La première journée du festival espagnol a dû être annulée à cause des pluies diluviennes qui se sont abattues sur Madrid. Blur, tête d’affiche de l’événement, s’est débrouillé pour que la fête ne soit pas totalement gâchée en organisant un show gratuit de deux heures dans une petite salle de la ville. Récit d’une journée pas banale.
Il ne manquait plus que ça. Pour sa première édition madrilène, le festival Primavera Sound, qui se tient au même moment à Porto et avait visité la semaine dernière Barcelone avec une programmation similaire (à quelques exceptions près), a dû annuler sa journée du 8 juin à cause des pluies diluviennes qui se sont abattues sur la capitale espagnole. “La journée de jeudi à Primavera Sound Madrid est suspendue pour des raisons de sécurité en raison des mauvaises conditions météorologiques”, pouvait-on lire sur le communiqué diffusé par les organisateurs de l’événement.
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Si des concerts gratuits ont lieu dans différentes salles de la ville depuis le 5 juin (avec, notamment, des performances de Built to Spill, Blondshell ou encore Pet Shop Boys au Cívitas Metropolitano, le stade de l’Atletico Madrid), la journée du 8 juin devait donner le coup d’envoi de l’événement principal, prévu sur trois jours dans un bled, Arganda Del Rey, situé à 30 bornes du centre de Madrid. Bonne nouvelle, les festivités du 9 et 10 juin sont maintenues (avec Kendrick Lamar, Christine and the Queens, Rosalía ou encore les Moldy Peaches et bar italia au rendez-vous), mais le public a dû faire une croix sur la belle programmation du jeudi où devaient se croiser, entre autres, New Order, Pusha T, Darkside, Turnstile, Le Tigre et Blur.
“On vient des petites salles”
Sauf que la bande à Damon Albarn ne l’entend pas de cette oreille. Sur les coups de 14 h, ce jeudi 8 juin, tandis qu’on s’envoie une assiette de jamón ibérico, quelques croquetas et une caña pour pas cher du côté du quartier de Lavapiès, on apprend que Blur, finalement, jouera le temps d’un show gratos à La Riviera, une salle de concert-discothèque située le sur les bords de la rivière Manzanares, à quelques encablures du Palacio Real. Le public est ainsi invité à se connecter à la billetterie du festival à 16 h pétantes pour espérer obtenir une place. La salle ne contient que 1500 places à tout casser ; autant dire que nombreux·euses sont celles et ceux qui resteront sur le carreau.
Vers 15 h, on file chez Warner, du côté de Principe Pio, où une écoute du nouvel album de Blur est organisée pour une poignée de journalistes espagnols en marge du festival. Le groupe, représenté par Damon et Graham Coxon, débarque dans la foulée pour répondre à quelques questions sur le disque et la tournée. C’est là qu’on apprend que Blur a déjà joué à la Riviera, le 26 février 1996, et que Damon, affublé depuis le début de cette tournée 2023 d’un polo blanc Fila, portait déjà à l’époque un polo blanc, mais Ralph Lauren cette fois. Un détail mentionné par un jeune reporter espagnol qui, tout gosse, avait accompagné son père voir le groupe. Blur est donc aussi une affaire de filiation.
L’anecdote fait marrer Damon, qui en profite pour expliquer que maintenant que Blur est à Madrid, c’est vraiment trop con de ne pas marquer le coup. “Ça vous fait quoi de jouer dans une petite salle, alors que vous deviez jouer devant des dizaines de milliers de spectateurs ce soir”, demande un journaliste. “On vient des petites salles”, rappelle Damon avec le flegme un peu narquois qu’on lui connaît. D’ailleurs, c’est au Colchester Arts Center, à Colchester, en Angleterre, que Blur a débuté sa tournée le 19 mai dernier. Un lieu pas bien grand, où le groupe avait fait ses premiers pas il y a plus de trente ans.
Des palmiers dans la salle
21 heures. La Riviera ressemble à un club des années 1990, avec un bar circulaire au milieu de la fosse flanqué de deux palmiers. Le DJ présent ce soir-là passe de la house bon marché et des trucs du genre makina. Beaucoup d’Anglais·es ont fait le déplacement et pas mal d’Espagnol·es sont présents ce soir. Au bar, on aperçoit un type croisé une heure plus tôt devant la salle avec une pancarte “Cherche invitation pour le concert de Blur, je peux payer”. Il nous dit qu’une fille lui a filé une place pour 20 balles. Il est content, il va voir Blur. Un message nous informe que Kendrick Lamar est peut-être dans la salle, mais on ne l’aura jamais croisé.
21 h 30. Les lumière s’éteignent et le groupe arrive sur scène. Damon porte un blazer qui ne tardera pas à sauter. Le show commence avec St. Charles Square, extrait de The Ballad of Darren, le neuvième album de Blur attendu le 21 juillet 2023. Il sonne comme un classique instantané, avec la guitare de Graham Coxon reconnaissable entre mille. Graham, d’ailleurs, saute partout, comme le kid biberonné au college radio US qu’il a toujours été. Dès There’s No Other Way, tout premier tube du groupe qui surfait alors sur la vague Madchester au début des années 1990, Damon fait tomber la veste et harangue la foule comme un punk. La salle saute de partout et les pintes de Mahou volent, provoquant un déluge de bière.
Régulièrement, Albarn balance de l’eau à la tronche du public. À un moment, il recrache même sa gorgée sur les premiers rangs, qui exultent. Une scène cocasse le verra retirer son dentier “pour ne pas qu’il finisse dans la fosse”. La salle est pliée en quatre. Blur enchaînera les tubes : Popscene, Trouble in the Message Center, Tracey Jacks, Beetlebum, Coffee & TV, Parklife, Song 2. Outre la qualité indéniable de ces chefs-d’œuvre de musique pop, la bande à Damon possède cette capacité de rendre chaque moment un peu spécial pour tout le monde, consciente que si le succès du groupe est massif, comme disent les Anglais·es, Blur résonne dans le cœur de chacun d’une manière à chaque fois un peu différente. C’est le principe de la pop music, vous allez dire. Il n’en demeure pas moins important de le souligner, tant le groupe sait cristalliser ces instants.
En guise de rappel, après un sublime This Is a Low (régulièrement interprétée quand Damon joue en solo), on aura droit à Girls & Boys, évidemment, puis Tender (les larmes, le sang, putain) et The Narcissist, premier single dévoilé du prochain album. Peut-être l’un des plus beaux trucs écrits par Damon Albarn depuis un bail, se dit-on après avoir vu la dimension que ce single est capable de prendre sur scène. On termine avec The Universal, histoire de communier tous ensemble. Terminado, les lumière se rallument. La suite au prochain numéro.
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