Jamel Shabazz montre au travers de ses photographies la beauté du quartier de Brooklyn dans les années 1980, de ses habitants et de leur style, de leur culture faite de graff et de hip hop.
Ghetto-blaster sous le coude, ils posent fièrement pour inonder les rues de hip hop. Les garçons sont beaux, baskets aujourd’hui devenues collector et torse bombé sur lequel repose des chaînes dorées. Les filles sont sublimes, shorts taille haute, cheveux soigneusement peignés selon la mode de l’époque, sourire aux lèvres. Bienvenue dans le Brooklyn des années 80 du photographe américain Jamel Shabazz exposé au mois de mai à Cologne sous le nom de Reflections of the 80’s et à retrouver en diaporama sur le site de Dazed.
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Une décennie passée dans les quartiers populaires de New York, pour rendre hommage aux styles (veste en cuir large, casquette, couleurs vives), à la musique (le hip hop, il en a même fait une playlist), à l’art (le graffiti). Shabazz les érige en rois et reines du bitume ; le métro, leur vélo, leur mobylette, leurs rollers se transforment en petits trônes. Une vie qui a l’air calme, même si les trottoirs sont sales et les murs délabrés, à une époque où les rues de Broolyn voient affluer de plus en plus de crack.
Le regard posé sur ces habitants est celui d’un homme qui connaît bien le coin : Jamel Shabazz est né à Brooklyn dans les années 60. A peine né, il est déjà confronté aux images violentes : l’Amérique se débat avec le mouvement des droits civiques et la guerre du Vietnam. Il se nourrit de musique contestataire, de photographies des manifestations (il cite Robert Capa, Philip Jones Griffiths, Gordon Parks, Leonard Freed, Jill Freedman ou Robert Sengstacke). Et surtout du travail de son père, lui-même photographe, sur lequel il s’exerce l’œil et le sens de la composition. Il comprends alors qu’il est possible de magnifier des réalités difficiles.
Il sera également inspiré par Phil Harris, qu’il rencontre alors qu’il est soldat en Allemagne. Nous sommes dans les années 1970, Jamel Shabazz a 17 ans, et il découvre une armée hagarde, désoeuvrée, assommée par les drogues (il parle d’hash, de cocaine, d’acide). Heureusement, il rencontre un soldat qui vient de Brooklyn comme lui, Phil Harris. Un peu plus âgé, avec des velléités de photographe, passionné d’arts martiaux, il ne boit ni ne fume, et c’est ce qui sauve Jamel Shabazz encore mineur.
A son retour à New York dans les années 1980, il se met à photographier les habitants de Brooklyn, leur demande de relever la tête pour regarder son objectif. A l’époque, Brooklyn fourmille d’initiatives pour combattre les injustices subies par les Afro-Américain, notamment sur le plan artistique au travers du graffti et du hip hop. Avec ses photos, il participe à leurs revendications politiques : il veut donner une image et donc une voix aux habitants de Brooklyn. Il veut leur montrer qu’ils sont beaux, à eux et aux autres, et participer à la mémoire d’une communauté qui se bat pour être entendue. C’est une déclaration d’amour aux habitants, mais aussi à Brooklyn : au webzine Dazed, il mentionne la richesse culturelle du quartier
« La pierre angulaire de mes premiers travaux (entre 1975-1989) tient au fait qu’ils ont été réalisés à Flatbush [quartier de Brooklyn avec une importante communauté caribéenne] de Brooklyn, et je pense vraiment que si j’avais vécu en dehors de Brooklyn, j’aurais été incapable dépeindre une telle diversité culturelle. »
Les années 1980 à Brooklyn deviennent un fantasme, un souvenir idéalisé au point d’en devenir nostalgique. Dans l’inteview donnée à Dazed, il dit même regretter cette époque :
« A l’époque, c’était très facile d’engager une conversation toute simple avec quelqu’un. Aujourd’hui, la plupart des gens sont dans leur bulle, et mettent ainsi en échec les anciens moyens d’aborder quelqu’un. »
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