Deux façons de lustrer sa mélancolie : à la soie chez Sugar Plant, au papier de verre chez Rick Boston. Si on avait depuis belle lurette un DJ japonais favori Krush , des coquines Nippones régulièrement fréquentées Cibo Matto , il manquait encore à la collection un groupe traîne-guitare, un Galaxie 500 du […]
Deux façons de lustrer sa mélancolie : à la soie chez Sugar Plant, au papier de verre chez Rick Boston.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Si on avait depuis belle lurette un DJ japonais favori Krush , des coquines Nippones régulièrement fréquentées Cibo Matto , il manquait encore à la collection un groupe traîne-guitare, un Galaxie 500 du Soleil-Levant : vide métaphysique comblé par Sugar Plant, duo élevé à Tokyo au son de Radio Amérique. Mais une Radio Amérique aux ondes épuisées par le voyage, arrivées au Japon en rampant, au bord de l’extinction le Velvet du troisième album, le Mazzy Star de tous les albums. On ne connaît rien de plus sensuel que ce rock américain de fin de nuit, d’after-hours brumeuses, quand tout n’est que flou seuls les myopes peuvent, en quittant leurs lunettes, vraiment comprendre cette musique aux contours arrondis, douceâtres, rassurants. Enregistré à Philadelphie, ce After after hours parle cette country-folk des prairies sinistrées sans le moindre accent, avec une chaleur et une profondeur de son qui, chez ces groupes de peu de mots, de peu d’accords, font toute la différence entre paresse et prouesse. Un son vaste, magistral et gazeux, qui prend immédiatement possession de l’espace, s’attaquant délicatement aux centres nerveux : Sugar Plant n’a beau être qu’un hybride de laboratoire on a reconnu en une écoute toutes les racines de cette belle plante , elle n’en est pas moins tendrement vénéneuse (leur reprise de la vieille scie Brazil sous Temesta est exemplaire). Sugar Plant peut provoquer de célestes som-nolences : déconseillé aux conducteurs pressés. C’est aux conducteurs énervés, virils ses an-ciens clients que l’on déconseillera la fré-quentation de Rick Boston. C’est maintenant une chose entendue, assortie d’une sérieuse jurisprudence : le chanteur grunge est plus pas-sionnant en solo qu’en groupe. Ainsi Jeremy Enigk éclatant dès que sorti de ses laborieux Sunny Day Real Estate, Mark Lanegan sérieu-sement plus troublant que ses Screaming Trees, Elliott Smith éblouissant
dès qu’il fausse compagnie à Heatmiser et, désormais, Rick Boston, enfin libéré des obligations Low Pop Suicide. On ne l’aurait jamais cru capable de telles finesses d’écriture, lui qui laissait si souvent sa vilaine chemise à carreaux sécher à l’air du temps pendant qu’il suait le burnous à aligner pont/refrain, pont/refrain avec la grâce du sumo enfilant les boulons sur une corde graisseuse. Et ce sont pourtant les mêmes chansons que Rick Boston ressasse ici, les élaguant, les affinant jusqu’à blesser l’os avec une guitare sèche et un violon violent celui des Geraldine Fibbers, en amie intime. Le résultat est saisissant : la lourde chappe d’hier laisse désormais pousser quelques impressionnantes fleurs noires (Humbled, Suicide ego). Rouillé, au rebut, la carcasse industrielle a laissé place à un romantisme rugueux, noyé au whisky viril, un romantisme pas bien propre, sauvageon, en rogne (c’est terrifiant, la colère d’ébène à la guitare acoustique). Loin, très loin du spleen élégant et vaporeux de ses compagnons d’écurie de Sugar Plant, celui de Rick Boston interdit toute rêverie, tout (ré)confort. Il avance les mains et l’âme sales, comme une version clochardeuse, amputée et violentée des charmes raffinés de Sugar Plant.
{"type":"Banniere-Basse"}