La musique brute. Musicien de la ritournelle, Michael Nyman délaisse la facilité pour une énergie réfléchie dans ses nouvelles compositions. L’énorme succès que Michael Nyman remporta en 1982 avec la musique du Meurtre dans un jardin anglais de Peter Greenaway lui a joué un tour auquel il ne s’attendait probablement pas. Catalogué comme musicien de […]
La musique brute. Musicien de la ritournelle, Michael Nyman délaisse la facilité pour une énergie réfléchie dans ses nouvelles compositions.
L’énorme succès que Michael Nyman remporta en 1982 avec la musique du Meurtre dans un jardin anglais de Peter Greenaway lui a joué un tour auquel il ne s’attendait probablement pas. Catalogué comme musicien de cinéma ses collaborations ultérieures avec Greenaway entérinaient cette présomption : Zoo (1985), Drowning by numbers (1988), Le Cuisinier, le chef, sa femme et son amant (1989) et Prospero’s books (1991) , il est devenu le musicien de la ritournelle et de l’air facile ; bref, quelqu’un d’extrêmement sollicité, sommé de fournir générique sur générique pour télévisions et radios… A ce rythme, son inspiration s’est tarie et ses partitions pour l’écran ont occulté le reste de sa production, qui méritait pourtant autant de considération, sinon plus.
Aujourd’hui, la brouille consommée avec son ex-partenaire Greenaway (dont on sait depuis combien l’intensité des images tenait à leur association), Nyman compose toujours autant pour le cinéma (Patrice Leconte, Jane Campion, Diane Kurys, Christopher Hampton, Sieya Araki…), mais il s’est partiellement ressaisi et s’attache désormais à écrire dans un style plus réfléchi et moins automatique, comme en témoignent ces trois récents concertos.
Même si Nyman s’est éloigné du rock qu’il écoutait à 20 ans le Double blanc des Beatles demeure gravé dans sa mémoire et sa participation au début des années 80 aux très underground Miniatures de Morgan Fisher et Fourth wall de David Cunningham et ses éphémères Flying Lizards a laissé quelques traces sur le vinyle , il en a conservé un principe élémentaire et essentiel : l’énergie. Les rythmes cadencés et jubilatoires qui s’accumulent, se pressent et dérapent dans ces trois concertos rappellent étrangement le Wall of sound de Phil Spector ; car, après tout, Da doo ron ron est à Spector ce que le thème principal de Meurtre dans un jardin anglais et In Re Don Giovanni sont à Nyman, un air entêtant qui, de plus, frappe à l’estomac. Chez Nyman, l’orchestre vrombit comme un avion au décollage, les cordes s’emballent. En ouverture du Concerto pour clavecin, Elisabeth Chojnacka, la soliste, malaxe littéralement le clavier de son instrument avec une mélodie qui ruisselle, déborde et se répand à l’envi. Le clavecin se précipite, tête la première, dans une toccata survoltée, attisé par des cordes teigneuses. Reprenant l’idée de la « musique brute », telle qu’elle était apparue dans l’Angleterre duXVIIème siècle, pour qualifier ces troupes de musiciens ambulants qui provoquaient un vacarme à l’aide d’ustensiles en ferraille, Nyman suscite un duel passionné entre le soliste et plusieurs sections de l’orchestre dans son Concerto pour trombone exercice de haute voltige, grave et flamboyant, aux multiples péripéties, qui aboutit à une gaillarde et feinte cacophonie.
Michael Nyman, 3 concertos - John Harle, Julian Lloyd Webber, Elisabeth Chojnacka, Christian Lindberg, Philharmonia Orchestra, Michael Nyman String Orchestra, BBC Symphony Orchestra (EMI)