Le 29 septembre 1994, le chanteur de raï Cheb Hasni, idole de la jeunesse algérienne, était assassiné au bas de son immeuble à Oran. Vingt-trois ans après les faits, son aura demeure intacte dans l’ensemble d’un Maghreb où la liberté d’expression reste sous haute surveillance, surtout en matière de sexualité, thème de prédilection de celui […]
Assassiné il y a 23 ans, le chanteur Cheb Hasni, idole d’une jeunesse en mal de liberté, est honoré à l’occasion de la seconde édition du Hasni Day qui se déroule à partir du 26 Septembre à la Java à Paris
Le 29 septembre 1994, le chanteur de raï Cheb Hasni, idole de la jeunesse algérienne, était assassiné au bas de son immeuble à Oran. Vingt-trois ans après les faits, son aura demeure intacte dans l’ensemble d’un Maghreb où la liberté d’expression reste sous haute surveillance, surtout en matière de sexualité, thème de prédilection de celui qui se sera fait connaître en tant que roi du Raï Love.
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C’est à cette figure de la culture populaire que Mohamed Sqalli a souhaité rendre hommage en organisant le Hasni Day dont la seconde édition se déroule à la Java à Paris à partir du 26 septembre. Ce Franco-Marocain de 29 ans nous explique les raisons de cette initiative et nous en donne le détail.
Qu’est ce qui a motivé l’organisation de ce Hasni Day ?
Mohamed Sqalli – Vingt-trois ans après sa mort sa musique reste d’une brûlante actualité dans un contexte marqué par une montée de l’intolérance dans l’ensemble du Maghreb, où la parole de la jeunesse est globalement muselée. Cheb Hasni ne chantait pas de textes à proprement parler politiques mais dans la mesure où il abordait librement des sujets tabous tels que les relations sexuelles, il se mettait forcément à découvert sur un terrain miné par la censure, ou l’auto-censure. Pour moi, il ne fait aucun doute qu’il reste en tant que défenseur de la liberté individuelle, une figure éminemment politique.
Est-il justement toujours aussi populaire auprès de cette jeunesse née après sa mort ?
Absolument. Personne ne l’a remplacé. Auprès d’une génération qui comme les précédentes ne connaît rien ou si peu de la liberté d’expression, il demeure un symbole. Il endosse à titre posthume un rôle de leader qu’aucune personnalité politique n’est capable d’assumer. Je crois que ce qui le distingue, ce que les jeunes Algériens ou Marocains reconnaissent en lui, c’est son courage. Lui avait commencé par braver la réprobation de ses parents qui étaient des gens humbles et soumis, pour qui chanter allait à l’encontre de leurs convictions religieuses. Lorsqu’il s’est mis à animer les fêtes de mariage, ce fut contre la volonté de ses parents. Je crois que cet exemple d’un jeune qui décide pour lui-même, qui questionne son éducation, en remet en cause les aspects les plus contraignants, est source d’inspiration.
Et sa musique ? Est elle toujours aussi pertinente ?
Hasni est un artiste populaire qui ne mettait pas de frontière à sa création. Qui puisait son inspiration autant dans la variété française que dans le raï traditionnel. Autant dans Adamo que dans Cheikha Rimitti. Aujourd’hui sa musique a quelque chose d’un peu vintage qui plaît beaucoup à la jeunesse. Techniquement elle est évidemment en deçà des critères actuels mais c’est justement ce qui lui donne un certain charme. Il reste figé dans une zone affective de notre mémoire collective.
Car si l’on évoque le raï en France, ce sont les noms de Cheb Mami ou de Khaled qui viennent immédiatement à l’esprit. Pas celui de Hasni…
Il commençait à tourner à l’étranger, en Europe, aux Etats-Unis. Au moment de sa mort, il était sur le point de passer à l’étape suivante. Il lui a manqué quelques années pour mieux se faire connaître en dehors de l’Afrique du Nord. Il était sur le point de signer un contrat avec une maison de disque française, Barclay en l’occurrence. Il en avait marre du régime auquel il était soumis depuis ses débuts. Quand il est mort à l’âge de 26 ans il avait enregistré plus de 100 cassettes. Pour chacune d’elle, il avait perçu un cachet mais aucune royauté. Il voulait mettre fin à ce système et faire comme Khaled et Mami pouvoir toucher des droits d’auteur.
Est-ce que les raisons de son assassinat ont été élucidées ? Est-ce que ses agresseurs ont été confondus ?
Non. Même si sa mort porte la marque du FIS (Front islamique du Salut) C’est en cela aussi qu’il reste aussi une figure à part dans la conscience collective de l’Algérie. Il fait partie de l’histoire récente, celle des années de plomb dont il est l’un des martyrs. Il chantait l’amour de manière si libre, si suggestive qu’il en était devenu une cible. Pourtant il avait décidé de rester vivre à Oran, dans le quartier Gambetta où il était né, où il avait grandi, malgré les menaces qui pesaient sur lui. Sa femme avait préféré fuir en France avec leur jeune fils. Lui continuait à vivre sa vie. Bien que devenu une véritable idole, il n’avait rien changé à ses habitudes, ne s’entourait pas de protection particulière. Il voulait rester proche des gens, de son public. C’est d’ailleurs cette proximité qui lui a été fatale. Il était en bas de son immeuble quand un type est venu le saluer, comme des milliers de fans avant lui. Hasni ne s’est pas méfié. Le type s’est approché pour l’embrasser et puis lui a tiré une balle dans le cou.
De quelle manière va se dérouler cette manifestation qui lui est dédiée ?
Ca va débuter le 26 septembre par un concert à la Java rassemblant trois artistes qui reprendront son répertoire : Sofiane Saïdi, accompagné notamment de Kenzi Bourras, le clavier d’Acid Arab, Sarah Benabdallah, choriste du groupe La Femme, et Mohamed Lamouri. S’ensuivra un dj set animé par Glitter. Mais comme je tenais à insister sur le potentiel créatif de la figure de Hasni, la manifestation s’ouvre cette année à des peintres, illustrateurs ou designers. On trouvera en autres des œuvres de l’artiste marocaine basée à New York Meriem Bennani qui expose au Moma, de Melek Zertal, illustrateur au New York Time ou Nassim Riad Azarzar de la nouvelle génération des designers marocains.
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