Sous une pluie acide de guitares, Helmet avance sans casque dans le New York dévasté du rock le plus bruitiste. New York 1986 : lorsque Page Hamilton débarque en ville après ses années de fac dans l’Oregon, les Swans et Sonic Youth secouent déjà les souterrains locaux. Jon Spencer et Cristina Martinez arrivent tout juste […]
Sous une pluie acide de guitares, Helmet avance sans casque dans le New York dévasté du rock le plus bruitiste.
New York 1986 : lorsque Page Hamilton débarque en ville après ses années de fac dans l’Oregon, les Swans et Sonic Youth secouent déjà les souterrains locaux. Jon Spencer et Cristina Martinez arrivent tout juste de Washington avec, dans leurs bagages, les plans du radeau Pussy Galore, tandis que Glenn Branca échafaude dans l’ombre une vague épure des prémices noisy. C’est par l’entremise de ce dernier que Page prendra en marche le mouvement balbutiant. Au sein de Band Of Susans (voir le magnifique Love agenda de 1988), il continuera son apprentissage, mais éprouvera vite le besoin d’imposer sa propre empreinte au magma bruitiste. Avec quelques furieux du cru, dont les indéboulonnables Henry Bogdan (basse) et John Stanier (batterie), il fonde Helmet, sorte de scission heavy et paillarde de l’underground arty. Premier single en 89 pour le label Amphetamine Reptile (découvreur impénitent d’Helios Creed, Cows, Boss Hog, Chokebore…), et une réputation qui ne cesse d’enfler en sourdine. Suivront les albums Strap it on, Meantime et Betty, tous affiliés à une sorte de tribut sidérurgique à Captain Beefheart, à une composante torve du psychédélisme yankee. Soufflant à la fois le foehn grunge des Screaming Trees et les blizzards glacés de Sonic Youth, Aftertaste confirme une position unique et en affermit la portée. Trop désossé pour les amateurs de premier degré métallique, trop rêche pour prendre le sillage victorieux des canons esthétiques new-yorkais du moment, Helmet cultive une fois encore sa spécificité, mais en a radicalement ressoudé les bases. On assiste ici, incapable de parer les uppercuts, à une pluie de coups tous plus secs les uns que les autres. Bien à l’abri sous son heaume, Page Hamilton décoche les riffs amidonnés et les vocaux ébréchés, sans velours mélodique ni excipient oxygéné. Etrangement, de cette chape inflexible émerge un vrai lyrisme, juste suggéré, comme un filet d’humanisme sous-jacent et volatil au coeur d’un inextricable canevas de fils barbelés. Helmet n’est pas une simple machine, sous une rigueur de laminoir s’expriment quelques traits cardiaques et particulièrement expressifs qui en font aujourd’hui une source sonore privilégiée de l’industrie cinématographique. Outre quelques titres disséminés sur les BO de Feeling Minnesota ou The Jerky boys, on doit à Page Hamilton toutes les guitares pilonnant l’affrontement Al Pacino/Robert De Niro dans Heat. Un autre résident notoire de Manhattan s’était lancé, il y a bien longtemps, dans la construction de l’ultime Metal machine music, sans penser que vingt ans après un ingénieur ès raffuts en trouverait la clé de contact. Par chance, le garçon en question est un habitué des chantiers périlleux. Le port du casque y est obligatoire.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}