A croire que dans les tréfonds de l’underground américain, on suit de près la carrière de Miossec : il suffit qu’il baptise un album Baiser pour qu’immédiatement un groupe choisisse de s’appeler Fuck ; et en écho à son Boire, nous aurons désormais droit à Drunk. A moins qu’il ne faille chercher les origines de […]
A croire que dans les tréfonds de l’underground américain, on suit de près la carrière de Miossec : il suffit qu’il baptise un album Baiser pour qu’immédiatement un groupe choisisse de s’appeler Fuck ; et en écho à son Boire, nous aurons désormais droit à Drunk. A moins qu’il ne faille chercher les origines de Drunk dans un titre des Palace Brothers : (I was drunk) at the pulpit. Car c’est ici, sur l’album There’s no one what will take care of you disque lui-même sans généalogie vraiment précise, né au gré des vents poussiéreux qui firent se rencontrer à Louisville, Kentucky, quelques mauvaises graines dispersées, de Gram Parsons à Nick Cave, de Neil Young à la Carter Family , que s’est inventée cette musique sans âge, sans rage mais sans cage. Musique pleine de libertés, grandie dans la tradition mais brouillée par le punk-rock. Musique pleine de mémoire américaine, avec ses défaites, ses larmes, sa culpabilité éternelle. Chez Drunk règne partout cette impression d’entendre une fanfare d’armée en déroute, chantonnant ses défaites sur le chemin honteux du retour, le banjo éclopé, la guitare estropiée, le violon éploré, le chant hagard. Depuis Sparklehorse, on n’avait pas poussé à ce point la country aux larmes, au fond du trou. Pas étonnant que les deux groupes viennent du même enfer vert, cette Virginie montagneuse que Mark Linkous, leader ténébreux de Sparklehorse, nous décrivait malgré lui comme un chouette décor pour un remake de Délivrance, un gentil décor naturel pour un film de Lynch sur les hobos. Lui chantait I almost lost my mind, Drunk répond Mental illness (leads to romance). Car romantique, cette musique dérangée l’est constamment, en larmes mais pas du tout pleurnicheuse, à la Lambchop. Drunk n’a jamais l’alcool mauvais : le whisky artisanal pousse ici aux confessions sur épaule d’homme, à la tendresse toujours spectaculaire du cowboy gagné par le blues. Dès le magnifique Collarbone d’entrée, on sait que ce disque de veillée sera accueillant son chaud, lumière douce, voix amie. Ce qu’on ne sait pas encore on l’apprend malgré soi, en échouant sans résistance sur les écueils exquis de Germany skies ou Hand on deck , c’est que A Derby spiritual est horriblement possessif. On avait prévu de passer un été pépère avec Oasis et Prodigy : nous voilà perdus, sans carte, dans les brumes des Smokey Mountains, ce tyran menant toute humeur par le bout du nez.
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