Outre les qualités d’un best of in vivo, cet album a le mérite de nous donner une idée du chemin parcouru. A ce titre, la photo intérieure du livret où l’on voit Cesaria, de grossières savates aux pieds, son cabas à la main, posant telle une bignole faisant ses courses, devant la façade éclairée à […]
Outre les qualités d’un best of in vivo, cet album a le mérite de nous donner une idée du chemin parcouru. A ce titre, la photo intérieure du livret où l’on voit Cesaria, de grossières savates aux pieds, son cabas à la main, posant telle une bignole faisant ses courses, devant la façade éclairée à son nom du célèbre music-hall, vaut tous les discours. Des ruelles mal éclairées de Mindelo au boulevard des Capucines, cet album symbolise les étonnantes tribulations de ce bout de femme dont l’apparence ordinaire abrite une âme d’une rare délicatesse et un talent à ne plus démontrer. Les non-avertis pourraient s’étonner que ce conte de fées aboutisse à une cérémonie aussi mélancolique. L’abandon, si profondément enchâssé au cœur des mornas, reste la fibre transformée par d’élégants compositeurs en cette dentelle de détresse et de solitude que Cesaria porte sur les épaules à la manière, négligée, d’un châle, et dont le vent fort de la gloire ne parviendra pas à la débarrasser. Ainsi les concerts sont-ils aussi des hommages sans oraisons à ces maîtres de la douleur digne, B Leza ou Manuel de Novas, qui échafaudent de fines mélodies sur la houle lancinante des rythmes cap-verdiens. On y retrouve dans la chaude intimité et le silence recueilli les beautés gémissantes de Mar azul, Bia et ce Papa Joachim Paris avec laquelle la chanteuse aime à ouvrir ses récitals. Y figurent également les inévitables Miss Perfumado et un Saudade final hélas un peu gâché par la volonté de la chanteuse d’en faire une rengaine de fin de soirée. Hormis Reanima, l’album est avare de nouveautés, mais il éclaire l’excellence des musiciens qui l’accompagnent. Et sans qu’il faille ici dresser un tableau d’honneur, la clarinette de Luis Morais a sur Angola l’entrain de la flûte du joueur d’Hamelin tirant dans son sillage le violon de Paulo Viera pour une gigue dissonante, respirant soudain l’insouciance. Car tout en faisant couler de l’âme inconsolable du patrimoine un miel délectable, ce disque possède quelque chose d’inespéré ou, à tout le moins, d’inattendu, dont Cesaria semble prendre conscience, trahissant l’étrange fièvre qui doit saisir bon nombre de nouveaux locataires de ces lieux chargés d’histoire, par une volubilité sur scène qu’on ne lui connaissait pas ou par ce petit rire, cristallin, enfantin, qui méritait lui aussi d’être entendu.
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