Nous avons discuté avec Vanya alias Protvora. Invité à se produire à Nantes vendredi 3 mars dans le cadre du Chouette Festival, il est le fondateur du label Systema, aux identités multiples.
Depuis août 2014, le label expérimental ukrainien Systema orchestre depuis Odessa, à son échelle (c’est-à-dire toute relative), une lutte discrète mais déterminée. D’abord esthétique : mené par Vanya (aka Potvora, de son nom de DJ et curateur multi-fonctions) et Elsa (alias Knappy Kaisernappy, française et également prof d’arts), le projet s’est dès le départ voulu multidisciplinaire. Il souhaite promouvoir des expositions et des performances live, présenter des séries de podcasts d’artistes locaux·ales mais pas que (Systema présente tous les mois depuis quelques années un show sur l’antenne française de la radio Rinse), et donc, enfin, un label digital.
Comme Vanya nous le dit lui-même lorsqu’on l’interroge au téléphone : “Lorsque j’ai fondé Systema, je trouvais qu’il y avait un manque d’expérimentation à Odessa. Nos événements favorisent les performances live, l’improvisation et il manquait sans doute des espaces permettant aux musiciens d’expérimenter leur son. On a toujours voulu combiner l’art et la musique, ajouter de la vidéo, des installations, des expositions, du spectacle vivant.”
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Intensément déluré
De ce fourmillement d’idées, Systema en tire une soif du jamais-entendu et de l’inconnu qui tire dans tous les sens, souvent dans le mille. Sa productivité constante lui donne des gages de générosité et d’abondance bienvenus.
Sur la page Bandcamp savamment fournie du label, on trouve de l’avant-pop, de la techno industrieuse, de la club music turbulente et déconstructiviste, mais également de la psy techno et de l’ambient déterré des profondeurs des années 1990. Soit la palette étendue de tout ce qui se fait d’intensément déluré et entreprenant dans le vaste champ des musiques électroniques hardies.
Mais pour se faire une idée plus précise de ce que recoupe Systema en matière d’esthétique, l’auditeur·rice pourra se pencher sur la compilation Sestro, sortie en avril 2022 et réunissant toute une myriade d’artistes ukrainien·nes qui ont sorti des disques sur le label ou joué pour leurs événements.
La compilation, comme nous l’explique Vanya, est sortie dans le but de soutenir les femmes et les populations LGBT+ dans des zones ukrainiennes touchées par la guerre. Les bénéfices seront directement reversés à Sphère, organisation à but non lucratif basée à Kiev qui permet de fournir des kits de survie et une assistance financière.
Acier balistique
L’engagement se fait donc aussi discrètement esthétique que politique, parfois dans le même mouvement, le contexte de l’invasion de l’Ukraine par la Russie ayant fortement bouleversé les plans de Systema. Le collectif n’a toutefois pas chômé, en sortant la compilation Sestro donc, mais également, entre autres, deux sorties de l’artiste japonais Oriental Love ainsi que le premier album de l’artiste d’Odessa Polje.
En parallèle, Vanya a quant à lui vécu des temps troublés. Possédant un visa français (sa petite amie Elsa étant originaire de Rennes) et pouvant techniquement rentrer en France lorsque la guerre a éclaté, il est tout de même resté sur place quelque temps, jusqu’en septembre, afin de travailler pour des organismes volontaires.
“C’est assez dur pour moi de parler de cette période, mais c’était assez apocalyptique, on entendait les églises sonner tout le temps, des explosions, des roquettes, des bombes exploser près de nous. Mais il fallait se montrer utile : j’ai traduit des news de l’ukrainien au français, et j’ai travaillé pour une organisation afin de trouver de l’acier balistique spécifique afin de fabriquer des gilets pare-balles.
En août dernier, ma mission était terminée, et nous avions réussi à trouver l’acier balistique afin de fabriquer 1000 gilets pare-balles pour les forces territoriales qui se trouvaient alors dans la région de Mykolaïv. J’ai décidé alors que c’était le moment de rejoindre Elsa à Rennes.”
Exilé dans la ville bretonne et ne sachant pas vraiment de quoi l’avenir sera fait, le couple attend donc que la situation évolue. Vanya le reconnaît lui-même : “Je veux retourner à Odessa, mais il m’est actuellement impossible de pouvoir planifier à l’avance quoi que ce soit.”
En attendant, Elsa et Vanya se produiront ce vendredi 3 mars dans le cadre du Chouette Festival à Nantes sous leurs noms respectifs de Knappy Kaisernappy et Potvora. Toutes les infos sont disponibles ici.
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