Air a sorti son premier album Moon safari le 16 janvier 1998. Libre et léger, cet Air avait la mémoire longue et osait se souvenir d’une époque où, en France, la variété était variée, audacieuse et sans complexe. Architectes de cette électronique pointilleuse et pourtant joueuse, Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin devinrent à l’époque les premiers Français sur la Lune. Retour sur une rencontre en haute altitude publiée à la sortie du disque dans “Les Inrockuptibles”.
Allez, on vous dit la vérité : les membres d’Air n’ont jamais mis les pieds sur la Lune. Pas plus en tout cas qu’Hergé ou Méliès. Air n’est pas non plus une taupe fabriquée par des stratèges aux services de Monsieur Seguin pour partir à la reconquête de la jeunesse dissolue. Pour plus de précautions, étant donné les rumeurs qui circulent, on précisera également que Moon safari ne guérit pas les verrues plantaires, n’aide pas à la réussite aux examens scolaires et ne possède aucune vertu pour faire revenir au foyer la femme adultère.
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Tous les autres bienfaits que l’on prête ici ou là depuis quelques mois au premier véritable album d’Air sont en revanche garantis : paix, évasion, bonheur, luxe, calme, volupté et, occasionnellement, grosse suée sur les pistes de danse, méditation psychédélique et troubles moteurs sans gravité. Partout en France et si les prévisions des experts se confirment dans le monde libre, Air en 98 sera vital.
https://www.youtube.com/watch?v=vwbLC03HE4I
“La plus grosse méprise, c’est lorsqu’on nous prend pour des DJ’s”
Voilà qui rappelle étrangement le delirium médiatique pas très rationnel qui précédait l’an passé à la même époque le Homework de Daft Punk, à ce petit détail non négligeable près : il y a cette fois un disque sous la coquille. C’est-à-dire que l’on sent dès les premières mesures de La Femme d’argent, instrumentale et phénoménale ouverture, que quelque chose palpite là-dedans, qu’on ne nous aura pas encore dérangés pour des gargouillis de ventre creux, d’autres petits pets de péteux à rajouter à la grande aérophagie électronique de l’époque.
Ainsi, par Air mieux vaut entendre Air pur, Air libre, Air bonifiant, et non Air comprimé, Air conditionné, Air con. “La plus grosse méprise, c’est lorsqu’on nous prend pour des DJ’s”, se désole Jean-Benoît Dunckel, laissant ensuite à Nicolas Godin le soin d’évacuer tout malentendu.
“On a un rapport très charnel avec les instruments. Personnellement, j’adore les pianos, les guitares, leur odeur, leur son, leur ergonomie. Je ne pourrais pas me motiver si je devais passer ma vie derrière un sampler ou un écran d’ordinateur. Comme la plupart des gens de ma génération, j’ai été sensible à l’émergence de la house, notamment en raison des nouvelles opportunités qu’elle offrait. Pourtant, d’un autre côté, je trouvais dommage que les gens se réunissent autour d’une musique sans bagage affectif et émotionnel.”
https://www.youtube.com/watch?v=DjTERXcdU38
Dans la grande aventure qui commence au début des années 90 en France création de labels comme Yellow Prod, F. Com ou Versatile, arrivée en masse de DJ’s, de groupes et laboratoires divers, Air choisit donc l’option avec bagages. Selon le principe des montgolfières, il sera toujours temps de les larguer en route pour gagner en altitude.
Un calcul payant : Air aura vu sa cote s’envoler quand pas mal de ses congénères demeuraient ensablés dans les querelles de l’intestin house-techno parisien, jurant qu’il suffirait de prendre la Bastille pour avoir l’air révolutionnaire. Convaincus pour leur part du charme des révolutions de velours ils ne revendiquent pas au hasard les Beatles comme théoriciens modèles , préférant les marches discrètes aux frondes tapageuses, les idéaux aux concepts, les voilà désormais à l’aube d’un grand dessein.
