Dans l’offre surchargée des festivals, l’innovation porte un nom : Nuits sonores, panorama des cultures électroniques indé de l’époque. A Lyon du 13 au 17 mai.
Une masse d’individus avance au pas dans un énorme hangar, des lunettes 3D blanches sur le nez. Bientôt devant eux, un live époustouflant et rare de Kraftwerk. La scène se passe le 1er juin 2014 dans l’ancien marché de gros du quartier Confluence de Lyon, pendant la clôture de la 12e édition de Nuits sonores. Kraftwerk, groupe visionnaire et pionnier des musiques électroniques, ressemble un peu au festival qui l’accueille alors : dans leurs morceaux, on trouve un discours tantôt sur l’Europe, tantôt sur l’esthétisation du monde industriel, tantôt sur l’idée d’un rapprochement entre humains et machines.
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Pour son édition 2015, Nuits sonores continue sur sa lancée. Toujours installé à Confluence, là où Rhône et Saône se rejoignent au sud de la presqu’île lyonnaise, le festival se fond désormais dans cette ancienne friche industrielle. Le quartier est devenu un des grands chantiers urbanistiques et humains en Europe, et le symbole d’un développement continu de la métropole lyonnaise. Un projet porté notamment par Vincent Carry, entrepreneur culturel à la tête de Nuits sonores, qui dit appartenir à une “génération post-Malraux” résolue à en découdre avec des politiques culturelles sclérosées par le conservatisme. Il évoque ici ce que représente Nuits sonores.
« rupture avec les festivals historiques »
“Nuits sonores a accompagné la revitalisation progressive de Confluence. Dans ce quartier, il y a du patrimoine industriel revitalisé (comme la Sucrière), et des signatures architecturales internationales très importantes, avec des totems comme le Musée des Confluences, ouvert il y a quelques semaines. C’est l’implantation dans ce territoire urbain qui fait de Nuits sonores un événement en rupture avec les festivals historiques, généralement monosites et en périphérie des centres-ville.”
« une revendication de la culture électronique »
“Nos actions ne se confinent pas à la stricte circonférence des musiques électroniques – on a très largement dépassé ça. Le prisme esthétique et artistique de Nuits sonores, c’est la culture de notre époque au sens large. On n’a jamais été dans une démarche corporatiste et on s’est toujours interrogé sur la pertinence de nos propositions. Aujourd’hui, on n’est plus dans une revendication de la culture électronique. On considère que c’est acquis.”
« un espace de décryptage »
“C’est difficile de définir la ligne artistique de Nuits sonores, mais on essaie de proposer un panorama des cultures électroniques indépendantes de l’époque. On se veut un espace de décryptage de la création d’aujourd’hui. Cette ligne est définie de façon très exigeante car c’est notre principal capital. Ça, c’est notre public (130 000 festivaliers en 2014 – ndlr) qui le dit : on bat nos records de préventes chaque année, alors que notre programmation est largement dépourvue de têtes d’affiche.”
« de l’aspect théorique à l’aspect pratique »
En marge de la programmation musicale de Nuits sonores, le forum European Lab couvre tout un tas de problématiques et de questionnements sur l’avenir de la culture et de la ville. Ce qui est intéressant sur un projet comme Confluence, c’est que n’importe quel acteur traversant le projet – spectateur, artiste ou professionnel – aura l’occasion de passer de l’aspect théorique (à travers le Lab) à l’aspect pratique (à travers le festival Nuits sonores). Plus prosaïquement, la question des friches industrielles reste très étroitement liée à l’histoire des musiques électroniques. On s’en est rendu compte encore une fois, l’année dernière, avec le concert de Kraftwerk dans la Halle Girard : les espaces qu’on utilise ne sont pas anecdotiques, ils font partie de la programmation de Nuits sonores.”
« une centaine de structures culturelles »
“Confluence est en soi un projet très coopératif, de la fabrication des espaces avec des étudiants jusqu’au contenu artistique de Nuits sonores. Plus d’une centaine de structures culturelles sont impliquées dans le projet global, et 492 entreprises ont participé à l’édition 2014. On essaie de mettre ce territoire à l’unisson d’un projet.”
« un investissement sur le futur »
“On milite pour que les politiques culturelles soient repensées et évoluent de façon significative dans les années à venir. On estime qu’elles ne répondent pas, aujourd’hui, au besoin d’équité entre les citoyens, c’est-à-dire qu’elles sont faites pour des individus plutôt âgés, plutôt CSP+, résidant plutôt en centre-ville : précisément là où on a le moins besoin d’un effort public. L’autre erreur, c’est que les politiques publiques de la culture font l’impasse sur une notion essentielle : celle d’investissement sur le futur, sur l’innovation, sur l’émergence, sur une vision prospective de la culture.”
« une notion d’invitation »
“La ville, historiquement, c’est le territoire où se jouent les scènes musicales. De Manchester à Berlin, de Detroit à New York, les exemples ne manquent pas. En France, c’est pareil : il y a une scène rock indé à Clermont-Ferrand comme il y a eu une scène French Touch à Versailles. Et ce phénomène reste vrai aujourd’hui, même si c’est à nuancer à cause de la globalisation des usages, des pratiques et des esthétiques. Dans les cartes blanches qu’on propose à des villes étrangères (voir le reportage à Varsovie page suivante – ndlr), il y a une notion d’invitation et d’évitement de l’entre-soi.”
En 2015, une programmation intense
Du 13 au 17 mai, dans les différents lieux de Confluence (l’ancien marché de gros, la Sucrière, le Sucre, l’esplanade François-Mitterrand et la Maison de la Confluence), se déroulera une longue liste de DJ et de groupes programmés. En journée, on y retrouvera Ben Klock, John Talabot et Jamie xx qui, eux-mêmes, ont invité de belles personnes comme Joy Orbison, Andre Bratten, Syracuse ou encore Ninos Du Brasil. Pour la prog de nuit, il faudra notamment compter sur Nils Frahm et Tale Of Us, Daniel Avery et Vaudou Game, Jessica93 et Brodinski, et bien évidemment sur l’ami historique de Nuits sonores : Laurent Garnier. A noter, le jeudi 14 mai, un circuit à travers différents lieux de la ville (le Transbordeur, le Ninkasi, le Terminal club, le Marché Gare, l’Epicerie Moderne…), où l’on pourra retrouver Ghostpoet, Low Jack, Chassol ou encore le collectif Mawimbi. Si tous ces arguments ne vous suffisent pas, la prog complète et détaillée est à retrouver sur le site du festival.
nuits-sonores.com/prog
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