Une chorale cinglée de hippies californiens sème la joie.
C’est le grand vent qui souffle ici dans les prairies américaines. Il passe par des trompettes agitées, des chorales possédées et démesurées, des refrains gonflés comme drap au mistral : Bodies Of Water hurle ainsi un gospel blanc, effaré, survolté – et franchement, ça fait un peu peur la nuit. Il ne s’est même pas écoulé un an depuis le premier album du groupe, le pourtant déjà opulent Ears Will Pop & Eyes Will Blink mais à l’évidence le gisement est trop fécond pour tolérer l’économie. C’est donc dans une effervescence de sons et d’idées – qui doivent autant à Ennio Morricone qu’à Arcade Fire, au krautrock qu’au prog-rock, au psychédélisme ensoleillé des sixties qu’aux musiques rurales de la grande dépression – que les Californiens assemblent ces chansons grandiloquentes et illogiques.
Mais tout cela ne pourrait être que constructions intellectuelles, voire mathématiques, s’il n’y avait la ferveur et l’emphase d’un chant tellement habité (le magnifique et cintré Water Here) qu’on se croirait parachuté, barbu et hagard, dans une de ces familles hippies qui hantaient dans les sixties les montagnes de Californie– de la Manson Family à The Source Family. C’est pourtant sans le décorum un peu Disneyworld de Polyphonic Spree que cette troupe mixte ressuscite cet esprit libertaire et extravagant, avec une urgence et une foi qui font déjà de ce A Certain Feeling l’un des meilleurs amis des autoradios de l’été – surtout dans le désert, après avoir pique-niqué de cactus. De la sunshine-pop, mais pour les jours où le sunshine est menacé par l’orage. Fantastique.
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