Onze ans après la mort de Trish Keenan, ces enregistrements presque inédits permettent de se replonger dans un univers plus vaste que l’univers.
Quel·les artistes peuvent s’enorgueillir d’avoir à ce point influencé leurs pairs, tout en laissant dans leur sillage une œuvre aussi conséquente et foisonnante que celle de Broadcast ? Une poignée, sans doute, parmi lesquel·les, vivant·es ou disparu·es, tous·tes n’ont pas conservé l’aura de la regrettée Trish Keenan, compositrice et chanteuse à la voix chaude comme un soleil de glace, qui laissait transparaître un éventail d’émotions humaines aussi vastes que l’univers.
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Une partie de la pop française, avide d’incartades psychédéliques et admirative des bricolages de François de Roubaix, s’est très tôt entichée de la musique de cette formation de Birmingham, montée au mitan des années 1990, une époque à laquelle se forge le terme de “post-rock”. Ils et elles s’appellent Biche, Nina Savary ou encore Pearl & the Oysters.
Une conquête de l’espace mystique
De l’autre côté de la Manche, la Galloise Cate Le Bon ou les fringant·es Vanishing Twin, porté·es par la magnétique Cathy Lucas, ont repris le flambeau de cette pop ludique et gracieuse, expérimentale et mélodieuse, inspirée, notamment, par l’avant-garde psyché californienne 60’s et le rock planant des formations allemandes 70’s.
En tripatouillant ses machines électroniques d’un autre temps, Broadcast aura ainsi autant marché sur les plates-bandes de The United States of America et de Faust que d’Autechre, et participé à la plus belle des conquêtes, celle de l’espace mystique. Tout cela sans démonstration de force technique ni étalage de virtuosité mal placé. Décédée le 14 janvier 2011, à seulement 42 ans, Trish Keenan a donc laissé un vide intersidéral.
Si l’on pouvait espérer une suite à The Future Crayon, compilation de raretés et autres faces B parue en 2006, réjouissons-nous de voir arriver trois albums indisponibles depuis toujours, ou presque. Le premier s’intitule Microtronics Vol. 1 & 2.
Un document sonore fait de collages
À l’époque, cette incongruité était vendue au format EP, en deux volumes distincts, sur les tournées de Haha Sound (pour le 1) et de Tender Buttons (pour le 2). Il est composé de vingt-et-un sketches sans titre, dépassant rarement les deux minutes, qui donnent à entendre un groupe en plein trip minimal et bruitiste, jouant avec des boîtes à rythmes, instruments à percussions non identifiés et batteries de fortune. On repère quelques échos façon Arthur Russell aussi sur ce disque pour fans hardcore.
Le deuxième, Mother Is the Milky Way, est une incongruité encore plus incongrue. Tirés à 750 copies en 2009 et vendus en concert, ces onze titres constituent un document sonore fait de collages, field recordings et mélopées murmurées comme improvisées. Si la sérénité qui se dégage de cette écoute a quelque chose de réconfortant, la satisfaction de se dire que l’on assiste au processus de création, par tâtonnements, d’un groupe des plus inspirants est d’autant plus grande.
Enfin, les BBC Maida Vale Sessions rassemblent quatre sessions mises en boîte en 1996, 2000 et 2003 pour John Peel (dont Sixty Forty, sublime reprise de Nico), et en 1997 pour les Evening Sessions de la chaîne britannique. L’occasion d’entendre l’évolution d’un groupe aux avant-postes des révolutions électroniques et mélodiques de cette époque bouillonnante.
Microtronics Vol. 1 & 2, Mother Is the Milky Way, BBC Maida Vale Sessions (Warp/Kuroneko). Sortie le 18 mars.
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