Avec leurs noms de seconds rôles dans un film noir des fifties françaises, Suzy Mangion et Michael Varty forment une très dangereuse fanfare, spécialisée depuis The Magic Lantern (2003) dans un genre de chanson surannée et poignante, quelque part entre les torch-songs des années de guerre et la marche funèbre. Ce n’est donc pas forcément […]
Avec leurs noms de seconds rôles dans un film noir des fifties françaises, Suzy Mangion et Michael Varty forment une très dangereuse fanfare, spécialisée depuis The Magic Lantern (2003) dans un genre de chanson surannée et poignante, quelque part entre les torch-songs des années de guerre et la marche funèbre.
Ce n’est donc pas forcément Rire & Chansons chez le duo mancunien, artisans en mélancolie telle qu’aurait rêvé d’en croiser le label 4AD dans les années 80. Car tous les fantasmes d’un folk spectral, d’une chanson (ce mot si cruellement absent du vocabulaire anglais) nostalgique et pâle, qui animaient alors l’écurie londonienne (This Mortal Coil, Dead Can Dance) se retrouvent ici, incarnés et vibrants. D’une lenteur et d’une inventivité affolantes, les longues plages ainsi hantées par George fourmillent de détails, d’embuscades, s’amusant à concilier des époques et des styles que tout semblait diviser : la valse et l’electronica, le slowcore et le music-hall, Low et Nina Simone, Mancini et Mazzy Star Le plus étonnant est de voir à quel point ces chansons, qui ne se conjuguent ni au passé ni au futur, encore moins au présent, restent étrangères à toute étiquette, simulant le minimalisme tout en jouant dans le plus opulent maximalisme, feignant une sage acoustique (orgue, guitares, violoncelle) pour mieux accueillir, par le soupirail, d’étranges arrangements électroniques.
A travers le prisme de The Magic Lantern, spleen et euphorie se fondaient en un sentiment aussi diffus que jubilatoire. Un exploit que cette semaine de la bonté? renouvelle quinze fois, de manière magistrale.