Retour sur la 25e édition d’Astropolis, qui s’est déroulée du 3 au 7 juillet et a été marquée notamment par un set phénoménal de Manu Le Malin, indéfectible pilier du grand raout électro brestois.
Doyen des festivals électro français, Astropolis est apparu au mitan des années 1990 tandis que pullulaient sur le sol hexagonal raves et autres free-parties, ces rassemblements festifs d’un genre nouveau face auxquels les autorités se sentaient légèrement dépassées… (1) Copiloté depuis le début par le binôme d’organisateurs Gildas Rioualen et Matthieu Guerre-Berthelot, le festival brestois a su vieillir sans trahir, restant fidèle à son ADN originel et à ses valeurs fondatrices : indépendance, curiosité, hédonisme. Après avoir traversé divers aléas au long de son existence, bien retracée dans ce montage vidéo réalisé pour les 20 ans du festival, il apparaît aujourd’hui solidement ancré et se décline même en version hivernale depuis quelques années (prochaine édition : les 14 et 15 février 2020).
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Ciel radieux
Cette édition 2019 d’Astropolis était la 25ème, un cap symbolique franchi avec une bénédiction maximale des dieux de la météo, le soleil ayant été de la party pendant toute la durée du festival. Vu que les réjouissances se déroulent majoritairement en extérieur, ce qui constitue toujours un petit (?) pari dans le Finistère, une telle clémence du ciel a évidemment été appréciée à sa juste valeur et a notablement contribué au bien-être général.
Comme à l’accoutumée, le temps fort du festival s’est concentré sur le week-end. Divisée en deux parties distinctes, dans deux lieux différents, la soirée du vendredi démarre au bois de Keroual. Fief emblématique du festival depuis 2001, où se déroule rituellement la grande soirée climax du samedi, ledit bois se trouve à proximité de Brest, sur la commune de Guilers. Il abrite en son sein un manoir en ruines, investi pour l’occasion, auquel s’ajoutent plusieurs chapiteaux, une grande roue, un mini-bus, un stand d’auto-tamponneuses, des zones de détente, divers éléments de déco et de lumière sans oublier des stands de nourriture et des bars (les Bretons savent tenir leur réputation). Parfaitement aménagé et mis en scène, le tout évoque un parc d’attractions féerique(s) invitant à basculer dans l’univers du rêve – et de la rave…
Pour la soirée du vendredi, le site se découvre en version réduite, seul étant utilisé le chapiteau principal. Trois live sont au programme : Arnaud Rebotini (avec le Don Van Club), qui interprète la BO de 120 Battements par minute sans nous affoler le cœur, Max Cooper, qui distille une techno planante agréable mais assez convenue (heureusement rehaussée par de superbes visuels), et Kap Bambino, qui accélère sérieusement la cadence avec son électro-punk frénétique. Bondissant d’un bout à l’autre de la scène, micro en main, Khima France – la moitié féminine du duo – déverse une énergie ravageuse tout au long du show.
Retour en centre-ville pour la suite de la soirée, qui se déroule précisément à La Suite, petit club situé sur le port de commerce, à quelques encablures de la Carène – la très dynamique SMAC locale. Deux salles, deux ambiances. Dans la salle du haut, la tendance est clairement à la techno. Si le Berlinois Kobosil, résident du Berghain, sort une artillerie un peu trop lourde, le Suédois Anthony Linell (alias Abdulla Rashim) exécute en fin de nuit un set absolument impeccable : épuré, subtil et tendu. Dans la salle du bas, bien kitsch, l’électro domine avec en tête d’affiche I-F, légendaire DJ/producteur néerlandais, auteur du tube underground Space Invaders Are smoking Grass. A 6h30, le son s’arrête, le jour se lève, il est temps de rentrer se coucher…
Le samedi, on réattaque dès l’après-midi, plusieurs gâteries sonores étant proposées gratuitement à travers la ville, notamment au chouette centre d’art La Passerelle et sur la Place Guérin (en mode apéro-pétanque électro, 100 % décontracté). Le principal spot diurne se trouve au Jardin de l’Académie de Marine, avec vue panoramique sur la mer. Une foule nombreuse s’y trémousse ou s’y prélasse au soleil, bercée par la tech-house de Roza Terenzi ou de Blutch.
Electro galactique
On enchaîne sans transition (ou presque) avec la soirée au bois de Keroual, qui déploie ici tout son faste avec cinq scènes différentes. L’Astrofloor, le chapiteau principal, voit atterrir en milieu de nuit X-102, projet culte de Jeff Mills et Mad Mike, accueilli pour une date exclusive en France. Loin de la tambourinade, le duo – dissimulé derrière un grand écran/voile – enveloppe doucement le public au son d’une électro galactique teintée de jazz. Prenant le relais, Paula Temple replace le curseur rythmique à un niveau beaucoup plus élevé.
Sous le Dôme, petite scène dévolue à des artistes régionaux, l’on est emporté par l’excellent DJ-set techno (tout en vinyles, svp) du jeune Rennais Blurred Boy, fondateur du très vigoureux label Nocturnal Frequencies. Du côté du Red Bull Music Boom Bus, on attrape un bout du DJ-set visiblement très free-style de DJ Marcelle, et dans la Cour, surpeuplée et survoltée, on ondule grâce au live bien profilé de Marc Romboy.
Située sur le côté sombre de la force, la scène Mekanik nous vaut les sensations les plus intenses de cette longue nuit. D’abord happé par l’électro ténébreuse et accrocheuse d’Oktober Lieber, on s’engouffre ensuite dans l’électro-techno aux lignes brisées et aux basses profondes de Lakker. Sur le petit matin arrive Manu Le Malin. Compagnon de route emblématique d’Astropolis, il célèbre la 25ème édition du festival avec un phénoménal set de techno hardcore, sans une once de lourdeur, dont la puissance est encore accrue par les somptueux visuels du collectif Oyé. Du grand art.
(1) En témoigne en particulier la fameuse circulaire ministérielle « Les soirées rave : des situations à hauts risques », diffusée en 1995 à l’instigation de Charles Pasqua, alors Ministre de l’Intérieur.
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