“Les réactions d’enthousiasme proviennent des professionnels ou d’autres musiciens, on ignore si les gens de la rue accrocheront”
Depuis un mois déjà, Jean-Benoît et Nicolas jouent les fils de l’air – “Il nous arrive de prendre jusqu’à deux avions par jour” – afin de répondre aux exigences promotionnelles du lancement mondial de Moon safari, enchaînant interviews multilingues, séances photos et tournages (voir l’extraordinaire clip de Sexy boy réalisé à New York par Mike Mills) avec, quand même, cette appréhension que le succès si sûrement promis partout ne les lâche en chemin.
“Le problème d’un succès annoncé, c’est justement de n’être qu’annoncé. Pour le moment, les réactions d’enthousiasme ne proviennent que des professionnels ou d’autres musiciens, mais on ignore si les gens de la rue accrocheront. Car, après tout, ce sont eux qui achètent les disques. Il faut laisser les gens vierges se forger leur propre avis, ne pas décider trop tôt à leur place. Cette année, nous avons sorti un maxi dont nous étions hyper-fiers, Le Soleil est près de moi, et il s’en est vendu seulement deux mille dans le monde : ça relativise beaucoup les choses.”
https://www.youtube.com/watch?v=09e1yC3TUx8
L’éternelle tirade de la modestie
Déjà lassé d’être si précisément dans l’air du temps, Air veut à tout prix se donner du temps à moins qu’à trop sentir le soleil près d’eux, ils ne s’imaginent déjà en Icare d’un scénario catastrophe. Jean-Benoît et Nicolas improvisent donc une parade désuète en surjouant l’éternelle tirade de la modestie “On croyait qu’on donnerait deux ou trois interviews et qu’on retournerait tout de suite en studio faire le second album”, tandis que chaque jour qui les rapproche de la sortie de Moon safari anéantit leur soudaine volonté, coquetterie bricolée en dernière minute, de passer un peu plus inaperçu.
Trop tard, les gars, il va falloir vous y faire : le savoir-faire d’Air a clairement aujourd’hui dépassé la sphère des happy few dans laquelle s’échangeaient depuis deux ans les maxis Modulor, Casanova 70 ou Le Soleil est près de moi (tous réunis sur le mini-album Premiers symptômes sorti l’été dernier), le Cosmic bird enregistré avec le savant fou Jean-Jacques Perrey pour la compilation Source Lab 3, ainsi que les divers travaux de remix effectués par le duo pour Crustation, Ollano ou Daho.
Air a plus précieux à faire valoir que ce titre de phénomène musical français de l’année
La petite chapelle est désormais à ciel ouvert, soumise à toutes les convoitises depuis que le toit a volé en éclats, irrésistiblement soufflé par quatre vents parmi les plus violents jamais déchaînés sur le passage d’un groupe français. La presse britannique – grenouille ô combien fiable de la météo planétaire – affûte déjà ses plus belles devantures, prédisant à travers Air l’épitomé de ce qu’elle a baptisé la French touch, dont les ambassadeurs successifs avaient pour noms Laurent Garnier, DJ Cam, Snooze, Super Discount, Dimitri From Paris ou Daft Punk. Mais tenons-nous en là quant au strict aspect spectaculaire et comptable des choses, Air ayant plus précieux à faire valoir que ce titre de phénomène musical français de l’année et futur lauréat de l’Award du Maurice Chevalier 98.
Lorsqu’on a vu traîner chez Nicolas Godin un exemplaire des Pet sounds sessions, une biographie de Truffaut, les récentes rééditions du Polnareff sixties, un vieux Fender Rhodes au pupitre garni d’une planche de photos de Jaclyn Smith (la Kelly des Drôles de dames, à laquelle le duo a consacré une chanson, Kelly Watch the Stars), on a mieux compris pourquoi on se sentait tellement chez soi à l’écoute de Moon safari. Si le terme easy-listening n’était pas subitement devenu un gros mot par la faute de certains faiseurs de modes obscènes, on n’hésiterait pas une seule seconde à le ressortir pour cette grande occasion.
