Un ancêtre du Delta est enlevé à l’hospice par le terroriste Jon Spencer : c’est le blues qu’on ressuscite. Si nous savions que Jeffrey Lee Pierce allait vite nous manquer, nous ne pouvions imaginer que le plus sérieux postulant au siège vacant afficherait au compteur un âge canonique. R. L. Burnside donc. Evidemment black. Sorti […]
Un ancêtre du Delta est enlevé à l’hospice par le terroriste Jon Spencer : c’est le blues qu’on ressuscite.
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Si nous savions que Jeffrey Lee Pierce allait vite nous manquer, nous ne pouvions imaginer que le plus sérieux postulant au siège vacant afficherait au compteur un âge canonique. R. L. Burnside donc. Evidemment black. Sorti direct du delta du Mississippi pour cracher un peu d’essence sur le brasero en veilleuse du blues éternel. Né en 1926 du côté de Coldwater, l’homme s’imprègne du fleuve depuis la nuit des temps pour en resservir le moins expurgé des panoramas. Héritier direct de Robert Johnson, John Lee Hooker ou Mississippi John Hurt, on le repère dans les clubs de Chicago à la fin des années 40, en compagnie de Muddy Waters et Jr Kimbrough un peu plus tard, partout où le swing génésiaque prend ses marques. De retour au pays pour ce qui aurait pu être une retraite en roue libre, R. L. Burnside ne cesse depuis de remonter le courant, de prendre à rebrousse-poil tout ce qui pourrait faire de lui un autre archétype de bluesman septuagénaire. Lui n’a cure d’un classicisme balisé. Des charpentes communes il n’utilise que la rigidité, rabotant joyeusement toutes les enluminures dictées par les estomacs fragiles de petits Blancs. On peut crier au génie, saluer l’habile idée d’une intelligentsia musicale, mais il est avant tout logique de voir sa route croiser aujourd’hui celle du Jon Spencer Blues Explosion. Le fossé est évident, la jeunesse d’un Noir du Sud en 1930 et celle d’un Blanc du Nord en 1960 ne sauraient être mises en parallèle, mais il existe une réelle convergence de leurs racines. Ce souci de l’expérience sans bavardage. Cette rigueur du propos même lorsque les neurones battent la chamade. Chacun dans son coin a appris à entretenir avec les voisinages respectifs des rapports courtois empreints de paranoïa et d’introversion. Chacun a su s’imposer à son époque sans en tutoyer les flots majoritaires. Soyons clairs, il ne s’agit aucunement d’un album à quatre mains : A Ass pocket of whiskey est un disque de R. L. Burnside. Jon Spencer y tient donc un second rôle, celui d’artisan dévoué aux plans du patron. Mais les connivences sont telles qu’émergent une vraie symbiose, un projet commun. La vieille carcasse bleue encaisse les coups des deux côtés. Le blanc-bec gobe son micro, martyrise ses cordes comme au sein de ses propres Pussy Galore ou Boss Hog. Le loup grisonnant calme le jeu pour mieux suriner des refrains au plus près de l’os. Un seul vainqueur, et par KO : le blues. Bousculé par d’autres gamins de son âge dans une cour de récréation. Enfin traité sans une condescendance due à des béquilles. Ici, on secoue les données de base pour les épousseter et leur rendre une brillante simplicité. De fait, la paternité qui unit le blues et le rock’n’roll redevient évidente. The Criminal inside me ou Tojo told Hitler nous l’expliquent sans pédagogie surfaite, au coin d’un zinc, avec juste ce qu’il faut de rage contenue et de mélancolie contrariée. Comme une version sauvageonne de L’Oncle Tom.
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