourner en défaut : il ne prétend à rien. Tant et si bien qu’en achetant son CD-Rom et son livre vous pourrez très bien vous concocter vous-même des mots tordus, les bousculer et vous faire votre propre spectacle. Perec, qui lui va bien comme référence, aurait dit « vous faire vos « espèces d’espaces ».
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