Depuis leur rencontre sur les bancs des Beaux-Arts de Cergy, Clara et Armand continuent à faire connaissance en musique avec Agar Agar. Après un magnifique morceau publié en début d’année, le groupe sort un premier EP très prometteur cette semaine.
L’histoire débute au mois d’avril, dans les spams d’une boîte mail trop chargée. Après un premier envoi perdu dans les abysses d’Outlook, les mecs de Cracki Records ont la bonne idée de nous relancer pour que l’on jette une oreille au tout premier morceau de leur dernière signature. “Je ne sais pas si tu as entendu parler de notre nouveau projet : Agar Agar ? C’est un duo porté par la voix puissante et sensuelle de Clara. Armand est aux machines et livre des nappes 80’s quelque part entre synth-pop et une acid-disco survoltée.”
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Le genre de notule incitative que l’on reçoit douze fois par jour mais qui, dans ce cas précis, a le mérite de révéler le nouveau groupe français le plus frais de 2016. Dès la première écoute, Prettiest Virgin, le single qui accompagne l’e-mail, s’affirme comme un petit tube répétitif, propret et malicieux. Une petite boucle synthétique suffisamment addictive pour qu’on l’écoute toujours six mois plus tard sur le chemin du rendez-vous fixé par le groupe dans un rade de Belleville. Clara habite à quelques pas. Armand, lui, empile ses synthés du côté de Montreuil…
“Je viens de Montpellier, lance-t-il pour mieux géolocaliser son parcours. Je suis monté à Paris pour suivre des études d’architecture mais j’ai rapidement bifurqué vers les beaux-arts. Depuis que je suis ici, je collectionne les synthétiseurs. ça coûte cher, mais je n’achète plus de vêtements et j’essaie de me restreindre sur la bouffe (rires).” Dans un sourire à peine moqueur, Clara confirme qu’Armand se satisfait très bien d’une paire de chaussures par an.
Ces deux-là se sont rencontrés dans l’un des ateliers de création proposés par les beaux-arts de Cergy. Le groupe y est né par hasard, un soir d’avril 2015 où Armand aidait sa pote à installer du matériel pour un concert organisé dans l’école.
“Chacun faisait de la musique de son côté dans des registres assez différents, précise Clara. Je viens d’un background beaucoup plus rock. Mon père est guitariste. Il a eu pas mal de disques psyché et en vieillissant il s’est mis à écouter des trucs plus vénères comme du metal ou du hard-rock. Même des trucs scandaleux comme Nightwish ! (rires).”
Des références et deux avatars
“J’ai grandi dans cette ambiance. L’electro, je n’y connais pas grand-chose. Armand m’a fait découvrir Bernard Fèvre ou Mort Garson et j’ai tout de suite adoré. On n’a pas du tout les mêmes influences de base mais au niveau de la composition, ça colle.”
“On s’autorise tout car on ne sait pas qui on est”
Pendant que Clara terminait son lycée à Biarritz entre les pochettes d’albums flippantes de son père et un projet folk mené avec une copine de bahut, Armand branchait son casque en continu sur Autechre, Black Devil Disco Club ou Aphex Twin.
Autant de références qu’il ne cherche pas forcément à modéliser dans le son d’Agar Agar tant le groupe semble se nourrir de la rencontre perpétuelle entre ses deux avatars. Armand : “On s’autorise tout car on ne sait pas qui on est. ça nous intéresse de brouiller nos propres pistes.”
Entre synth-pop, italo et no-wave
“En tant que musicien, je ne suis même pas sûr de me connaître complètement, donc avec Clara ça multiplie les inconnues. J’espère qu’on gardera ça le plus longtemps possible : nos références sont tellement éloignées qu’on se découvre à chaque fois qu’on se retrouve pour composer.”
Depuis le rapprochement avec le label Cracki Records grâce à un pote d’école et la mise en ligne de Prettiest Virgin, tout s’est accéléré pour Agar Agar. Le titre affiche plus de 300 000 écoutes sur internet et le groupe a profité de l’été pour parfaire son apprentissage et mieux se connaître en enchaînant les concerts.
Le dernier avait lieu mi-septembre à Paris pour le festival inRocKs lab, dans une Gaîté Lyrique d’abord circonspecte et finalement emportée par la singularité du duo. Sur scène, Clara laisse traîner un chant désabusé qui évoque les souvenirs contradictoires de John Dwyer et Lizzy Mercier Descloux, la voix émaillée de nervures et de hoquets qui tanguent entre synth-pop, italo et no-wave.
Une chanteuse à la voix garage
Le premier ep d’Agar Agar offre le même genre de réjouissances. Un jeu de rôle déroutant qui rappelle que la chanteuse est tout aussi à l’aise quand il s’agit d’exprimer la fureur de Cannery Terror, son groupe garage connecté au label Burger Records.
“Il y a quelques mois, j’ai eu une sorte de déclic sur scène avec mon autre groupe. J’ai pété les plombs et je me suis dit que c’était le moment d’apprendre à tomber et à me rouler par terre. ça peut rapidement devenir un cliché carrément lourd mais je tiens à ces sensations. Sur scène, je suis dans une optique de jeu de rôle et de performance. Je peux être un monstre, faire peur aux gens ou alors devenir une minette, un objet.”
“Chaque concert est l’occasion de regarder la nudité en face”
Pour Armand, les différentes incarnations de Clara n’ont rien à voir avec un enchaînement de postures ou un calcul pragmatique : “La force de sa personnalité, c’est justement de savoir jouer avec toutes ces facettes. Moi, je ne suis pas un frontman : je suis derrière mes machines et je m’occupe de créer un son.”
“C’est sûrement quelque chose de plus simple en terme d’image. Clara, en tant que chanteuse, a un rôle à jouer. Elle le fait très bien et c’est inscrit en elle, donc c’est complètement honnête.” Et Clara de ponctuer : “Le côté théâtral de la scène me passionne. Chaque concert est l’occasion de regarder la nudité en face en créant de nouveaux personnages, de nouvelles fictions. Je voudrais pouvoir me défier jusqu’à la mort.”
ep Cardan (Cracki Records)
concerts le 28 octobre à Troyes (festival Nuits de Champagne), le 16 novembre à Paris (Petit Bain)
{"type":"Banniere-Basse"}