“On vient d’un milieu aisé, on n’a jamais manqué de rien. En même temps, on a reçu une éducation assez libérale, nos parents nous ont toujours laissé faire ce qu’on voulait”
Plus qu’une lointaine émanation de la culture des clubs, comme on voudrait nous le faire avaler, Air est assurément l’héritier richement doté d’une dynastie de Grands Maîtres et de cinoques, de fins arrangeurs et de vrais branques, de compositeurs subtils et d’interprètes extravagants. Dans l’ADN compliqué d’Air, on trouve ainsi trace de Bacharach et de Gainsbourg, de Michel Colombier et de Kraftwerk, de Brian Wilson et des Buggles. Mais seulement des traces fugaces, impressionnistes, jamais de grosses empreintes identifiables à l’œil nu. Air est une espèce de mirage.
“On a fait de la musique dès qu’on a commencé à penser par nous-mêmes”, explique Jean-Benoît. “Lorsque j’étais gamin, confirme Nicolas, on m’offrait des instruments au lieu de m’offrir des jouets.” Jean-Benoît Dunckel vient de Versailles, banlieue généralement réputée pour ses lycées d’élite et les hernies sévères dont sont victimes les facteurs chaque week-end à la distribution des suppléments du Fig Mag. Nicolas Godin a grandi dans la commune voisine du Chesnay, petite sœur parvenue de la première et longtemps ville symbole du dynamisme yuppie des décennies 70 et 80.
“On vient d’un milieu aisé, on n’a jamais manqué de rien. En même temps, on a reçu une éducation assez libérale, nos parents nous ont toujours laissé faire ce qu’on voulait.” Ce journal ayant fourbi ses premières armes dans le même berceau, on se gardera des jugements péremptoires qui fusent ordinairement à son évocation ramassis de fils de bourges, de têtes à claques et de jeunes connes labellisées Hermès.
“Le hasard a voulu qu’on fonde Orange au lycée, dont les membres ont émergé. Xavier Jamaux est dans Ollano, Alex Gopher a fondé le label Solid avec Etienne de Crécy et Pierre-Michel Levallois. Et puis maintenant, il y a nous”
Versailles et ses environs, c’est au contraire depuis quelques années déjà l’un des hauts lieux du tourisme musical étranger, en qualité de plaque tournante de la nouvelle French connection, bientôt aussi prisée des Japonais et du reste du monde que la galerie des Glaces. “Le hasard a voulu qu’on fonde au lycée un groupe baptisé Orange, qui n’a jamais rien sorti, mais dont plusieurs membres ont émergé ensuite sur la scène française. Xavier Jamaux est aujourd’hui dans Ollano, Alex Gopher a fondé le label Solid avec d’autres potes de l’époque, Etienne de Crécy et Pierre-Michel Levallois. Et puis maintenant, il y a nous.”
Club des Cinq sous influence Bowie, Doors et Led Zeppelin, Orange a senti un moment frémir l’intérêt des maisons de disques de l’époque, puis s’est dispersé d’avoir trop attendu son heure. “On nous a forcés à faire des chansons en français, bien calibrées, alors qu’on était attirés par des musiques nettement plus extrêmes. Ça ne collait pas du tout. Ce n’est que plus tard, vers 25 ans, qu’on a découvert à travers Polnareff ou Michel Berger que la variété française pouvait avoir des qualités.”
“Je suis même allé voir une psychanalyste et, au lieu de lui confier mes problèmes, je lui parlais de musique tout le temps. C’était ma seule obsession”
Après la fin d’Orange, Nicolas Godin reste un moment avec Alex Gopher à explorer les musiques noires et le hip-hop, puis retourne sur les conseils paternels à ses études d’architecture. “Ma vie ne me plaisait pas à ce moment-là. J’avais l’impression d’avoir loupé le coche et j’en gardais une certaine amertume. J’ai choisi de faire architecture par dépit et parce que ça demandait une implication très rationnelle, mais je me sentais vraiment déprimé, d’autant que ma vie sentimentale foutait également le camp. Je suis même allé voir une psychanalyste et, au lieu de lui confier mes problèmes, je lui parlais de musique tout le temps. C’était ma seule obsession. Etienne de Crécy a été le premier d’entre nous à tout plaquer pour fonder Motorbass et devenir ingénieur du son. Au début, on l’a vraiment tous regardé comme un extraterrestre.”
