Dans un premier album singulièrement abouti, François Maurin, alias F.M., relie la grâce mélodique de la pop et la sophistication de l’écriture classique.
Pour qui a grandi une oreille rivée au transistor et l’autre immergée dans la discothèque classique des parents, la distance censée séparer chanson populaire et musique savante devient vite une énigme déplaisante, qu’aucune explication rationnelle ne peut élucider. L’esprit naturellement vagabond d’un enfant chemine sans difficulté d’un monde à l’autre. Une fois parvenu à l’âge adulte, au nom de quel inepte principe de réalité devrait-il soudain se heurter à des remparts prétendument infranchissables ? Cette question est au centre du premier album de François Maurin, alias F.M., un jeune Parisien d’origine rouennaise animé depuis longtemps par le désir de ne pas choisir son camp. “Je me suis toujours senti investi d’une sorte de mission, explique-t-il. Gamin, j’étais déjà certain qu’il y avait une musique qui n’était pas faite. Ça m’a toujours paru énorme de voir qu’autour de moi personne ne semblait s’en rendre compte.”
Une telle force de conviction s’acquiert au fil d’expériences sensibles déterminantes. Dans le cas de François Maurin, elle s’est forgée grâce à la présence d’un piano à queue dans le salon familial : un “cadeau de la vie” posé là par un père féru de musique romantique et baroque. “J’ai passé des heures devant ce piano, à appuyer sur les touches et à écouter le son se déployer : faire un geste qui se prolonge de cette façon, c’est aussi fabuleux que de s’envoler. J’aurais voulu écrire un bouquin qui théorise tout ce que je ressentais par rapport à cette beauté-là.”
Parallèlement à des études de musicologie, il se lancera grâce à son home-studio dans une étude approfondie des secrets de fabrication de la pop. “Je reprenais à l’identique les chansons que j’adorais. Tout m’intéressait : la composition, la structure harmonique, la forme, le texte, le son. Je devais passer par la maîtrise de tous ces paramètres. Je suis finalement arrivé à un stade où, avec cinq noms – les Beatles, Kate Bush, Bowie, les Cars et Prince –, j’ai réussi à trouver mes marques : à équidistance de tous ces points, je savais exactement ce que j’avais à faire.”
Aujourd’hui affranchi de tout mimétisme, Maurin peut exaucer ses rêves d’enfant en abolissant la frontière entre songwriting et écriture classique. Enregistrés avec une formation purement acoustique (guitare, violoncelle, alto, violon et cor d’harmonie), les douze titres de A Dream or Two, portés par une voix aérienne proche du timbre de l’ex-Zombies Colin Blunstone, dessinent les contours charmeurs d’une “nouvelle musique populaire”, aussi exigeante qu’accrocheuse. Echappant à tous les travers de la pop dite baroque (emphase, préciosité), F.M. ne se comporte pas ici en simple arrangeur, mais bien en compositeur rigoureux, comme l’attestent ses relectures inventives de Blondie (Heart of Glass), The Cure (Killing an Arab) et The Stranglers (Always the Sun). D’une irrésistible fraîcheur, ces reprises résument bien les nobles ambitions d’une musique que son auteur décrit malicieusement comme du “rock du XIXe siècle”, et qui entend prolonger l’idéal d’une beauté sans âge, transcendant les époques, les genres et les publics. « Derrière ce pseudo, F.M., il y a l’idée d’un projet rassembleur, qui puisse plaire non pas au plus grand nombre, mais au spectre d’auditeurs le plus large possible.”
En concert le 1er mars à Saint-Lô, le 11 à Paris (Boule Noire), le 3 avril à Paris (festival Chorus des Hauts-de-Seine), le 10 à Périgueux.