Quelque part entre Daho et Daniel Darc, chez Beaupain, les histoires d’amour finissent mal, en général. Critique et écoute.
Pour quoi bat le cœur d’Alex Beaupin ? Son nouvel album donne une réponse sans appel : le sentiment amoureux, et ce de façon absolument exclusive. Les onze morceaux qui le composent sont toutes des “chansons d’amour”, et on sait depuis le film ainsi titré dont il a composé la B.O, à quel point le chanteur est expert en la matière.
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Mais à quoi ressemble l’amour selon Alex Beaupin ? Indéniablement, le jeune homme fait valoir une vision très personnelle, assez différente par exemple de celle d’un des ses modèles, Etienne Daho. Daho s’attache à décrire tout le mouvement du parcours amoureux, de l’éblouissement des débuts, la fulgurance de la rencontre, jusqu’à la désagrégation (jalousie, ressentiment, rupture).
Beaupin s’intéresse prioritairement à la fin, le temps de la consumation, puis celui des cendres. Parfois la catastrophe est imminente, redoutée (Avant la haine, en duo avec Camélia Jordana) ou souhaitée comme un soulagement (Ciel de traine). Parfois, l’histoire est déjà passée, la catastrophe a eu lieu et c’est parmi les ruines qu’il se repasse le film de la sortie de route (Au départ, Un culte insensé).
Même les déclarations d’amour sont davantage marquées par une inquiétude acerbe que par l’ivresse de la cristallisation (Tout sauf de toi). Le cœur et le cul sont le plus souvent disjoints. Tantôt la compulsion sexuelle vient compenser la perte amoureuse (A nos amours – hommage possible à un titre de Pialat) ; tantôt, comme dans le nerveux et moite La nuit promet, elle atteint à une plénitude que l’amour peine à toucher : “Rentrez-moi dans le lard/Mordez-moi petits loups/quand il se fera tard/moi je vous ferai tout”.
Cette méthodique dissection de la souffrance amoureuse, Beaupin lui donne la forme entêtante de comptines électro-pop nappées d’arrangements synthétiques vaporeux et froids comme un blizzard. Le phrasé évoque parfois le Daniel Darc des albums solos. Tandis qu’Au départ, brillant parallèle entre l’histoire de la gauche (l’élection de Mitterrand, le gouvernement Jospin) et le délitement d’une histoire intime, ressuscite la ligne de synthé de Cherchez le garçon (qui était justement un tube en mai 81).
Il faut écouter vite, et souvent, cet album addictif. Car Alex Beaupin est prodigue, et dans seulement quelques mois sortira déjà son prochain album, la BO du prochain film musical de Christophe Honoré, Les Bien aimés. Et ce sont Louis Garrel, Chiara Mastroianni, Ludivine Sagnier et Catherine Deneuve qui donneront une voix au chagrin âcre et mélodieux de cet auteur-compositeur inspiré et touchant.
Jean-Marc Lalanne
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