Chants de coton. Hannibal Lokumbe évoque à travers chants et rythmes son expérience avec l’esprit des esclaves. Avant de s’appeler Lokumbe, Hannibal Lokumbe s’appelait Hannibal Peterson et il était trompettiste de jazz. Avant ça, il était un petit garçon au Texas, au milieu des champs de coton, ses ancêtres avaient été esclaves, peut-être même qu’il […]
Chants de coton. Hannibal Lokumbe évoque à travers chants et rythmes son expérience avec l’esprit des esclaves.
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Avant de s’appeler Lokumbe, Hannibal Lokumbe s’appelait Hannibal Peterson et il était trompettiste de jazz. Avant ça, il était un petit garçon au Texas, au milieu des champs de coton, ses ancêtres avaient été esclaves, peut-être même qu’il avait été l’un d’eux : la vie est un éternel recommencement. En tout cas, un jour, la voix de ses ancêtres s’est rappelée à lui, plaintive et entêtante. « Vers 1975, j’ai commencé à entendre ces plaintes et ces cris dans ma tête. J’ai cru que je devenais fou. Puis, en octobre 1989, à New York, j’ai passé une nuit au bord de l’océan Atlantique, et en rentrant chez moi j’ai rêvé que deux esprits m’entraînaient avec eux. Ils m’ont dit « Veux-tu entendre quelque chose ? » J’ai dit oui, et j’ai commencé à entendre les voix. Alors j’ai compris que c’était la voix des gens qui avaient été jetés par-dessus bord, dans l’océan Atlantique, au temps de l’esclavage. Et le bruit de leurs corps qui tapaient contre les cales du bateau.« De cette histoire à dormir debout, Hannibal a fait une œuvre. Comme ses ancêtres chantaient pour rester en vie dans la solitude des champs de coton, Hannibal a fait African portraits pour rester sain d’esprit. Depuis que l’œuvre a été créée (New York, 1990), les voix ont cessé de battre contre les tempes du musicien. La partition a même entamé une glorieuse carrière aux Etats-Unis sous la conduite de divers chefs, et s’est assurée le concours inattendu de Daniel Barenboïm pour le présent enregistrement. En somme, une belle histoire. Une belle musique aussi, qui ne laisse rien soupçonner des chimères qui l’ont vu naître (sinon par allusions subliminales), mais s’impose comme une sorte de songspiel vibrant et volontiers festif, un peu l’équivalent afro-américain du Songfest de Leonard Bernstein. Griots africains, gospels, blues, be-bop, les différents genres issus des chants d’esclaves y défilent en ordre dispersé, comme à la revue, et à vrai dire on regarde passer tout cela avec l’intérêt poli mais torve que certaines vaches prêtent aux trains de marchandises, en regrettant que tous les wagons n’aient pas le même niveau de beauté et d’émotion. On rêve d’un African portraits où toutes les sections auraient la chaleur du gospel entonné par Jevetta Steele (Victor Nelson’s cotton field) ou du blues égrené par l’un des derniers maîtres du Delta, David Edwards (Music man). A défaut, African portraits reste une entreprise hautement estimable et la digne victoire d’un homme sur ses démons.
Hannibal Lokumbe, African portraits, Chicago Symphony Orchestra, dir. Daniel Barenboïm (Teldec/Warner)
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