Grâcieux et excentrique, le folk de JOHNNY FLYNN parle de l’Angleterre de 2008 avec des armes anciennes
Pendant des années, Johnny Flynn a tourné dans le monde entier, offrant à un public pourtant averti des performances tellement inouies pour un garçon si jeune qu’on voyait en lui l’une des plus grandes stars anglaises en devenir. On parle ici de théâtre quand, membre de la prestigieuse Royal Shakespeare Company, le blondinet joua notamment La Nuit des rois – même si sa musique aurait pu jouer La Nuit du chasseur, rurale et américaine dans la forme, même si fondamentalement anglocentrique sur le fond.
En compagnie d’autre jeunes anglais comme Jack Peñate, Emmy The Great ou Kid Harpoon, il fait partie de cette génération de conteurs qui envisagent l’héritage de Woody Guthrie ou, plus local, de Richard Thompson et Nick Drake (flagrant ici), avec l’acuité visuelle, la touche contemporaine et urbaine de voyeurs comme Mike Skinner ou Just Jack – un autre genre de folklore anglais de 2008.
Loin de chanter les forêts magiques ou les meurtres montagnards, c’est son époque et l’Angleterre que sussurre Johnny Flynn : on n’intitule pas innocemment une chanson Wayne Rooney. “On devrait laisser l’étiquette “musicien folk” aux artistes morts”, affirme d’ailleurs le pâle troubadour, dont le fan-club s’étend jusqu’à Jay-Z, qui rêverait de collaborer un jour avec lui.
Plus encore que sur sa poignée de singles à l’humble flamboyance, ses origines irlandaises sont ici manifestes, dans des arrangements fiévreux de violons et un souffle épique qui font de l’ambitieux Honk Kong Cemetry ou de l’increvable Tickle Me Pink une alternative luxuriante à l’aridité de l’anti-folk américain. Car même si considéré par les ayatollahs britanniques de l’alt-folk comme un imposteur (en raison de son éducation dans la très sélect école privée de Bedales, de son passé d’enfant de chœur à la cathédrale de Winchester ou d’acteur vedette dans la troupe théâtrale de l’Old Vic), Johnny Flynn apporte au folk une touche de préciosité et d’extravagance salvatrice.
“Je pourrais être ailleurs, je devrais être un autre”, chante-t-il, s’excusant presque de chanter avec une telle grâce des musiques venues de la nuit des temps, des tréfonds des fantasmes. Si chanter ce folk est un rôle de composition, il est là aussi brillant acteur.