Les Inrocks ont 30 ans mais regardent devant : les révélations de demain en musique selon la rédaction.
Rat Boy, 19 ans, bad street boy
Rat des villes ou rat des champs ? Résolument Rat Boy des villes, tant ce jeune banlieusard incarne le grand mélange sonique de Londres où se télescopent dans l’affolement les musiques venues de partout en un joyeux foutoir, un joli défouloir. Car la gouaille mais aussi l’insolente classe mélodique de Rat Boy l’inscrivent dans une glorieuse tradition régionale qui, de Clash à Damon Albarn, des Libertines aux Streets, fait la noblesse des trottoirs d’Angleterre.
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Rat Boy, de son vrai nom Jordan Cardy, est depuis deux ans déjà le grand prétendant au trône anglais, son chroniqueur surdoué et branleur du désœuvrement, l’éternel espoir d’un (mauvais) genre qui refuse, avec une distinction et une morgue folles, de choisir entre rock, pop, lo-fi ou hip-hop – mais fait les poches de tout le monde. Avec les chansons sans collier de Rat Boy, les étiqueteurs se préparent des nuits blanches et des dépressions. L’année du rat, ça sera les années à venir. JDB
Frances, 22 ans, soul-pop à l’anglaise
Il y aura un moment où Adele ne pourra plus porter seule le destin économique de l’industrie musicale anglaise. Les professionnels réfléchissent donc à un “après” et, entre Låpsley à Liverpool et Frances à Newbury, ils pourraient bien avoir trouvé des voix dignes et sans mélodrame pour incarner l’avenir juteux de cette soul-pop à l’anglaise. Rien ne prédestinait pourtant Sophie Frances Cook au chant et à cette musique qui, des jukebox de pubs aux cadeaux de la fête des Mères, reste une véritable exception culturelle anglaise.
Violoniste de formation et timide de nature, il a fallu qu’elle bricole une petite pop-song sans ambitions pour franchir le pas : sa chanson avait arraché des sanglots à un compositeur de musiques de films auprès duquel l’avait envoyée un conseiller scolaire. On comprend mieux pourquoi elle s’est depuis spécialisée dans les chansons tire-larmes mais sans pathos, sans excès de cordes hollywoodiennes, qui font d’elle une digne héritière de Carole King (le piano) ou même Joni Mitchell (les sanglots dans la gorge). Elle compose aujourd’hui à quatre mains avec Howard Lawrence de Disclosure. Frances, bientôt championne du monde ? JDB
Ho99o9, 26 et 29 ans, hip-hop digital et maléfique
Pour ces teignes venues du New Jersey via Los Angeles, c’est tous les jours Halloween : s’ils frappent à votre porte, ne leur proposez pas des sucreries mais au minimum des amphétamines. Car on ne voit vraiment pas ce qui pourrait autrement alimenter et faire exploser à ce point leur mélange haute pression hip-hop digital + punk hardcore qui est vite devenu l’une des propositions les plus radicales et prenantes du circuit live.
Chaque concert est une démonstration de force, le dernier soubresaut, l’ultime décharge d’un groupe qui doit autant au rock extrême de Black Flag qu’au hip-hop exaspéré de Public Enemy. Aussi fascinant, maléfique et mystérieux que quelques-uns des plus beaux collectifs des dernières années – de WU LYF à Odd Future –, Ho99o9 (prononcer “horror”) n’est pourtant qu’un duo. On imagine avec effroi le carnage s’ils étaient sept ou huit… Un de leurs brulôts s’appelle Day of Vengeance : elle sera terrible. JDB
ILoveMakonnen © James Mason
ILoveMakonnen, 26 ans, roi du feat
Issu de la fameuse scène d’Atlanta, aux Etats-Unis, ILoveMakonnen a fait péter les compteurs YouTube en 2014 avec Tuesday, son gros featuring avec Drake. Celui-ci ne s’y est pas trompé en entendant dans la voix de ce garçon un indicateur de l’avenir où le prisme du hip-hop tisse toujours plus de liens entre rap, pop et r’n’b. Car oui, ILoveMakonnen chante autant qu’il rappe, sans complexes ni dans un registre ni dans l’autre. Après Brodinski, c’est récemment avec Santigold qu’il a signé une collaboration. A la manière de Young Thug, il devient une plus-value musicale ultra-efficace : tout le monde voudra bientôt son “feat.” avec ILoveMakonnen. M. de A.
Aurora © Kenny McCracken
Aurora, 20 ans, supernova nordique
Menue, un visage de poupée, des cheveux d’ange, mais tous ceux qui ont écouté les morceaux vastes et puissants de la jeune et précoce Norvégienne Aurora, et surtout tous ceux qui l’ont vue affirmer sa personnalité magnétique sur scène, confirmeront que les apparences sont traîtresses : l’elfe nordique planque une future géante de la pop globale, une supernova en devenir, une voix médusante née dans un territoire magique où se mêleraient les délicatesses de Joanna Newsom, l’attrait immédiat de Lorde, la mélancolie en Technicolor de Lana Del Rey ou les airs viciés de Fever Ray. Après un maxi célébré par tous, et avant un premier album à paraître bientôt, l’un de ses titres les plus récents et tubesques s’intitule Conqueror… T. B.
Hamza © Colin Delfosse pour Les Inrockuptibles
Hamza, 20 ans, du rap d’Atlanta de Bruxelles
Depuis les dernières fulgurances de Matt Houston et l’avènement d’icônes fantoches qui usurpent l’identité du genre, le r’n’b francophone est dans un sale état. Une situation critique qui n’effraie pas Hamza, jeune rappeur-chanteur belge qui n’hésite pas à croiser les influences de Young Thug, Tupac, Future ou Booba pour imaginer un rap libre qui emprunte aussi bien au chant qu’à la scansion la plus hypnotique.
Le Bruxellois a déjà sorti deux mixtapes dont l’évidence mélodique n’a pas tardé à exciter l’essentiel des labels français. Sur H-24, sa dernière collection, Hamza plaque ses rêves d’Atlanta avec une impudence et une aisance déconcertantes. Deux fois douze morceaux étranges et répétitifs, capables de soulever une vague de fascination sur internet… sans oublier l’habituel ressac de commentaires irrévérencieux des haters qui accompagnent la marée. Ça tombe plutôt bien : Hamza est prêt à cliver le futur et il ne vous doit pas le respect. A. F.
Jacques, 24 ans, musicien en réalité augmentée
Avec son premier ep (et sa coupe de cheveux pas banale), Jacques a donné un bon coup de pied dans la fourmilière de la nouvelle scène française. Il y a mis des beats secs de techno et quelques boucles de sons enregistrés dans la nature, en pimentant le tout d’une approche toute personnelle de la mise en scène. Pour s’en rendre compte, il faudra fouiller sur internet et trouver quelques-unes de ses vidéos où Jacques décline, par exemple, le phénomène de “vortex” (percer des perceuses, scotcher du scotch, défenestrer une fenêtre, balayer des balayettes…). Bref, le garçon est un peu comme Salut C’est Cool ou Flavien Berger : pour lui, la musique n’a de sens qu’augmentée par l’image et l’art du bricolage. Cette curiosité sans fin a d’ailleurs donné son titre au premier ep de Jacques : Tout est magnifique. On confirme. M. de A.
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