Au commencement, le jazz c’est le choc détonant entre l’Afrique ancestrale et l’Occident dévoreur d’espace et de temps entre la danse, la transe immémoriales et l’Histoire, la remise en cause systématique de toute forme établie. La matrice, dès lors, d’une beauté nouvelle, inquiète, toujours projetée hors d’elle-même dans un mouvement paradoxal de quête/fuite de […]
Au commencement, le jazz c’est le choc détonant entre l’Afrique ancestrale et l’Occident dévoreur d’espace et de temps entre la danse, la transe immémoriales et l’Histoire, la remise en cause systématique de toute forme établie. La matrice, dès lors, d’une beauté nouvelle, inquiète, toujours projetée hors d’elle-même dans un mouvement paradoxal de quête/fuite de ses origines, ne cessant de repousser ses limites toujours plus loin à mesure qu’elle croit atteindre au mystère de sa genèse. Aujourd’hui le jazz c’est le monde entier, d’autant plus lui-même qu’il se révèle autre, confronté aux différentes traditions qu’il n’a cessé d’intégrer, de renouveler, d’interroger dans sa longue errance identitaire. Ce mouvement s’est longtemps fait dans une grande inconscience, en une succession de trahisons fécondes, avant de peu à peu devenir un enjeu esthétique et politique majeur, à la fin des années 50. Les positions se radicalisent alors, le retour à la Mère Afrique est sensible, mais le jazz s’ouvre aussi à la musique modale indienne (George Russell, Miles Davis, John Coltrane), vers de nouveaux horizons spirituels, ou s’essaie à d’improbables fusions avec l’univers occidental contemporain (ce qu’on a appelé le Third Stream…). C’est dans ce contexte que s’inscrivent ces quatre disques, compilations d’une série d’enregistrements parus dans la seconde moitié des années 60 sur le label MPS du producteur allemand Joachim Ernst Berendt, offrant à un certain nombre de jazzmen l’opportunité d’une rencontre directe avec des musiciens de cultures différentes Jazz Meets The World : une musique de pionniers toujours passionnante, même dans ses impasses, inventant un champ musical ouvert à l’autre dans toute son étrangeté. On retiendra plus précisément les volumes consacrés à l’Asie et à l’Afrique d’où émergent deux séances exceptionnelles consacrant les amours délicieusement transgressives entre le jazz et les traditions indienne et arabe : Barney Wilen, Manfred Schoof, Irene Schweizer confrontés à la métrique et la modalité indienne ; George Grunz, Daniel Humair, Jean-Luc Ponty répondant aux avances d’un orchestre traditionnel tunisien. Des musiques étonnantes de liberté, d’invention et de respect mutuel, chacun sortant de soi pour définir avec l’autre les frontières (é)mouvantes d’un nouveau territoire… La preuve s’il en était besoin que le jazz est bien cette terre d’accueil pour qui s’aventure.
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