Jean-Benoît étudie quant à lui les maths, devient prof et garde, pour tout contact avec la musique, un emploi épisodique comme pianiste de bar. “J’ai fait ça en plus de mon boulot de prof pendant quatre ans et je peux dire que le statut de pianiste dans les bars à Paris, c’est pas loin du clodo : c’est un milieu assez louche, avec le videur qui te paie en liquide à la fin de la soirée. T’es sans arrêt obligé de lui courir après pour avoir ton fric et la somme baisse un peu plus chaque jour. Si tu protestes, il te vire. Et puis personne n’écoute vraiment la musique dans ces endroits. Lorsque je jouais un tube minable qui passait à la radio, j’avais plus de succès qu’avec la Sonate n° 3 de Chopin.”
“Le vrai déclic, c’est lorsque j’ai entendu l’album de Money Mark. Ce type m’a fait prendre conscience qu’on pouvait faire des choses très personnelles sans obéir aux normes”
Pendant ce temps-là, grâce à un ami qui vient d’être embauché par le jeune label Source, Nicolas se voit offrir la possibilité d’enregistrer un titre pour la compilation Source Lab 1, grand happening gustatif des nouvelles saveurs made in France. “J’étais un peu largué, à fond dans les études et j’ai donc demandé conseil à mon copain sur ce qui se faisait d’original à l’époque, vers quelle direction aller. Il m’a parlé du trip-hop, de l’ambient, et je me suis débrouillé avec mon petit matériel en travaillant à partir d’un rythme que j’avais enregistré en studio et en ajoutant quelques bricoles, une basse samplée, des accords de Rhodes. J’ai ainsi fait Modulor tout seul, en m’inspirant des théories de Le Corbusier que j’avais étudié en archi. Le vrai déclic, c’est lorsque j’ai entendu l’album de Money Mark. Ce type m’a fait prendre conscience qu’on pouvait faire des choses très personnelles sans obéir aux normes, sans faire de concessions.”
https://www.youtube.com/watch?v=qpMF032Aku4
Un plan à la Blues Brothers
Remarqué en haut lieu, notamment par le patron du label Mo’Wax James Lavelle, le titre fondateur, Modulor, provoque un appel d’Air dans le landerneau frenchy, à tel point qu’une suite est aussitôt réclamée à Nicolas par la maison de disques. “Je ne me voyais pas du tout poursuivre seul, je me sentais trop limité. J’ai donc pensé à Jean-Benoît, parce qu’on était vraiment complémentaires à l’époque d’Orange. Nous sommes très différents, mais nos idées se marient bien et c’est un excellent musicien, très patient et pointilleux, alors que je suis plutôt impulsif et bâcleur. Nos retrouvailles furent le genre de plan à la Blues Brothers : j’ai débarqué un soir dans le bar où il jouait, j’avais pris ma décision, je lui ai demandé s’il voulait reformer le groupe.”
Le second maxi, Casanova 70/Les Professionnels, ébauche plus distinctement le son Air, qualifié non sans raison de rétro-futuriste, avec ses moelleux airbags de basse que l’on jurerait échappés d’une partition early seventies de Morricone, sur lesquels viennent s’épancher trompette et mini-Moog dans une espèce de fantaisie liquoreuse, traversée par de soyeux courants d’air. Car là se situe bien le génie d’Air : “On a quelques principes jamais d’ersatz, jamais de prise directe , le son doit être épanoui, libéré. On croit au charisme du son, à son pouvoir de rayonnement.”
Le fameux filtre Air – filtre de jouvence pour toutes ces vieilleries d’ambiance refroidies depuis des siècles
Une élégance de style certaine, un sens particulièrement aiguisé des cassures et des rebondissements enseigné par l’écoute massive mais nullement passive de musiques de film, le son d’Air témoigne en outre d’une érudition dont nombreux, issus de la même pluie, se réclament sans parvenir tout à fait à en capter l’essence ni à lui donner un sens. Chez Air, on reconnaît les influences mais on assiste en temps réel à leur digestion, au tri organique qui s’opère au grand air, sans la moindre sournoiserie. Tout au long de Moon safari, il y a autant de captures et de dépeçages que de remises en liberté, après passage au travers du désormais fameux filtre Air – filtre de jouvence pour toutes ces vieilleries d’ambiance refroidies depuis des siècles.
