Il y a quelques années, Jyota Mishra était très petit, obèse, indien, et son groupe de pop adolescente s’appelait White Town. Il enregistrait, de sa chambrette anglaise, des singles publiés aux Etats-Unis ou en Espagne par des petits labels farouches défenseurs de l’artisanat et du format 45t. Sur un de ses charmants singles Hair […]
Il y a quelques années, Jyota Mishra était très petit, obèse, indien, et son groupe de pop adolescente s’appelait White Town. Il enregistrait, de sa chambrette anglaise, des singles publiés aux Etats-Unis ou en Espagne par des petits labels farouches défenseurs de l’artisanat et du format 45t. Sur un de ses charmants singles Hair like Alain Delon , il remerciait François Truffaut, KRS One, Albert Camus, Sylvia Plath ou Rosa Luxemburg. Un mec bien. Aujourd’hui, Jyota Mishra est toujours petit, obèse, indien, et son groupe continue de s’appeler White Town. Il enregistre toujours dans sa chambrette des singles invendables. Sauf que cette fois-ci, miracle, un de ses singles a réussi l’exploit de cambrioler le coffre de Picsou : Your woman petite marche accroche-mémoire jouée sur orgue Bontempi première année s’est ainsi retrouvé numéro 1 des charts britanniques en première semaine. Et l’artisan s’est miraculeusement transformé en industriel. Tourneboulé par ce coup du sort son triomphe était à peu près aussi probable qu’une visite de Diabologum chez Dimanche Martin ou la projection d’un film des Straub sur M6 , Jyota Mishra s’en est vite retourné, enfermé à double tour, dans sa chambrette. Dans un des textes charmants qu’il écrivait autrefois sur les pochettes de ses singles faits main, il notait, le 20 juillet 90, en jurant écouter un album de Felt : « Nous sortons ce single sans remix, sans pochette psychédélique, sans bruit. Toutes choses qui laissent envisager un désastre commercial. Mais ça ne m’inquiète pas. Le but de White Town n’est pas de vendre des produits on laisse ça au capitalisme. » Sur un autre texte, daté du 2 septembre 91, il gémissait « Ça fait presque dix ans que je joue de la musique, dont huit années au chômage. Mes rêves sont d’une incroyable banalité. Je veux devenir homme au foyer et m’occuper de plein de bébés. Ils pourraient devenir les Jackson Five du prochain millénaire. » Homme au foyer, il le deviendra assurément s’il continue de meubler ses albums avec une électro-pop à la banalité aussi colossale. Car Abort, retry, fail’, ce n’est que ça : Your woman avec un peu de poils autour, de la pop Castor Junior, de la techno Castorama. Un de ces veaux de Jona Lewie à Babylon Zoo que l’on essaie de transformer en vache à lait après le triomphe improbable d’un single. On a connu le pis de White Town plus généreux que sur cet album pis-aller.
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