Avant de débarquer à Paris l’année prochaine, la Red Bull Music Academy s’est installée à Tokyo, Un festival placé sous le signe de la découverte physique et théorique des musiques actuelles. Reportage.
Berlin, São Paulo, Londres, Seattle, Melbourne, New York, Toronto… Depuis plus de quinze ans, la Red Bull Music Academy sillonne les grandes villes du monde avec l’ambition d’incarner une approche moderne et pointue des enjeux qui conditionnent notre rapport à la musique. Inauguré à Berlin en 1998, le concept, d’abord basé sur l’exaltation de la culture techno et du DJing, a su s’élargir et se réinventer au rythme de ses itinérances, pour finalement proposer une formule événementielle inédite qui compile découverte, théorie et expérience.
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Cette année à Tokyo, du 12 octobre au 14 novembre, l’académie accueillait soixante élèves musiciens, tous sélectionnés sur dossier, pour représenter leur pays et assurer la partie défricheuse de la programmation. Un mois durant, de jeunes rappeurs, DJ et producteurs du monde entier étaient donc invités à investir l’architecture toute verticale du Q.G. de la RBMA : un long bâtiment crème dressé dans le ciel capricieux du quartier de Shibuya. Parmi eux, cinq Français. Le plus connu s’appelle La Mverte et il n’a sorti qu’un ep en début d’année. Entre les sessions d’enregistrement tardives, les showcases et les lectures données par des artistes décisifs dans l’histoire de la musique, le musicien n’a pas vraiment eu le temps de faire du tourisme à Tokyo :
“Le rythme est assez soutenu, on dort peu mais c’est pour la bonne cause. Je suis surpris par la qualité du matériel mis à notre disposition et par la variété des artistes sélectionnés. On discute beaucoup, on se refile des conseils techniques et ça nous permet de découvrir de nouvelles approches dans la façon de structurer nos morceaux. Je connaissais l’investissement de Red Bull dans la musique par rapport à leur studio parisien mais aussi grâce aux conférences qu’ils archivent chaque année sur internet. J’avais l’habitude de les regarder donc je ne suis pas surpris par la valeur des intervenants.”
Les mauvaises langues diront qu’en invitant Michael Rother du groupe fondamental Neu!, la Red Bull Music Academy achète l’aura d’un passé inattaquable pour s’assurer une légitimité et élever le standard de son image de marque. Mais encore faut-il avoir l’idée et l’expérience nécessaires pour faire résonner le propos de l’un des pères du krautrock dans une programmation ambitieuse et contemporaine.
Et même lorsque le producteur Harold Faltermeyer débarque au micro pour raconter ses anecdotes de studio de ses débuts en Bavière à l’enregistrement de la BO du Flic de Beverly Hills, on en profite pour apprendre qu’il a surtout oeuvré aux côtés de Giorgio Moroder et de Blondie sur des classiques comme E=mc2 ou Call Me. Guidés par l’expérience d’artistes respectés et encadrés au jour le jour par les conseils de James Holden, Just Blaze ou Kerri Chandler, les académiciens ont également eu l’occasion de mettre en pratique leurs acquis en se confrontant au public tokyoïte. Organisés dans des lieux atypiques (du parking souterrain aux cabines d’un building de douze étages entièrement dédié au karaoké), les showcases ont permis aux jeunes artistes de jouer dans des circonstances très éloignées de leur zone de confort habituelle.
“C’est la première fois que je viens au Japon, explique La Mverte. J’ai pas mal tourné en tant que musicien pour Yan Wagner mais j’étais assez curieux de découvrir l’attitude des gens en club, leur rapport à la musique électronique. Je n’ai pas constaté de différences très marquantes, à part les mecs qui venaient me voir avec leur iPhone connecté à Google Translate pour me dire qu’ils avaient bien aimé la soirée ! Je suis quand même content d’avoir été sélectionné pour cette édition car l’année prochaine, c’est Paris. Ça aurait été moins dépaysant.”
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