Après le joli succès de leur premier album, les Français sont allés enregistrer leur nouveau chapitre à Bruxelles, avec le producteur Stephen Street. Ils en sont revenus transformés et sûrs de leurs envies. Rencontre et critique.
Nous avions quitté Aline fin octobre, entre les murs en brique des studios ICP à Bruxelles, où le groupe achevait deux semaines d’enregistrement. Aux côtés des Français, un autre habitué de la briquette travaillait studieusement : l’Anglais Stephen Street, producteur mythique des Smiths et de Blur, avait pris les commandes de ce qui allait devenir La Vie électrique, le fatidique deuxième chapitre dans l’histoire discographique du groupe, qui aura donc attendu la rentrée des classes 2015 pour s’inviter chez les disquaires. Ce parrainage anglais, le groupe l’avait imaginé sans trop y croire, dressant d’abord la liste des producteurs avec lesquels il rêvait de travailler.
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“Il y avait deux listes. L’une réaliste, lucide, composée de gens avec qui on avait envie de collaborer et qui semblaient accessibles. Et l’autre qui était comme une ‘utopliste’. Stephen Street en était le premier nom. On lui a donc envoyé un mail avec un lien Soundcloud vers notre album, comme on jette une bouteille à la mer.”
Je bois et puis je danse braque les projecteurs sur le groupe
La Manche est étroite, la bouteille est arrivée en vitesse. Le lendemain, Street répondait en acceptant la proposition. L’alliance, pourtant, n’était pas gagnée d’avance.
“Stephen adore la musique anglaise. Les Français, en revanche, ce n’est pas son truc… Sans compter que de notre côté on n’a jamais mis les pieds en Angleterre ! C’est dingue, par rapport à la musique qu’on fait. Mais il a senti comme une connivence quand il a écouté notre disque.”
Retour en arrière. Il y a quelques années, c’est sous le sobriquet de Young Michelin que les Marseillais, réunis autour de Romain Guerret, avaient d’abord séduit nos oreilles, se hissant sur la première marche du podium d’un concours CQFD des Inrocks (devenu depuis Inrocks Lab). Rebaptisé Aline, le groupe avait sorti début 2013 Regarde le ciel, un premier album réalisé par l’ancien Valentins Jean-Louis Piérot. Le succès du single hédoniste Je bois et puis je danse avait alors braqué les projecteurs sur le groupe, sans que celui-ci ne perde le sens des réalités.
“Le doute a toujours été présent chez Aline. On nous parle beaucoup du succès de notre premier album mais il reste relatif… Le succès qu’on a eu ne suffit pas à installer quelqu’un. Il reste encore plein de gens à aller chercher, et c’est tout l’enjeu d’un deuxième album. De toute façon, aujourd’hui, tu peux avoir un énorme succès pendant deux ans et puis ne plus intéresser personne, car les gens seront passés à autre chose. C’est angoissant et libérateur à la fois. Ça enlève de la pression. Mais on a bouffé des ‘vaches en dragées’, et on continuera à en bouffer.”
« La pulsation, le rythme sont plus importants que les mots »
Pour ce nouvel épisode, les Français ont voulu, à défaut de changer de cap, emprunter des itinéraires inédits, ouvrant de nouvelles portes pour flirter davantage avec la danse – en découlent le dub instrumental de Plus noir encore ou les claviers baggy de La Vie électrique.
“On ne voulait pas un disque twee-pop, ne pas faire de redite. Au contraire, il fallait élargir le spectre. On nous a souvent cantonnés aux Smiths mais nos goûts sont beaucoup plus larges. Ça va du disco à l’acid-house ou à l’italo-disco. La musique va avec la danse, c’est fondamental chez Aline. La pulsation, le rythme sont plus importants que les mots. Il faut prendre le meilleur de Bach et le meilleur de la musique tribale ou primale. Pour nous, Joy Division est un grand groupe de musique noire.”
La Vie électrique conserve cette spécificité anglaise de faire danser le cœur lourd et la tête pleine (Les Résonances cachées). L’influence britannique, d’ailleurs, se palpe de la première à la dernière seconde de ce disque pourtant chanté dans la langue de Daho. Comme chez Pulp ou chez Blur, Aline choisit ainsi autant le couple que la vie citadine et leurs corollaires – ennui, solitude, sexualité – comme thématiques (Avenue des armées, Les Angles morts).
Et parce qu’on ne chasse pas ses héros en un claquement de doigts, les fantômes restent malgré tout bien présents : Morrissey hante l’album aussi bien dans la façon de chanter de Romain Guerret (Tristesse de la balance) que dans les textes qu’il a rédigés (Une vie, inspirée par la retraite de l’ex-Smiths dans la banlieue dorée de Los Angeles). Ce qui reste une bonne nouvelle tant l’héritage, ici, est savamment assimilé, digéré. Stop me if you think that you’ve heard this one before : au contraire, continuons.
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