Pour bâtir un bloc éblouissant de musique, de poésie et de cinéma, Christophe s’offre un casting très VIP.
Christophe ne vit que la nuit. Aujourd’hui, ses nuits sont souvent studieuses. Il a installé un studio chez lui et compose en son antre, entouré de ses machines, obstiné inventeur de sons. “Il faudrait que vous veniez chez moi. Vous comprendriez. Je travaille dans une grande pièce ogivale. C’est un peu le pont d’un paquebot, ou le cockpit d’un avion. Et ça ouvre sur la rue, les passants, les lumières du boulevard. Je travaille en observant la vie des gens, qui est un peu ma télévision.”
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
L’esprit de collection constitue l’essentiel de son rapport au monde. Dans sa collection, il y a les jukebox, les 78t, les voitures, les synthétiseurs, les instruments, dont ce piano Arts-Déco qu’il a acheté d’abord pour en faire une table de séjour, mais qu’il a utilisé finalement pour son album. Mais aussi les sons, les bouts de textes, qu’il amasse et stocke dans sa tête, “dans des tiroirs”, jusqu’à ce qu’ils rejaillissent, parfois de nombreuses années plus tard, pour un album.
Et puis les gens aussi, Christophe aimant plus que tout la composition d’harmonieux castings. Celui de son nouvel album, sept ans après Comme si la terre penchait, comprend des musiciens très divers : Carmine Appice, le batteur de Vanilla Fudge, l’artiste electro Murcof, Debi Doss, ex-choriste des Buggles qui refait sur le morceau Tonight Tonight son immémorial “Owo owo” de Video Killed the Radio Stars… mais aussi une jeune comédienne, Sara Forestier, un écrivain à la mode, Florian Zeller, la star Isabelle Adjani qui ouvre l’album sur Wo Wo Wo Wo et même, le temps d’un générique parlé étonnant, le magnat de la presse et la voix de Salut les copains, Daniel Filipacchi.
Si Christophe aime la notion de casting pour qualifier cet étrange agrégat d’invités, il parle volontiers de ses albums comme de films. Les nappes de synthés, tapissées de collages vocaux, de paroles pleurées et de chuchotements, y racontent des histoires, des bouts de vies (comme celle de Magda, cette employée d’hôtel à qui il consacre une des plus belles chansons), créent une nuit cosmique d’affects et de sons toute cinématographique. Le cinéma continue d’ailleurs à structurer son imaginaire.
Elephant, qu’il a découvert en salle et revoit régulièrement en DVD, Boulevard de la mort, qu’il adore plus que tout, David Lynch bien sûr : “Je rentre dans ses films comme chez moi.” Pour préparer ses films-albums, il constitue des cahiers dans lesquels il colle des images découpées : le cahier Betty Page, le cahier Isabelle Adjani, des photos de Pierre Molinier… Sur la cartographie de la chanson française, sa place est unique. On a presque oublié qu’il appartient à la génération yéyé. La jeune génération l’adule. Il fréquente Sébastien Tellier, converse avec les Daft Punk au club Le Baron, filme Camille en concert parce qu’il la trouve “unique, et plus que jolie : eau à la bouche”.
Abd Al Malik lui a écrit des textes qu’il n’a finalement pas retenus, “mais il ne l’a pas mal pris”. Il aime beaucoup le rappeur Kery James, mais aussi Renan Luce. La jeunesse l’aimante. Et la nostalgie ? “Je ne suis pas passéiste. Je vis l’instant en plein. Donc il prend beaucoup de place. Mais tout album est traversé par la mélancolie du passé.”
Ce nouvel album, bloc éblouissant de musique, de poésie et de cinéma fusionnés, s’intitule Aimer ce que nous sommes. Et alors, Christophe aime-t-il ce qu’il est ? “Oui bien sûr. Je continue à m’aimer. Il faut s’aimer pour faire du beau. Quand on ne s’aime plus, on ne jouit plus. Et quand on ne jouit plus, on est mort.”
{"type":"Banniere-Basse"}