Charpenté autour de la mélancolie sereine des grands jours, ce nouvel album prend d’autorité place aux côtés de Return to Magenta ou Coup de grâce, soit dans le cercle des plus lumineuses productions de l’hidalgo du Lower East Side, citoyen désormais de La Nouvelle-Orléans. On pensera également au brillant Backstreets of desire dès l’enchaînement de […]
Charpenté autour de la mélancolie sereine des grands jours, ce nouvel album prend d’autorité place aux côtés de Return to Magenta ou Coup de grâce, soit dans le cercle des plus lumineuses productions de l’hidalgo du Lower East Side, citoyen désormais de La Nouvelle-Orléans. On pensera également au brillant Backstreets of desire dès l’enchaînement de Gypsy deck of hearts, Across the borderline et Lay me down easy, trois tempi flâneurs, tour à tour baiser latin, tremplin crooner ou fièvre light. Déjà se dessine cet éternel mouvement de balancier, entre nord et sud, entre swing blanc et ondoiements noirs, entre un rhythm’n’blues dépouillé à l’extrême et la tradition cuivrée des Etats bordant le Mississippi. Naturellement enregistrées à Memphis, sur les rives du fleuve initiatique, les sveltes mélodies du cru 99 retrouvent la ligne parfaite. Aux espagnolades trop ouvertement affichées ces dernières années se substitue un soleil moins typé, mieux dompté. Plus franc aussi. Sous cet hélianthe céleste, accordéons et violons, tout heureux de partager un bout d’ombrelle avec la section rythmique des studios Muscle Shoals, aèrent une terrasse ouverte sur le Delta, sans pour autant créer des distorsions folkloriques. Le blues local et famélique de Goin’ over the hill, 18 hammers ou Bacon fat y retrouve d’ailleurs ses marques et pour une fois son rôle prophétique de musique autochtone. En fait, Willy DeVille fait feu de tout bois, tant que celui-ci possède une âme à consumer. Et c’est sa voix unique, nasale et délicatement abrasée qui, ici encore, tissera le fil rouge. Du harpon mélodique de Hanging ’round my door au lyrisme suave de Time to time, Horse of a different color cultive l’art de sonner cossu avec deux fois rien. Plus besoin de sortir les castagnettes ou les roues à aubes pour prouver un attachement sudiste. Les chansons et leurs trames ténues peuvent affirmer une identité solide sans brandir ostensiblement un passeport chicano ou un permis de séjour dans les bayous. Les idées, les sentiments s’expriment sans véhémence ni pesanteur, et s’en trouvent, du coup, largement affermis. Attribuées en partie à une production respectueuse et délicate de Jim Dickinson, la dignité et la souplesse en geyser des douze titres présents valident le retour d’un prince au sommet de la hiérarchie nobiliaire des musiques habitées et colorées.
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