Air ne se contente pas d’aspirer, il expire et exhale, s’exalte et s’extasie, à l’image de ses deux géniteurs. “La plupart des musiciens n’ont qu’une obsession en tête : écrire un standard. Nous, c’est pareil, on est comme des chercheurs d’or, à la recherche de la pépite ultime et même si on sait qu’on ne la trouvera peut-être jamais, c’est ce qui nous pousse à continuer. Il ne s’agit pas de révolutionner l’histoire de la musique, mais plutôt d’y laisser une trace universelle. Lorsqu’on fait le tour des chansons qui nous ont bouleversés, comme Le Sud de Nino Ferrer, Runaway de Del Shanon, Everybody’s got to learn sometimes des Korgis, on se rend compte à quel point on est toujours attirés par des choses simples, immédiates. Quand j’entends un groupe comme Portishead, ça ne me touche pas : je trouve ça trop glacial, trop tordu. A cause de Modulor, on nous a très vite catalogués comme une sorte de Massive Attack français, on a voulu nous enfermer dans cette espèce de style classieux et lorsqu’on a fait Cosmic bird, un titre assez comique, ou Sexy boy, les gens ont décidé à notre place que ça ne nous ressemblait pas. On a réussi au moins une chose : brouiller les pistes.”
“Il y a eu des engueulades noires, sans personne pour donner raison à l’un ou à l’autre, mais c’est à ce prix qu’on pouvait avancer”
Pour échapper à la pression qui commençait à engoncer l’imagination du duo, menaçant à court terme de l’étouffer dans l’œuf, Air s’est installé pendant plusieurs mois dans une maison transformée en studio, perdue dans une forêt proche de Versailles. L’essentiel de Moon safari à l’exception des cordes vaporeuses enregistrées à Abbey Road avec David Whitaker s’est bâti ainsi à l’écart des mondanités, sans même la présence rassurante d’un ingénieur du son.
“On est assez pudiques, on n’aime pas que quelqu’un nous regarde travailler. Et comme on est aussi très orgueilleux, on ne supporte pas qu’un tiers voie nos erreurs. Il faut laisser échapper les idées, y compris les mauvaises, et ce n’est possible que s’il n’y a pas trois mecs derrière une vitre en train de lever les yeux au ciel. On s’est donc débrouillés seuls : pendant que l’un enregistrait une prise, l’autre était à la console et vice-versa. Forcément, il y a eu des engueulades noires, sans personne pour donner raison à l’un ou à l’autre, mais c’est à ce prix qu’on pouvait avancer. Comme on est hyper-sincères l’un envers l’autre, on finit toujours par tomber d’accord après un conflit. Le plus douloureux, c’est l’étape de la composition. On a tendance à penser et repenser les structures, les harmonies de piano, les mélodies, la cadence. On remet souvent tout en question, on se prend la tête, on s’énerve, on s’engueule. Ensuite, lorsque vient le moment d’enregistrer, c’est la récré : on évacue tout le stress, on peut ajouter toutes les choses ludiques dont on a envie, imaginer des tas de nouvelles parties, parce qu’on sait intérieurement que les fondations sont solides, qu’il ne peut plus se produire de catastrophe.”
Pop sans poussière et sans état d’âme
L’alunissage en douceur d’Air marque d’ores et déjà un grand pas pour l’humanité retrouvée du son façonné en France. On applaudit ainsi le retour aux fourneaux d’une pâte électro-acoustique antédiluvienne, dont on croyait avoir égaré définitivement la recette depuis trente ans, hommage aux valeureux pionniers de la bricole que furent Pierre Henry, Pierre Schaeffer ou Jean-Jacques Perrey. Et Air, surtout, redonne sa noblesse au mot orchestration en dix chansons spatiales et spacieuses, capricieuses et capitales, parfois chantées à deux voix à travers le cache-sexe d’un vocoder, d’autres fois livrées à la pâture ourlée de la chanteuse américaine Beth Hirsch. Dix chansons pop sans poussière et sans état d’âme, toujours limpides et intrépides, ludiques et poétiques, logiquement aériennes. Et forcément lunaires.
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